Boris Chouvellon, «Ma ruine avant la vôtre », 2009, 350x350X250 cm., Béton, fer à béton, treilis métal.
Courtesy 22-plaisir.com
Je me dirige au Mac un vendredi à 16h30. Grave erreur! A Marseille, le Musée d'Art Contemporain ferme à 17h00 en hiver. Dans le jardin, une grande benne de chantier (Reponcer le monde, 2009) trône au milieu des arbres affublés d'échelles en béton dont les marches ne permettent pas de remplir leur fonction. La benne est jolie, elle me rappelle tout de suite la couleur des œuvres de Richard Serra, exposées actuellement à la Gagosian Gallery de New York. Je me penche pour regarder ce qu'il y a dedans, mais c'est bien vide tout ça, juste quelques flaques d'eau et des feuilles mortes. Plus tard en lisant l'éternelle photocopie explicative, j'apprendrai que "le fond de la benne a été poncé jusqu'à refléter la planisphère dans le miroir métallique de l'acier mis à nu". Ok.
Boris Chouvellon, Sans titre, 2007, Photographies
L’arrivée dans le musée est burlesque : toutes les employées (je vous en avais déjà parlé ici) sont assises sur un banc en face de la caisse. Vue l'heure, elles ne se dérangent pas pour me faire payer, et c'est avec un grand sourire que je franchis le pas vers l'exposition du prometteur Boris Chouvellon, prometteur et Marseillais, tellement prometteur que le Mac a décidé de lui faire une rétrospective à 31 ans, promesse d'un avenir meilleur hors les murs de la ville de Marseille qui décidemment n'a pas les reins assez solides pour doter le musée d'une grande exposition internationale. (Pour info le budget alloué au Mac par la ville est passé de 400 000 EUR en 2006 à 25 000 EUR en 2011)...
Donc nous avons Chouvellon et sa « poétique de la zone ». L’artiste a une production variée entre installations, vidéos, photographies, sérigraphies et sculptures. Le matériau de prédilection est le béton, associé à l’acier.
Boris Chouvellon, sans titre 2011, moulage béton, 10x10x10 cm
Un avantage certain du Mac excentré du centre-ville et avec des horaires aussi pourris est que cela permet de visiter une exposition dans les meilleures conditions possibles : c’est-à-dire seul et dans le silence. (oui parce qu’à cette heure-ci, les œuvres bruyantes de la collection permanente ont été débranchées depuis belle lurette).
Je donne d’abord un regard d’ensemble sur les différents espaces occupés. A droite nous avons de belles sérigraphies d’objets urbains usuels (un panier de basquet, un charriot de supermarché, une porte de clôture) qui se détachent en couleur vive d’un fond traité plus sobrement. Quel dommage qu’elles ne soient accrochées que par des aimants aux murs de la pièce ! Un encadrement leur aurait conféré l’élégance qu’elles méritent. Choix de l’artiste ou budget serré ? La question est légitime.
A gauche dans une pièce noire sont projetées des photos du littoral Français complètement bétonné et bouché par les complexes touristico-populo-balnéaires assez typiques de la côte allant de Palavas-les-Flots à Collioure. Une vidéo associée montre un jeune homme (l’artiste ?) devant un front de mer, qui met en place des grilles amovibles qui viennent en quelque sorte « gâcher la vue ». Cette œuvre avait été présentée à Art-o-rama il y a 2 ans et je la retrouve presque avec affection. Parceque je la « connais ».
Dans la pièce centrale se développe une série de photos encadrées cette fois, des drapeaux jadis fiers comme des bars tabacs font piètre figure, le vent en a fait des lambeaux. Cela m'évoque les difficultés de l'Europe à dépasser l'idéal politique sur lequel elle a été fondée. Réjouissant.
Un jet ski recouvert de béton, coupé en 2, gît au sol.(Infinita Riviera,2011)
Boris Chouvellon,«Sans titre » - 2009
Transpalette, cable.
100x100X260 cm.
Presque en face lui répond un transpallette, bien réel, accroché au plafond. Ah cher Monsieur Duchamp, au moins avec votre roue de vélo calée sur un tabouret, vous nous aviez fait sourire!
Un pavé, en béton, a été estampillé de la carte de France. Un fossile de la France, terre d’accueil et de culture, terre de mai 68? Une France en déconstruction ? Une France en chantier ? Une France qui quand même, quoi qu’on en pense, ne fait pas rêver.
Boris Chouvellon, «Détournement de fond» - 2010Béton armé, métal, (500 cm x 300cm m x 200 cm).
Tout comme cette grande étoile de béton crucifiée à l’entrée de l’expo (Ma ruine avant la vôtre). Tombée du ciel. Grise. Pas le moindre petit glamour. Ou cette piscine verticale, jamais finie peut-être par manque de budget (fatale crise), qui nous fait face. C’est la ruine avant l'heure, la débandade, la fin des subprimes et il faudrait peut-être s’en rendre compte et s’activer, plutôt que de commencer à stimuler notre imaginaire autour de la misère de nos paysages quotidiens, tels qu’ils sont présentés ici.
Elle est triste, cette exposition. Ces gradins (en béton) semblent si fragiles qu’un souffle pourrait en venir à bout, c’est dommage parce qu’ils donnent sur un mur certes, mais si on lève le nez ils donnent aussi accès à la verrière du musée, que l’on n’aurait sans doute jamais regardé autrement. Ah, un petit coin de ciel bleu, une respiration dans tout ce béton pas léger du tout ; La légèreté est crucifiée.
Boris Chouvellon, Style recontruction, 2011, micro-monument panneaux préfabriqués de béton ajouré.A l’heure dite moins 5 minutes, je me fais virer. J’ai encore le droit de rester dans le hall du musée ou je découvre trop tardivement une cathédrale de béton, réconfortante.
Boris Chouvellon et Thierry Olat (directeur du Mac) ont fait de leur mieux avec ce qu’il leur a été accordé, une époque déprimante, une économie en berne, et des marseillais qui préfèrent leur i-phone aux musées.
11/20.
---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Boris Chouvellon- Running on empty
Jusqu'au 8 janvier 2012
Musée d'Art Contemporain - [mac]
69 avenue de Haïfa
13008 Marseille
Tél: 04 91 25 01 07