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[Feuilleton] : La Digue, de Ludovic Degroote/7

Par Florence Trocmé

Sur le principe du feuilleton, voir ici 
 
Ludovic Degroote, La Digue, 1, 2, 3, 4, 5, 6
 

Ludovic Degroote, La Digue, épisode 7 

 
C’est tellement ténu qu’on n’est jamais sûr de rien ni même d’être soi, à supposer que cela puisse avoir du sens – on se réfugie derrière ce mot anonyme, on n’y est pas mieux – pas plus mal -, voilà. 
 
 
 
 
On a tous des soucis et tous une tête à mettre autour, on dit qu’on se sent mieux au chaud de l’impasse, le vent est coupé, l’ombre portée, on y fait des images – dans ce mouvement constant par lequel la vie nous traverse, les impasses bougent, reculent, paisiblement, jusqu’à ce qu’elles soient au bout d’elles-mêmes. 
 
 
 
 
L’œil s’use, les choses n’absorbent pas : rien de nouveau devant qui ne soit foulé, labouré, sec – et toujours vierge. 
 
 
 
 
Rien ne se répète et tout recommence, les choses elles n’ont pas deux fois le même goût, les lieux sont posés les uns à côté des autres, comme à l’intérieur de nous, le vide ça crée des liens, des galeries. Le chemin à faire n’avance pas sans qu’on y soit, où ça mène on n’en sait rien, on ne sait plus on en est, on sait juste qu’on est sur la digue, que le chemin est à soi seulement, personne va le faire pour nous. 
 
 
 
 
On voit tous les mêmes choses, autour, les yeux n’ont pas la même couleur, du moins on le pense, c’est la façon dont ça se rétablit l’extérieur à l’intérieur, la passe courte par laquelle ça transite, la teinte que ça prend, le canal bouché qui mène à l’impression, l’impression c’est une fin. 
 
 
 
 
On se rabat sur la vie, il y aura toujours assez de temps après pour parler d’autre chose, - à l’écrit ça va un peu mieux, on est seul pour durer. 
 
 
 
 
On dépense sans compter, les lieux d’habitude prennent une couleur connue, ce qu’on laisse devant soi on n’en sait rien, on compose avec ce qu’il y a derrière, là où on est personne n’y peut rien, sauf nous, qui ne pouvons rien sans personne, on se réfugie toujours en dessous, à côté de soi, là où on n’est pas seul tout à fait, là seul où c’est bon d’être soi, où on l’est enfin. 
 
 
Ludovic Degroote, La Digue, Éditions Unes 1995, (épuisé), pp. 35 à 37 
 
[à suivre : épisode 8 vendredi 11 novembre 2011] 


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