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L’étrange succès à Téhéran d’un livre de Garcia Marquez

Publié le 06 novembre 2011 par Abelcarballinho @FrancofoliesFLE

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C'est un succès de librairie que le pouvoir iranien n'a, à coup sûr, pas apprécié. Journal d'un enlèvement de l'écrivain colombien Gabriel García Márquez, est récemment devenu un best-seller à Téhéran. "J'ai mis des heures pour en trouver un exemplaire. Je me suis d'abord rendu dans des librairies du quartier de Karim Khan, mais plus aucune n'en avait. Je suis ensuite allé avenue Enghelab, et j'étais surpris de voir des gens faire la queue pour acheter le livre comme ils le feraient pour le dernier Harry Potter", racontait, le 20 septembre dans les colonnes du Guardian, un journaliste basé dans la capitale iranienne.

Le livre n'est pourtant pas une nouveauté – il est sorti en 1996. Son sujet n'est pas l'Iran mais la Colombie. Il ne figure pas non plus sur la liste des ouvrages censurés. Il est cependant devenu, du jour au lendemain, un livre de référence pour de nombreux opposants au régime iranien.

Ce phénomène littéraire s'est déclenché après la diffusion d'un message attribué à l'opposant Mir-Hossein Moussavi. "Dites à ceux qui voudraient comprendre ma situation de lireJournal d'un enlèvement de Gabriel Garcia Marquez", aurait préconisé l'ancien premier ministre, lors d'une rare rencontre autorisée avec ses filles, mi-septembre. Candidat face à Mahmoud Ahmadinejab lors de la présidentielle de 2009, figure de proue de la contestation qui s'ensuivit – "le mouvement vert"–, M. Moussavi est en résidence surveillée depuis sept mois.
Dans son livre tiré de faits réels, Garcia Marquez raconte, lui, la séquestration, dans les années 1990, de personnalités colombiennes par le cartel de la drogue de Pablo Escobar, soucieux d'empêcher l'extradition de plusieurs trafiquants de drogue vers les Etats-Unis.

L'effet est immédiat. Les réseaux sociaux font circuler le conseil de Mir-Hossein Moussavi. A Téhéran, les librairies se trouvent vite en rupture de stock face à la demande. "Une industrie souterraine a rapidement comblé le déficit", relate le correspondant du Financial Times à Téhéran, Najmeh Bozorgmehr, quelques jours plus tard. Il n'a fallu que quelques jours aux libraires du marché noir pour commencer à produire des versions [du livre] traduites en farsi et vendues jusqu'à trois fois le prix original de 80 000 rials iraniens" (7,60 dollars). Des sites proposent une version à télécharger gratuitement.
 Alors que les printemps arabes ont ébranlé la région ces derniers mois, le régime iranien a jusqu'à présent semblé tuer dans l'oeuf toute velléité de contestation. C'est après un appel à manifester lancé en février en solidarité avec la Tunisie et l'Egypte que M. Moussavi et Medhi Katoubi, autre figure de l'opposition, ont été arrêtés et placés en résidence surveillée. "Face à la répression, l'opposition essaie de trouver de nouvelles formes de protestation", souligne Thierry Coville.
En présentant son livre, Garcia Marquez avait indiqué qu'il avait voulu rendre hommage aux victimes d'un drame, afin que celui-ci "sombre pas dans l'oubli".


source: Le Monde, par Charlotte Bozonnet


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