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Jules Verne ou le précurseur de la télévision...J'ai toujours entretenu un rapport singulier avec Jules Verne (1828-1905) (voir mon article d'octobre 2009) puisqu'il est l'un des premiers que j'ai lu durant mon adolescence, avec des bonheurs divers. Je me rappelle avoir emprunté pour la première fois, il y a plus de vingt ans, à la bibliothèque municipale, Le château des Carpathes et déjà, à cette époque, j'en avais gardé un souvenir très prenant. Je l'ai relu pour l'occasion et, une fois encore, je n'ai pas été déçu ; il reste l'un de mes romans préférés.Publié en 1892, Le château des Carpathes ne manque pas de nous interpeller, il fait partie de ces livres atypiques et paradoxalement n'est pas le plus connu de tous les romans verniens.Le Livre de poche, 200 pages L'histoire s'ouvre sur le dialogue entre un colporteur juif et l'un des habitants du petit village de Werst, en Transylvanie, un berger prénommé Frik. Le colporteur vend au berger une étrange "machine" qui n'est autre qu'une lunette. Voilà qu'un jour, à l'aide de son nouvel instrument, Frik remarque que les vestiges du vieux château, abandonné par son ancien propriétaire et supposé mort depuis longtemps, semblent à nouveau habités. De l'imposant donjon s'échappe un mince filet de fumée, signe d'une présence humaine. Très vite, il apporte la nouvelle au village au sein duquel circulent les légendes et les rumeurs les plus folles ; la terreur s'installe parmi les habitants, lesquels sont persuadés que le château est hanté. Le docteur du bourg Patak accompagné du jeune forestier Nick Deck décident alors de partir en reconnaissance et sont forcés de battre en retraite après avoir été les témoins de phénomènes aussi effrayants que surnaturels. Peu après ces événements, alors que la population est totalement désemparée, un jeune noble, le comte Franz de Telek, voyageur errant, qui cherche à oublier la mort de sa fiancée, est de passage dans la région et apprend l'existence des phénomènes. Il apprend notamment que le château des Carpathes appartenait à Rodolphe de Gortz, celui qui l'avait maudit quelques années auparavant au moment du décès de la cantatrice Stilla, sa fiancée. Bien décidé à éclaricir le mystère, le jeune comte entreprend une expédition qui aura pour but d'exorciser le château...Mon avis : précurseur des romans d'anticipation et de fantastique, l'auteur démontre une fois encore son rôle de visionnaire ; il nous offre un récit reposant avant tout sur la dialectique du développement des progrès scientifiques et techniques (l'électricité, les télécommunications, l'enregistrement de l'image et du son, l'hologramme) face à la survivance de nombreux mythes et croyances. L'auteur mène subtilement le lecteur dans cette histoire.Si le roman n'est pas à classer dans la littérature purement fantastique, il n'en reste pas moins que Verne a su créer avec brio cette ambiance étrange le rapprochant du récit fantastique : citons par exemple le choix du lieu qui accentue cette connotation (la Transylvanie), les références mythologiques, les croyances paysanes et locales, le thème de la mort et de la peur...Comme toutes les histoires de Jules Verne, l'on apprécie son écriture soignée et la description minutieuse des éléments et de la nature, on se prend d'affection pour chaque personnage. L'auteur réussit à nous tenir en haleine jusqu'au dénouement final.Un roman captivant mêlant donc l'aventure et le fantastique, mais aussi un très beau roman d'amour qui se lit agréablement ; Jules Verne a sans doute écrit là son chef d'oeuvre. A lire sans hésitation aucune !