Magazine Culture

Interview Flow

Publié le 06 novembre 2011 par Bullesonore

Rencontrer Flow, c’est suivre en musique et en émotion, un constat social avec une touche de cynisme et d’autodérision. Faire une interview avec elle, c’est plus qu’une rencontre à deux balles qui ira aux oubliettes à la fin de la journée. Tu sors rempli, heureux d’avoir pu entendre ses mots qui visent en plein cœur. Flow te tend un miroir et te donne matière à réflexion, elle ne te fait pas la morale; elle entrouvre la porte de l’âme et libère des mots en avalanche, ceux qui tissent les histoires, les chansons.

Flow : Un groupe ? Une aventure humaine ?

Interview Flow

Question bateau de début d’interview : Flow, une artiste et ses musiciens ? Un groupe ? 

Je pense que Flow c’est une artiste, ensuite il y a effectivement des gens autour. Mais il n’y a pas que des musiciens, je vais me vanter un peu (rire) on a un peu créé un petit monde, un petit univers et normalement ceux qui y goûtent ben ils restent (sourire).

Dans cette aventure humaine, il y a Stéphane Goldman (guitares) celui qui m’accompagne depuis toujours. Après, il y a Etienne Abeillon (guitare, piano, accordéon, chœurs), lui c’est mon jumeau (rires). Puis Jean-Louis Cianci (contrebasse, percussions) qui joue aussi avec Florent Vintrigner, nous on l’appelle « Bomokeur » (rires) c’est son surnom et ça lui va très bien. Et puis pour finir, le petit dernier, Alban Claudin qui est un pianiste incroyable d’à peine 20 ans. 

T’es un peu quoi pour ces joyeux lurons ? Une grande soeur ? L’élément féminin du groupe ?

Je suis la chef ! (sourire). On dirait que je suis sympa là, mais je suis très exigeante. Je tiens beaucoup à certaines valeurs et j’aimerai qu’on les applique. Mes musiciens ont parfois des demandes, des caprices d’artistes (sourire), moi j’en ai qu’un seul caprice : Je ne veux pas de coca-cola dans les loges! Si j’ouvre le frigo et j’en trouve un, il y aura scandale. Donc je demande aux garçons s’ils veulent boire du coca par exemple, ben qu’ils ne le font pas autour du projet parce que ça ne collerait pas à nos valeurs. Je ne leur interdis rien, ils peuvent même mettre de la vodka dedans s’ils veulent (rires).

Interview Flow

Surtout ne suivez pas de drapeau, hissez le vôtre !

La plume et le micro ont remplacé cette ancienne vie de photo-reporter, mais tu as quand même gardé un certain regard très observateur 

Comme dirait un ami écrivain, c’est le même jet. Dans ma vie de journaliste, je disais des choses, ben aujourd’hui je continue… En fait, c’est la même chose : Ce n’est pas de la dénonciation, ça ressemble plus à un constat. Il y a de l’observation et ce n’est pas objectif. La différence avec le journalisme c’est ça ! Pour moi, le journaliste a besoin d’être le plus objectif possible pour pouvoir donner une description de ce qui se passe avec la manière la plus neutre, ainsi le lecteur pourra se faire son avis personnel.

En chanson c’est différent parce que c’est un point de vue personnel et cela est très important ! Je n’ai pas la science infuse et je ne pense pas détenir la vérité, par contre je suis capable de regarder une vieille dame qui meure dans un hopital ou une maison de retraire et de me dire « ça fait combien de temps qu’elle meure là ? 3 ans ? ça serait bien que ça aille un peu plus vite, non ?« .

(silence)

Quand tu parles de La Louise qui voit des crocodiles sous son lit, des femmes battues, des petites figures, de la folie, … Il y a un silence gêné dans la salle …

… ça calme oui (rires)

Tu touches les plaies encore ouvertes, là où ça fait mal des fois. On finit même par sortir du concert avec ce sentiment de culpabilité !

L’idée c’est que ça soit interactif ! Moi j’aime beaucoup ce terme, je l’ai appris il y a quelques années. L’interactivité pour moi est très importante. Je ne comprends pas ces artistes qui font leurs taffs puis s’en vont et s’en fouttent royalement de ce qu’ils ont jeté dans la population. Je ne peux pas faire ce métier juste pour gagner de l’argent, si je fais ça c’est que pour ça exprime une volonté de dire. La culpabilité c’est un truc très judéo-chrétien que je ne cultive pas…

… le but n’est en aucun cas de jouer la moraliste ?

Absolument pas ! Je n’ai pas la science infuse, je ne suis pas le messie, je dis ce que je vois et j’espère bien que les gens vont venir me dire que j’ai tort, ça me ferait plaisir (sourire).

Tu te donnes des fois des limites ? Faut-il parler de tout ? 

On peut dire tout mais il y a des formules. Je me rappelle quand j’ai commencé mon métier, il y avait une petite fille qui se noyait en direct sur TF1, ça avait fait une polémique énorme. Donc qu’est ce qu’on montre, qu’est ce qu’on ne montre pas ? Est-ce qu’on doit montrer cet enfant mourir dans un tremblement de terre ? Tu étais peut-être jeune mais cet enfant est mort en direct pendant que la France entière mangeait ses pates. J’ai fait ma politique de journalisme, quand j’étais journaliste, sur le fait « Est-ce que ça sert à quelque chose?« . Parce que si c’est juste pour se faire honte, pour se triturer les plaies uniquement pour se dire « Ohlala la pauvre…« , ça ne va pas être possible, ça ne sert à rien ! Sa mort a été inutile, ça a juste choqué mais finalement ça n’a servit à rien … Il y a certains journalistes, certains supports et médias qui adorent ça, ça se vend très bien tout ce qui est sale méchant et qui fait peur. C’est hors de question, moi je ne tomberai jamais là-dedans !

En restant dans ce sujet-là, penses-tu que les chansons et les rimes doivent être « cruelles » pour être enfin entendues ?

Je ne crois pas. Il y a beaucoup de gens que j’ai rencontré, il ne faut pas trop les basculer, ils sont fragiles. Je me suis apercu d’une chose, quand tu veux parler à quelqu’un, il ne faut pas commencer par lui mettre une gifle ! Tu ne pourras jamais avoir de communication si tu commences à brutaliser les gens. Il faut juste ouvrir le paquet et dire « ça fait mal hein » … juste ça !

Dans ton univers, il n’y a pas que ces chansons qui font gémir l’âme, il y a aussi ces douceurs et berceuses qui sont bon comme un bonbon (sourire). En tant que chanteuse, à quel moment es-tu heureuse ? 

Tout le temps ! Ce qui fait vraiment du bien, ce n’est pas les chansons qui font mal ou celles qui font du bien, c’est d’être le plus près possible de l’humain. Dans une journée, je vais avoir des dizaines d’émotions différentes, je vais être contente, je vais être furax, ça va dépendre de ce qu’on va me dire au téléphone (rires) ou si ma gosse va bien. Tu vois, ça dépend de plein de choses et mon travail je le veux dans cet esprit là, ah ben heureusement qu’il y a des moments où on se marre parce qu’on se pend sinon … (silence)

Interview Flow

Quel regard portes-tu sur ton album ?

Je le voulais comme ça cet album. Je sais qu’il fait pavé dans la marre dans cette société où on vend beaucoup de prozac et de choses qui font alléger … parce c’est lourd la société… (soupir) Allez faire un tour au Rwanda, vous allez vous rendre compte qu’on est bien ici ! Je fais un peu le rabat-joie qui dit « Ouais elle est blanche votre feuille mais il y a une tâche sur le coté… elle est petite, mais n’empêche on la voit« . C’est ça ma place, c’est de casser les pieds (sourire).

Tu casses les pieds mais tu nous mets une claque n’empêche ! Je pense à Citoyen en duo avec Melissmell

Je te le dis et je le dirai à tous les journalistes, je m’effacerai devant Melissmell !

A ce point ?

Moi je suis une grande gueule, elle par contre c’est une chanteuse. Elle a une voix incroyable, d’ailleurs c’est pour cela quand elle a dit oui pour venir chanter sur Citoyen, j’ai été super ravie. Melissmell c’est quelqu’un que j’admire beaucoup et je suis très fière d’elle !

Gainsbourg disait que la musique est un art mineur, Mano Solo par contre il répondait qu’il n’y a que des bons artistes ou des mauvais, point barre ! 

C’est très compliqué l’art, je trouve par exemple que Star Academy a fait beaucoup de mal à la culture. Pour Sauver Piaf tapez 1, pour sauver Brel tapez 2, ça semble aberrant mais c’est ce qu’on essaye de nous faire croire. Là, il y a deux films avec presque le même titre et qui sont sortis en même temps, dans la même semaine ! Ce n’est pas cela la culture, c’est du commerce !

Je ne sais pas s’il y a des bons ou des mauvais musiciens, je sais juste que quand je suis avec Etienne ou Stéphane ou un des musiciens qui m’accompagne depuis longtemps … je vais bien ! Un bon musicien c’est quelqu’un qui ne fait pas d’erreur ? J’appelle ça une machine monsieur !

Crédit Photo Logo : Le Hiboo
Crédit Photo : SLG Photographies

Remerciements :  Marie Britsch et Pierre-Henri J. de Wagram


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Bullesonore 3754 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines