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L'enfance aux livres - Retouches

Par Placebo
« Pour autant queje me souvienne, Les malheurs de Sophie auront été mon livre primordial. »
Lu dans Si le grain ne meurt d'André GIDE :
« La littérature enfantine française  ne présentait alors que des inepties, et je pense qu'il [le père de l'auteur] eût souffert s'il avait vu entre mes mains tel livre qu'on y mit plus tard, de Mme de Ségur exemple -- où je pris, je l'avoue, et comme à peu près tous les enfants de ma génération, un plaisir assez vif, mais stupide... »
Ce souvenir remonte, pour GIDE, au milieu des années 1870. Mais le retour sur le sentiment éprouvé à la lecture des livres de la russe comtesse date de beaucoup plus tard quand l'auteur travaillera à ce qu'il voulait être ses mémoires. Le livre, d'ailleurs, ne parût qu'en 1920, mais ne fut accessible au grand public que vers 1926 -- je me fie à la Note sur le texte de Pierre MASSON qui a établi l'édition de Souvenirs et voyages de la Pléiade.
Je demeure encore intrigué par le périple effectué, en un siècle, par ces inepties publiées sous le Second Empire depuis la bonne société française jusqu'à la petite bourgeoisie du Canada français. Je me souviens maintenant de mon effroi au récit des saignées par application de sangsues et des nombreux châtiments corporels infligés aux enfants, que dire de mon étonnement à la vue des illustrations, et de ma découverte de la différence entre le vocabulaire de l'écrit et celui de la conversation. Ainsi, à l'école, ai-je été repris pour avoir utilisé le mot colère comme adjectif -- je n'avais évidemment pas vérifié dans le dictionnaire, utilisé par une comtesse, de surcroît née Rostopchine, ce mot, pourquoi l'enfant sage que j'étais en aurait-il contesté l'usage ? C'est sans doute de cette époque que date ma dilection pour les mots sortis d'usage ou vieilles, ou pour les constructions désuètes, que, plus tard, j'entretiendrai par la fréquentation de SÉVIGNÉ ou SAINT-SIMON. Il n'empêche que j'avais été fort contrarié par cette correction qui, en quelque sorte, me révélait la faillibilité de la maîtresse d'école, une religieuse se tromper, ne bénéficiait-elle donc pas d'une parcelle de l'infaillibilité papale, et se montrer injuste à mon égard.

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