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L’auteur :
Olga Grushin est née en 1971 à Moscou; Elle vit aux Etats-Unis depuis 1993 et écrit en anglais. Elle est l'auteur de La Vie rêvée de Sukhanov (2006).
L’histoire :
En Union soviétique, à une époque non déterminée, une rumeur circule selon laquelle un célèbre compositeur en exil revient à Moscou pour un dernier concert. Une file d'attente commence à se former devant un kiosque. Sergueï, musicien rêvant d'interpréter une symphonie, apprend qu'il n'y aura que 300 places disponibles avec un seul billet par personne. Il est alors persuadé que c'est lui, et personne d'autre de sa famille, qui a le droit d'aller écouter Selinsky.
Peu à peu, des gens qui ne se connaissent pas se retrouvent, chaque jour, pendant un an. Et, au fil du temps et des saisons qui passent, alors que le kiosque reste fermé, ces "silhouettes" anonymes prennent corps. Des amitiés improbables se nouent, des souvenirs enfouis refont surface, des événements inattendus les aident à dépasser les frustrations quotidiennes.
Comme le précise l'auteur, elle s'est inspirée d'une histoire vraie. En 1962, le célèbre compositeur Igor Fiodorovitch Stravinsky est invité par le régime soviétique à venir diriger un concert à Moscou ; ce sera son premier voyage de retour dans son pays natal après presque 50 ans d'absence. La file d'attente pour les billets commença un an avant le spectacle et se transforma en un étrange et compliqué réseau social.
Ce que j’ai aimé :
Dés les premières pages, le lecteur est comme happé dans cet univers particulier, et il est lui aussi contraint de patienter pour connaître le dénouement de cette attente qui n’en finit pas. Comme ceux qui attendent, il s’attache à ces silhouettes rencontrées quotidiennement, à ces destins si dissemblables et pourtant tous tendus vers une promesse de bonheur. Au-delà de l’attente, se profile l’histoire touchante de cette famille branlante : Anna, qui fait la queue pour faire plaisir à sa mère, cette mère muette, fantôme hantant la maison dont le passé plane comme un halo diffus au-dessus des protagonistes, Sergueï, homme insatisfait tout prêt à se laisser charmer par d’autres femmes pour fuir son quotidien morose, et leur fils Alexander, jeune homme qui fréquente des milieux interlopes peu recommandables, et qui, lui aussi, rêve de changer sa vie.
Le kiosque est une belle réflexion sur le temps, sur le bonheur, sur la vie qui passe en nous effleurant seulement quelquefois…
« Le temps comme un ogre dévorant ses enfants, le temps comme le souffle de Dieu, le temps comme la formule tracée par la craie crissant entre les doigts du physicien, avec son halo de cheveux argentés. Et, pour la plupart d’entre nous, notre petit bout de chemin, bref, terne, aux virages de plus en plus sombres, les moments de bonheur étant le plus souvent les moments passés à espérer le bonheur, à espérer quelque chose de magique, de lumineux – peut-être le frôlement d’un minuscule miracle d’immortalité, un rayon de soleil préservé dans une larme d’ambre, la prière damnée que Faust adresse à l’instant : « Arrête-toi, tu es si beau ! » » (p. 279)
Ce que j’ai moins aimé :
- Un peu long.
Premières phrases :
« Qui est arrivé ? C’est vous le dernier ? Ils vendent quoi ?
- Aucune idée, quelque chose d’intéressant, j’espère. Peut-être des gants, j’ai les mains gelées.
- Des écharpes, j’ai entendu dire. Importées. »