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WWII : soleil noir, meilleur des mondes, Milgram, la vague, éducation en Arabie Saoudite

Publié le 06 novembre 2011 par Ladrevert

Bien que travaillant sur d’autres sujets en ce moment, l’actualité m’a donné envie de faire un billet sur la seconde guerre mondiale, qui sera l’occasion de digresser à mon habitude.

The Atlantic a publié une rétrospective photo en 20 parties sur la seconde guerre mondiale, bien pensée et qui ne devrait pas laisser indifférent, et que je vous invite à consulter.

WWII : soleil noir, meilleur des mondes, Milgram, la vague, éducation en Arabie SaouditePlus jeune j’ai regardé longuement l’émission histoire parallèle qui permettait d’apprécier le conflit vu des deux côtés de la ligne, ce qui a été très formateur sur l’usage que je peux faire des médias aujourd’hui.

alors qu’on se réfère toujours à la seconde guerre mondiale aujourd’hui, et qu’on la manipule dans tous les sens, je voudrais revenir sur quelques sujets.

Soleil Noir :

On s’interroge assez peu dans la vision « classique » de l’histoire sur les origines mythologiques du nazisme. Je pense qu’il est intéressant d’étudier comment l’effondrement d’un système de valeur et de référents culturels, rituels et spirituel a vu l’émergence de divers courants, comme le naturisme au début du XXème jusqu’au nazisme qui s’est inspiré de divers courants et pourquoi cela a fasciné et fait adhérer des millions de personnes. Ceci n’est pas anodin, pas plus que les mythes et les symboles ne le sont, tant pour la constitution d’une société que des individus. Toute époque qui voit son référentiel de société s’effondrer, et qui n’a pas été éduqué sur son héritage peut se faire manipuler et adhérer à un mythe moderne.

Notre époque qui traverse une grave crise sociétale et spirituelle pourrait être encline à ce genre de dérive. Je tiens à rappeler qu’il n’y a que dans les livres pour enfant que les méchants sont heureux d’être méchant, mais dans la vraie vie on peut exploiter la volonté des personnes de contribuer à un monde meilleur pour faire des choses horribles (et je pourrais être très mordant sur la nouvelle religion écologiste). En occident nous avons été fascinés par certaines religions orientales, dont une qui prône le détachement et que l’on sera récompensé dans une future réincarnation. On peut voir cela comme quelque chose de positif ou comme la mise en place d’un dogme religieux pour assurer la main mise sur un pays de conquérants moins nombreux que les autochtones conquis…

sur la barbarie, j’invite à lire le sublissime livre de Arthur Koessler, le zéro et l’infini, qui traite du communisme, mais comme le dit un des personnages, le nazisme est une vision romantique du communisme, on peut faire d’une pierre deux coups…

expérience de Milgram :

Commençons à aborder la thématique qui m’interroge aujourd’hui. L’une des plus célèbres expériences qui a eu lieu à la sortie de la Guerre est l’expérience de Milgram. Peut-on accomplir des tâches abjectes en obéissant à des ordres qui vont à l’encontre de nos valeurs morales les plus profondes ? (le documentaire des expériences en anglais Obedience ici )

Vous organisez une expérience pour voir jusqu’à quel point une personne peut infliger de la souffrance à une autre personne (chocs électriques) uniquement par ce qu’on lui demande de le faire (bien entendu on ne torture personne, mais la personne qui inflige les chocs électriques en est persuadée, et ce jusqu’à l’idée de tuer le patient). Les résultats sont édifiants… l’expérience visait également  à répondre à l’utilisation de fermiers pour nettoyer les camps de la mort à la fin de la guerre…

I set up a simple experiment at Yale University to test how much pain an ordinary citizen would inflict on another person simply because he was ordered to by an experimental scientist. Stark authority was pitted against the subjects’ [participants'] strongest moral imperatives against hurting others, and, with the subjects’ [participants'] ears ringing with the screams of the victims, authority won more often than not. The extreme willingness of adults to go to almost any lengths on the command of an authority constitutes the chief finding of the study and the fact most urgently demanding explanation. Ordinary people, simply doing their jobs, and without any particular hostility on their part, can become agents in a terrible destructive process. Moreover, even when the destructive effects of their work become patently clear, and they are asked to carry out actions incompatible with fundamental standards of morality, relatively few people have the resources needed to resist authority (in Milgram les périls de l’obéissance)

L’expérience a été remise au goût du jour très récemment comme le rapporte Wired, par la Cognitive Neuroscience Society. J’explique souvent dans mes cours que de nombreux problèmes de la société découlent du fait que l’on vit dans un univers de dissonances cognitives, et que pour se « réunifier » il faut arrêter de se mentir à soi même (différence entre ce que l’on pense vouloir, ce que l’on veut réellement, et ce dont on a besoin en réalité, je pourrais faire un article sur les sites de rencontre pour étayer). Ce que les neuroscientifiques ont montré c’est que face à un dilemme moral les gens disent qu’ils n’infligeront pas de douleur électrique à autrui contre de l’argent, mais qu’en réalité ils le font. Cela explique au passage pourquoi nombre d’idéologies ne sont belles que sur le papier et ne prennent pas en compte la nature humaine (The results, serve as a reminder that hypothetical scenarios don’t capture the complexities of real decisions)… on pourra pour se faire plaisir lire la ferme des animaux de Orwell sur le communisme.

Aujourd’hui tous les managers dans les multinationales sont confrontées au dilemme de Milgram. Les corporations demandent aux managers de faire appliquer la ligne hiérarchique sans état d’âme, mais personne n’explique quoi faire en cas de dilemme moral. On retombe sur le fameux paradigme du XXIème siècle : des corporations vs des individus.

La vague :

Récemment j’ai eu pris à ma librairie un livre offert dont j’avais entendu parlé depuis longtemps, la vague de Todd Strasser, basé sur une histoire vraie qui a eu lieu aux USA (Palo Alto…) dans les années 70. dans l’absolu il faudrait être critique sur ce qui s’est réellement passé lors de cette expérience controversée et mal documentée et la nature romancée du livre, je me pencherai sur le fond : un professeur d’histoires curieux monte une expérience après avoir diffusé un documentaire sur l’horreur du nazisme, les élèves s’interrogent : tous les allemands étaient ils nazis ? non, seuls 10%, comment peut-on éliminer des millions d’être humains sans que personne ne sache… c’est impossible, cela ne pourrait jamais arriver aujourd’hui :  « Moi en tout cas, je ne laisserais jamais une minorité de ce genre gouverner la majorité », « Oui, ce n’est pas un ou deux nazis qui me forceraient à dire que je n’ai rien vu ni entendu »…. alors on créé une expérience, un logo une vague, des slogans : la force par la discipline, la force par la communauté. Que l’on fait répéter de manière mécanique à des personnes pour les conditionner, on créé quelques règles pour le groupe et l’on regarde comment cela évolue. Une étude du livre a été faite ici :

Le roman nous montre que le totalitarisme tient moins d’une maladie de l’âme des individus qu’à une organisation rationnelle du groupe et l’apathie des membres qui le compose. Il est une tendance chez l’Homme à se complaire dans le confort de la non-décision. En effet, l’appartenance au groupe est un confort absolu. Une fois entré, on ne peut pas se tromper, car on ne fait qu’obéir aux règles édictées. Le principe du risque est définitivement évacué. Personne ne prend jamais d’initiative, ou s’il le fait, c’est parce qu’il anticipe ce que souhaite le leader. Il applique donc un ordre une fois de plus, par anticipation. De fait, personne n’est responsable puisque personne n’ordonne.

Sous le régime nazi on faisait marcher des personnes au pas au flambeau sans but, excellent moyen pour annihiler toute volonté propre. Aujourd’hui on peut encore observer chez certaines religions des rituels sectaires de conditionnement mental du même ordre.

Le livre montre comment des personnes peuvent devenir quelque chose qu’elles dénonçaient peu de temps auparavant. avec l’effondrement de lancien système de valeur et l’autoflagellation concernant notre héritage, le retour des communautarismes, la déresponsabilisation des citoyens, et la culture de la peur permanente dans notre société, on a créé un sacré mélange…

Retour au meilleur des mondes : Aldous Huxley

Aldous Huxley revient en 1958 sur son livre le meilleur des mondes et sur la vision du monde 1984 d’Orwell écrit en 48.

déjà à l’époque Huxley s’interrogeait sur l’avenir de la démocratie et de la liberté, sur la diminution de la mortalité dans les pays alors appelé sous développés à l’époque, non accompagné de diminution de la natalité, qui engendrerait une pression forte et ne permettrait pas un équilibre entre ressources naturelles, stabilité sociale et bien être de l’individu. La pression pour Huxley engendrerait des philosophies autoritaires. Plus la pression est forte et les besoins primaires (sécurité, alimentaire etc) difficiles, plus vous serez conciliant envers des figures autoritaires qui n’arrangeront pas les problèmes et vous rendront encore plus conciliants etc… Huxley revient également sur les moyens de lavage de cerveau et de propagande, même si le nazisme a été une référence, les démocraties de l’époque avaient bien compris les mécanismes et enjeux et cela a été amplement analysé par Noam Chomsky dans sa fabrique du consentement dont je parlais ici.
On pourra lire aussi David Rothkopf, ancien directeur de la firme de consultant de Kissinger et ayant bossé dans l’administration Clinton, qui brosse un portrait intelligent du monde d’aujourd’hui, où l’on voit qu’un certain nombre de structures sont nées au lendemain de la seconde guerre mondiale mais au final continuent d’exister alors qu’elles n’ont plus leur rôle initial que personne n’a redéfini et en outre personne n’est élu dans ces structures (et récemment tout le monde en France a disserté sur le FMI sans savoir ce qu’était ce truc…). Le monde d’aujourd’hui revit au niveau mondial ce qui s’est passé avec les premiers milliardaires américains au XIXème siècle, des entreprises nationales vs un état fédéral, pour des entreprises transnationales aujourd’hui vs des états nationaux. Des élus nationaux plus suffisants par rapport à la mondialisation, des promesses nationales qui relèvent d’une vision nationale bordée d’une ligne maginot dans une ère globalisée (cf l’actualité)

La haine de l’autre dans les manuels scolaires

Je terminerai ce billet par un article que j’ai vu dans Courrier International de cette semaine que j’ai trouvé édifiant…

Plutôt que d’aller faire la guerre un peu partout, soutenir des guerres civiles, sans rien proposer comme new deal pour bâtir un monde meilleur (et donc véritablement plus juste pour toutes les parties) et sans avoir appris de notre propre histoire sur les instabilités liées aux révolutions, on ferait mieux une fois de plus de se poser la question de l’éducation. Je sais ça parait tellement bête…  Ce sujet mériterait un long article pour faire le point sur l’éducation conditionnement/transmission/sélection et surtout le but de l’école, et également sur le libre arbitre et la construction des personnes, notamment dans un environnement socio-culturel qui ne vous propose qu’une seule vision du monde doublé par des facteurs économiques et sociaux extrêmes: misère et injustices (bref retour à un moyen âge). Je vais néanmoins rester dans le ton de cet article qui permettra à tout le monde de s’interroger si on ne commence pas une guerre avec une plume (une lutte de « mèmes »), et si on ne pourrait pas plutôt l’éviter par le même procédé, comme toujours il faut cherche le véritable sens, et comprendre le pourquoi. Personnellement en terme d’intelligence émotionnelle de base, je pense que si vous rencontrez quelqu’un de nouveau (ou par exemple d’une autre culture) et que vous commencez par l’insulter et lui expliquer pourquoi vous êtes supérieur sans même le connaitre, il y a peu de chance qu’il se comporte avec civilités avec vous et ne devienne votre ami. Néanmoins, comme nous l’avons remémoré avec l’idéologie nazie, il faut rester vigilant à toute forme de conditionnement qui peut conduire à des situations malheureuses pour tous, il existe des valeurs humaines universelles, sur lesquelles on peut transiger

« (…)certains saoudiens ont eux-mêmes reconnu que les programmes d’éducation scolaires du royaume, en particulier les manuels d’éducation religieuse, posaient problème (…) (un groupe d’expert) avait relevé que les cours d’éducation religieuse encourageaient la violence envers les autres religions et incitaient à tort les élèves à penser, que pour sauvegarder leur propre religion, ils devaient réprimer violemment, voire éliminer physiquement l’autre.

(…)S’ils ne représentent que 1% des musulmans du monde , les saoudiens assurent 90% des dépenses de l’islam. (…) L’Arabie Saoudite dépense chaque année 3 fois plus pour exporter l’idéologie salafiste, également appelée wahhabisme, que les soviétiques ne le faisaient au plus fort de la guerre froide. (…)

Nous présentons ci de-dessous une traduction de certains passages de la dernière édition des manuels scolaires (…) Concernant nos marqueurs, douze des quinze passages extrêmement intolérants et violents que nous avions relevés de nos études de 2006 et de 2008 demeurent pour l’essentiel inchangés (…)un autre concernant les polythéistes et les infidèles a été modifié dans l’édition 2010-2011. Le manuel de terminale sur le monothéisme incitait précédemment à tuer et à voler les polythéistes, qui englobait les chiites et parfois les chrétiens en raison de leur croyance en la Trinité, ainsi que les hindous, les bouddhistes et autres…L’édition 2010-2011 n’approuve plus le meurtre et le vol, mais affirme qu’il faut combattre les polythéistes et les « infidèles en général, mais seulement dans certaines conditions. Celles-ci sont relatives à la dhimma, l’imposition des communautés non musulmanes vaincues; d’autres emblent de nature tactique, par exemple lorsqu’on explique qu’il faut prendre en compte la puissance respective des musulmans et des infidèles (avant de lancer une guerre]. (…) Dans d’autres textes sur la guerre sainte on incite à combattre les infidèles pour répandre l’islam, sans évoquer cette fois-ci les moyens à mettre à l’œuvre. (…)

Le second ensemble de passages présenté dans le présent rapport continue comme le premier à enseigner aux élèves qu’ils doivent violemment réprimer, voire éliminer physiquement l’autre. L’autre, tel qu’il est présenté, ce sont les juifs, les chrétiens (parfois appelés croisés) les infidèles en général, les polythéistes (ce qui inclut les chiites), les musulmans apostats, las bahaïs, les ahmadis, les adultères, les homosexuels et ceux qui pratiquent la sorcellerie.

(…)

L’édition 2010-2011 d’un manuel de terminale (…)met en avant une vision du monde belliqueuese qui semble préparer les élèves à de futures hostilités fondées sur l’identité religieuse. (…)

L’édition 2009-2010 qui est toujours en ligne sur le site du gouvernement saoudien considère que la guerre sainte comme un échange profitable,  et quelque chose qui sauve d’un chatiment douloureux. Dans ce contexte, ces leçons de géographie et d’histoire, qui déforment les faits, incitent manifestement à la violence contre le reste du monde.(…) »

extrait de Rasid, Dammam, lu dans Courrier International

Il y a assez peu à dire, une fois de plus je tiens à rappeler que mon blog n’est pas un blog politique mais qu’il cherche à comprendre les ressorts de l’être, pour nous permettre de proposer une nouvelle utopie. Il ne faut pas tomber dans les pièges et l’aveuglement de la culture de la haine, d’où qu’elle vienne. Nous devrions chercher à construire un monde meilleur et pas le meilleur des mondes, et éviter de se cristalliser sur « l’autre » ou un bouc émissaire sans également être naïf et tolérant avec l’intolérable. Si il manque un moteur à la société du XXIème siècle, et celui-ci soit la spiritualité, ce n’est pas en faisant la guerre qu’on règlera le problème, ni en créant de super-structures (politiques ou religieuses)… Je regardais récemment un épisode de South Park où nous étions projetés dans un futur où les religions avaient disparu et où nous vivions dans une société rationnelle, mais où une guerre impitoyable était livrée au nom de la raison, car chaque faction trouvait que seule le nom de sa faction était rationnelle…



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