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Faut-il aimer Maïwenn pour s'enthousiasmer de Polisse ?

Par Tred @limpossibleblog
Faut-il aimer Maïwenn pour s'enthousiasmer de Polisse ?Je n’ai jamais fait grand cas de Maïwenn (un temps appelée Le Besco) dans les pages de L’impossible blog ciné. Ou plutôt si, mais à chaque fois pour taper sur l’actrice / réalisatrice, la faute à une rencontre dans une salle de cinéma il y a quelques années qui a été révélatrice sur la femme qu’était Maïwenn (je lui accorde le bénéfice du doute sur la femme qu’elle est aujourd’hui en parlant au passé). Mon entourage connaît mon manque de considération pour la jeune femme, et ceux d’entre vous qui ont lu le billet consacré à cette fameuse rencontre s’en doutent eux aussi.
J’avais expressément évité d’aller voir Le bal des actrices spécifiquement en représailles personnelles, appelez cela un boycott si vous voulez. Une personne si peu respectueuse des spectateurs ne méritait aucunement que je lui montre en retour du respect ou de l’intérêt. Mon absence d’affinité avec Maïwenn n’a pas dû remonter jusqu’aux oreilles de Thierry Frémaux, qui avait choisi de sélectionner en compétition officielle Polisse, le troisième long-métrage réalisé par miss Le Besco, alors que le Délégué Général du Festival de Cannes sait parfaitement que j’aime aller voir chacun des films en compétition pour la Palme d’Or (on me signale dans mon oreillette que monsieur Frémaux n’avait pas connaissance de mon boycott de Maïwenn, et qu’il se pourrait même qu’il n’ait pas connaissance de l’existence de ce blog… mouais, peut-être).
Par principe j’aurais pu continuer à boycotter Maïwenn en évitant Polisse, mais je m’en serais voulu d’écarter le film ayant obtenu le Prix du Jury à Cannes pour une querelle datant de trois ans, d’autant que la réputation du film n’était pas à faire. Il était temps d’enterrer la hache de guerre quelques instants, au moins 2h15 histoire d’aller découvrir Polisse sur grand écran et voir si Maïwenn était meilleure cinéaste que spectatrice. Quand on voit la popularité de son film au box-office français, il est clair que je ne suis pas le seul curieux à me laisser convaincre par le buzz (1,3 million d’entrées en 14 jours, c’est un score de film populaire, ce qui était loin d’être gagné pour un film de 2h15 à priori âpre sur la brigade des mineurs de Paris).
Faut-il aimer Maïwenn pour s'enthousiasmer de Polisse ?Voir le film le 1er novembre, à 17h, dans la plus grande salle des Halles, a confirmé que l’intérêt autour de Polisse était grand de la part du public. Je me suis demandé en entrant dans la salle si je parviendrais à rester objectif devant le film, connaissant mon grief personnel à l’encontre de Maïwenn. Et depuis que j’en suis sorti, assez nettement mitigé, je continue à me poser la question. Faut-il n’avoir aucun à priori pour apprécier Polisse ? Faut-il être un admirateur de Maïwenn pour ne pas trouver son film bancal ? A chaque fois que l’on me pose la question « Alors, t’as aimé Polisse ? » et que je dessine une mou peu convaincante avec mon visage, on m’envoie rapidement « Ouais mais toi t’aimes pas Maïwenn », comme si finalement cela justifiait entièrement que je ne chante pas de louanges sans faille au film.
La vérité me semble plus subtile, en tout cas je l’espère sincèrement. Car je ne rejette pas en bloc Polisse, loin de là. J’y vois même de très belles choses. J’y vois une galerie de personnages attachants, bien écrits, servis par de beau dialogues, tantôt forts et sur le fil, tantôt drôles et apaisants. J’y vois le portrait d’une escouade de flics de la brigade des mineurs juste et trouvant un équilibre incroyable entre tension, drame et humour. Il y a vraiment un excellent film dans Polisse… le problème c’est que le film de Maïwenn, contrairement à ce que l’on pourrait croire, n’est pas seulement un film suivant le quotidien de la brigade des mineurs dans un style quasi documentaire. La réalisatrice n’a pas su se contenter de ce sujet passionnant et bien traité. Elle a voulu aller plus loin, et c’est là que résident les problèmes de Polisse. En premier lieu desquels se trouve la présence devant la caméra de Maïwenn elle-même.
Faut-il aimer Maïwenn pour s'enthousiasmer de Polisse ?C’est lorsque je dis cela que l’on ne prend pas mes reproches sérieusement, car ils se rapportent directement à Maïwenn elle-même. Pourtant c’est bien par là qu’elle est constamment à deux doigts de gâcher son film. Maïwenn pose et aime se filmer. Elle s’est écrit le personnage d’une photographe suivant le quotidien des flics. Un personnage transparent et inutile qui pourtant, à mesure que le film avance, prend une importance grandissante dans le script. Elle abuse des plans sur elle-même, nous éloignant des personnages plus fascinants des flics, elle abuse des scènes où elle se trouve au centre de la scène, sa vie de famille, ses sentiments, son histoire d’amour, nous éloignant du même coup du cœur du film. Elle finit à chaque fois par nous y ramener, retournant dans le commissariat, recollant au plus près à ces hommes et femmes superbement campés par Karin Viard, Marina Foïs, Frédéric Pierrot et les autres. Mais elle revient aussi inlassablement à elle, dans un acte qui ressemble à du narcissisme pur qui n’est pas surprenant étant donné les thèmes de ses deux premiers longs-métrages, Pardonnez-moi et Le Bal des actrices.
J’aimerais que ce ne soit que mauvaise foi et vengeance personnelle de ma part, mais malheureusement je ne fait que regretter de voir un potentiel si fort dans le film régulièrement gâché par les caprices personnels d’une actrice / réalisatrice qui ne parvient pas à laisser ses acteurs et ses personnages prendre le dessus sur sa personne. Ce qui la pousse notamment à gâcher une belle séquence en boîte de nuit en la transformant en une scène ridicule rappelant plus La boum que L.627, ou à en introduire une autre vers la fin du film, totalement ahurissante de suffisance et de nombrilisme, dans laquelle son personnage présente son nouveau mec à sa famille. Assez globalement, dès que Maïwenn se met en scène devant la caméra avec Joey Starr dans Polisse, les séquences virent à la catastrophe, détournant totalement la puissance des séquences pour en faire une bouillie naïve désamorçant l’impact du film.
Et si Maïwenn s’était coupée au montage, finalement ? N’aurait-on pas eu en conséquence ce film âpre et doux à la fois qui effleure constamment l’écran ? Ma voix est celle d’un mécréant car elle est biaisée par une malheureuse rancune personnelle que je ne renie pas. Oui, je manque de respect pour la femme qu’est Maïwenn (tant pis pour la forme passée), mais si elle avait su faire de Polisse cette claque cinématographique qui était à sa portée, cela n’aurait pas eu d’importance. J’aurais tout de même été heureux d’avoir vu le film remarquable qu’il n’est finalement pas loin d’être. Non, je n’aime pas Maïwenn. Non, Polisse ne m’a pas totalement emballé. Mais l’un n’est pas la cause de l’autre, n’en déplaise aux fans.

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