Tout le monde sait au moins à Paris et à Uriage que Christophe Aribert (**
Michelin au restaurant Les Terrasses à Uriage) est en charge de la conception de la carte du restaurant de l’Opéra de Paris. Un restaurant mythique, prévu par
Garnier lui-même, puis avorté, raté, et enfin un Nicolas Le Bec qui se fait la malle à quelques semaines de l’ouverture ; bref de l’action, du stress et du n’importe quoi. Aujourd’hui, tout se calme. Pierre-François Blanc est en charge du restaurant, Christophe Aribert vient deux fois par mois, et pendant ce temps Yann Tanneau gère la cuisine avec une certaine maestria sans oublier une décontraction mesurée et distanciée typique de son temps et de son style. Le décor a été confié à l’architecte Odile Decq. Fort bien, mais le résultat est plus que discutable dans un décalage prévisible et systématique entre le style Garnier et le sien. Couleurs pimpantes, tables de cantine scolaire, vastes espaces en hauteur comme en longueur, grandes baies vitrées sur les autocars de touristes garés devant, dans une ambiance générale de bistrot du moment un peu froide.
Et Yann Tanneau dans tout ça ? Depuis l’ouverture il y a quelques semaines, il a pris du galon et impose petit à petit ses vues et ses plats à un Aribert fort loin de Paris. Les absents ayant toujours tort, c’est du Tanneau dans les assiettes. Une carte assez courte qui annonce les produits puis la manière dont ils sont préparés… Air du temps quand tu nous tiens ! Donc Œuf, préparé poché, petits poireaux nouveaux, un plat bien construit, goûteux, cuisson parfaite, jeune et frais. Un Carpaccio de langoustines, incontournable dans la séduction de la clientèle féminine mais de moins en moins intéressant car trop vu, trop mangé, trop tout ! Si on leur donnait un petit coup de feu aux langoustines pour changer ?
Cabillaud cuit vapeur (of course) donc un peu mou, un peu évaporé dans sa vapeur, mais bien rehaussé par une sauce thaïe du meilleur effet. Magnifiques Saint-Jacques bien saisies, pommes de terre comme un risotto, superbes, crémeuses, filet d’huile pour nourrir tout ça… une merveille de plat d’automne vieillissant.
Polémique annoncée sur les desserts avec un Opéra incontournable en ces lieux (invention revendiquée par Gaston Lenôtre mais vraisemblablement attribuée à un pâtissier de chez Dalloyau ) dont une version avec Chartreuse jaune et noix, grenoblois Aribert oblige, et du
miel de l’Opéra pour les locavores. Pour l’instant ce n’est pas le point fort. Service encore un peu hésitant mais sympathique, carte des vins courte aussi et sur le négoce dans une fourchette de 33 à 840 € avec quelques rosés abordables et de bonnes maisons.
Dans ces cas de figure un peu bancals, on dit généralement que la cuisine est en devenir. Nous le disons aussi ! Hésitante entre brasserie et petite modernité gastronomique. Une cuisine à l’image du moment où les chefs ne savent plus sur quel pied danser, sur quelles assiettes se reposer, et derrière quelles casseroles se planquer. Pour l’instant, pas de fausses notes, pas de couacs, mais une mise en scène frileuse. Selon notre bonne habitude, laissons un peu de temps à ce lieu mythique de se caler sur quelques certitudes et de donner un sens aux goûts. On dirait que Yann Tanneau, ancien de Senderens et ouvreur du Mama Shelter, en a envie. Tant mieux.
L’Opera
Place Jacques Rouché
75009 Paris
Tél : 01 42 68 86 80
www.opera-restaurant.fr
Ouvert tous les jours de 7h (petit déjeuner) à 1h du matin (dernière commande à minuit)
Menu : 36 € (2 plats et eau minérale)
Carte : 60 € environ