Paris Photo cette année se déploie au Grand Palais; au lieu de la cohue dans la pénombre au Carrousel du Louvre, on respire sous la verrière. J’ai presque tout vu (il y aura peut-être un addendum) et je trouve ce salon plutôt bon. Certes, il y a davantage de photo ancienne - souvent exceptionnelle (voir entre autres Camera Obscura A62, Serge Plantureux C52 et les Bellmer de la galerie 1900-2000, toujours extraordinaire C33) -, que de jeunes créateurs, mais on s’y attendait (et dès demain, je vais voir les foires off). Beaucoup de photographie africaine cette année, mais la majorité des galeries semblent réduire la photo africaine à la photographie de studio (Sidibé, Keita, etc.) ; c’est pourquoi je
commencerai ce billet (qui sera nécessairement une simple liste d’œuvres qui m’ont accroché) par deux Africaines. Sur le stand de la Collection Walther (B2/C1 ; et c’est une très bonne idée d’avoir ainsi créé des espaces ‘muséaux’ au milieu des marchands, pour des collections publiques ou privées), la Sud-Africaine Berni Searle (née au Cap en 1964) montre sa main colorée, de charbon ou de henné (Lifeline, de la série Discoloured, 1994) : c’est une image de grande taille, éclatée en 24 photos. Cette main de femme blanche colorée en noir est un travail sur l’identité, la race, la capacité à passer les lignes, à dépasser les définitions de race, et aussi de genre (ne pourrait-ce être une main d’homme ?). Au milieu des empreintes, des traces, les lignes de vie font des marques profondes, tranchées mortifères ou sillons fertiles (sa série précédente, Colour Me
montrait son corps recouvert de pigments de différentes couleurs).
Avec Malala Andrianavidrazana (Baudoin Lebon, C34), la peau noire a une douceur, une tendresse quasi haptique, on voudrait avancer un doigt et effleurer cette gorge, cette joue, ces cuisses, tant la photographie les rend sensuelles, attirantes. Et la peau du mur sur lequel dansent les ombres des soutiens-gorges a la même qualité tactile exceptionnelle. Sinon, sur le stand de la galerie tchèque Leica (D56), j’ai aimé, tout autant que l'an dernier, les nus étranges de Tono Stano, White Shadows (en haut).


Au gré des stands, une superbe camera obscura de Vera Lutter chez Xippas (A 24) où, à l’intérieur de l’usine de Pepsi qu’elle photographie, elle a suspendu une photo du même endroit qu’elle a déjà faite : droite et gauche s’inversent bien sûr, mais aussi positif et négatif (on peut penser à Gabor Ösz, absent de la foire cette année, je crois). C’est une réflexion dans tous les sens du terme, toute la représentation est ainsi chamboulée (en attente de l’image).






Enfin, le stand de la galerie Springer & Winckler (C10) est dédié au travail photographique de Sigmar Polke, travail original (voir le livre de Xavier Domino) de par l’incertitude de l’image : voyons-nous des cristallisations, des pépites, des pierres bien réelles ou voyons-nous le résultat des manœuvres hasardeuses de Polke au développement et au tirage ? Est-ce l’image qui ne se révèle pas, ou l’objet qui se rétracte devant sa nécessité de représentation ? Si le mur

Photos de l'auteur (ça se voit). Arnulf Rainer et Sigmar Polke sont représentés par l'ADAGP; la reproduction des oeuvres de Polke sera ôtée du blog au bout d'un mois.
