Paul Atréides a triomphé de ses ennemis. En douze ans de guerre sainte, ses Fremen ont conquis l’univers. Il est devenu l’empereur Muad’Dib. Presque un Dieu, puisqu’il voit l’avenir. Ses ennemis, il les connaît. Il sait quand et comment ils frapperont. Ils vont essayer de lui reprendre l’épice, qui donne la prescience, et peut-être de percer le secret de son pouvoir. Il peut déjouer leurs plans. Mais il voit plus loin encore. Il sait que tous les futurs possibles mènent au désastre. Il est hanté par la vision de sa propre mort. Et s’il n’avait le choix qu’entre plusieurs suicides ? Et s’il ruinait son œuvre en matant ses ennemis ? Peut-être n’y a-t-il pour le prescient pas d’autre liberté que celle du sacrifice...
On avait laissé un Paul victorieux et conquérant à l’issu du premier volet de ce Cycle
bien fameux. Lui, l’héritier déchu qui s’est relevé en tant que guide d’un peuple rude, avait mené la révolte et le combat contre ses ennemis héréditaires. Toujours accompagné de fidèles compagnons, « ceux qui font le voyage à nos côtés », ses pouvoirs et son charisme imposaient le respect. Ses rêves d’une planète plus accueillante étaient dans toutes les têtes. En véritable Messie, Paul Atréides était au sommet de sa gloire.Cependant, bien que toujours adulé par le plus grand nombre, la situation est ici bien différente. D’abord, l’ancien guide de tout un peuple apparaît terriblement las de ce rôle. Surtout, les pouvoirs qui l’ont mené aux sommets semblent cette fois l’entrainer dans des profondeurs bien sombres. Ensuite, bien qu’Arrakis profite effectivement de conditions de vie plus propices, tous les sujets de Muad’Dib ne sont pas ravis de la tournure que les choses prennent. Les complots se multiplient mais ne se limitent pas aux intrigues de cours. Le Bene Gesserit a encore les décisions de Paul en travers de la gorge. La Guilde a toujours un rôle bien obscur. Le Bene Tleilax sort de l’ombre au travers d’un cadeau empoisonné. Pire encore, non contents de s’attaquer directement à Paul, les comploteurs visent ses proches.
Une chose est claire : si on retrouve effectivement des ingrédients de SF dans ce deuxième volet du Cycle de Dune, ce genre ne prend pas le dessus. Loin des vaisseaux et des technologies qui s’exprimaient dans le premier volume, Le Messie de Dune fait la part belle aux intrigues politiques, comme si Franck Herbert estimait qu’entre la belle introduction qu’est Dune et les – riches – appendices du roman, nous avions notre dose. Et il aurait bien raison ! Le Messie… se tient très bien tout seul. Le traitement psychologique des personnages est d’une belle complexité qui prend toute son envergure au travers de Paul, Messie désabusé et meurtri, mais aussi via les anciens compagnons, Alia promue Révérende Mère et Hayt, la réincarnation de Duncan Idaho l’allié de toujours. Chacun d’entre eux évolue, autant entre l’intrigue du premier volume et celle-ci qu’au fil de l’histoire.
Cependant, je dois dire que cette lecture me laisse aussi un sentiment d’inachevé. Ce n’est pas étonnant, me direz-vous, puisqu’il semble bien qu’il s’agisse d’une transition dans le Cycle. Pour autant, j’ai du mal à retrouver la richesse du premier roman, réellement au croisement de plusieurs genres et thèmes. Le Messie de Dune me semble se contenter d’une intrigue, certes de très belle facture, sans profiter du background élaboré. Bien que je sois partisan d’une lecture active et que, de ce point de vue, il appartient au lecteur de lire les appendices, je pense qu’il y avait de la place pour d’autres choses.