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Frank O'Hara [anthologie permanente]

Par Florence Trocmé

Olivier Brossard et Ron Padgett publient une nouvelle traduction (après Poèmes-déjeuner) du poète américain Frank O’Hara, aux éditions Joca Seria.  
 
 
Aus einem April 
  Nous époussetons les murs 
  Et bien entendu nous sommes des alouettes en pleurs 
nous éparpillant dans les cieux nos épaules coincées 
sous les aisselles de quelqu’un, si fermement ! et nos gorges sont pleines. 
  N’êtes-vous jamais tombé à Noël 
  et tous ceux qui vous ont vu n’en ont-ils pas été émus ? 
  n’est-ce pas ce que l’arbre veut dire ? Le pur plaisir 
  de faire pleurer ceux que vous ne pouvez émouvoir par vos envolées ? 
  Ça suffit à pousser quelqu’un au suicide. 
  Et les toits s’effondrent comme les applaudissements 
 
de mains rêches aux ongles longs, mains intimes, tannées par les baisers. 
Doigts plus à bout de souffle qu’une langue déroulée sur les lèvres à l’heure de la lumière du soleil, de bon matin, avant que la brume ne déferle depuis la mer ; et là-bas tout est turbulent et vert.  
 
 
Aus einem April 
We dust the walls.
And of course we are weeping larks
falling all over the heavens with our shoulders clasped
in someone’s armpits, so tightly! and our throats are full.
Haven’t you ever fallen down at Christmas
and didn’t it move everyone who saw you?
isn’t that what the tree means? the pure pleasure
of making weep those whom you cannot move by your flights!
It’s enough to drive one to suicide.
And the rooftops are falling apart like the applause 
of rough, long-nailed, intimate, roughened-by-kisses, hands.
Fingers more breathless than a tongue laid upon the lips
in the hour of sunlight, early morning, before the mist rolls
in from the sea; and out there everything is turbulent and green. 
 
|•| 
 
Deux variations 
Soudain ce corps apparaît : dans ma fumée 
pendant que quelqu’un décrit lourdement la Grèce, 
cette célèbre ligne monotone paraît blanche 
à côté de l’extensible noirceur de la vie 
et je me sens intime avec ce que je touche juste. 
 

Non je ne vais pas faire face 
parce que je n’ai rien d’un départ 
ni m’endormir contre un cœur 
dont les flammes n’effarouchent pas les loups, 
chasse et vertu autour d’un feu de camp. 
Et tu sais que si je m’envole à la dérive 
le ciel sera lourd comme le ressac. 
 

Je suis content que la pierre soit lourde 
et qu’elle semble à sa place dans mon cœur 
comme un œil dans un pot d’humus. 
Écrivons de longues lettres sur de grands thèmes, 
sandwiches de poisson, sandwiches aux œufs et du fromage ; 
ou voyage au Mexique, en Italie et Australie. 
Je mange beaucoup pour ne pas être soûl et puis 
je bois beaucoup pour être excité 
et puis après je suis parti je ne sais où 
ni avec qui et je ne me souviens pas loin de qui 
sauf que me revoilà avec mon sac en papier 
et la prochaine fois mon visage ne viendra pas avec moi.  
 
 
Two Variations 
Suddenly that body appears: in my smoke 
while someone's heavily describing Greece, 
that famous monotonous line feels white 
against the tensile gloom of life 
and I seem intimate with what I merely touch. 
 

Now I am not going to face things 
because I am not a start 
nor fall asleep against a heart 
that doesn't burn the wolves away, 
hunting and virtue beside an open fire. 
And you know if I drift into the sky 
it will be heavy a surf. 
 

I'm glad that the rock is heavy 
and that it feels all right in my heart 
like an eye in a pot of humus. 
Let's write long letters on grand themes, 
fish sandwiches, egg sandwiches and cheese; 
or travelling in Mexico, Italy and Australia. 
I eat a lot so I won't get drunk and then 
I drink a lot so I'll feel excited 
and then I've gone away I don't know where 
or with whom and can't remember whom from 
except that I'm back with my paper bag 
and next time my face won't come with me. 
 
Frank O’Hara, Méditations dans l’urgence, trad. de l’anglais (Etats-Unis) et notes Oliver Brossard et Ron Padgett, postface d’Olivier Brossard, coll. américain, éditions joca seria, 2011, pp. 18 et 38/39 (attention : le livre n’est pas bilingue).  
 
Frank O’Hara dans Poezibao : bio-bibliographie, extrait 1, ext. 2, poèmes déjeuner



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