Magazine Cinéma
Soderbergh, ou l’homme qui questionne le cinéma, torture les formes, clame son indépendance. Avec ce Full Frontal, plongée percutante, et en DV, dans le microcosme hollywoodien, il s’attache une nouvelle fois à saisir au vol ce qui semble être sa thématique fétiche : la solitude. Dans un L.A de paillettes et de mensonges, se côtoient journalistes, acteurs, masseuse, DRH, richissimes pions d’une industrie qui les dépasse. Conviés au dîner d’anniversaire d’un célèbre producteur, ils partagent tous le même mal-être, malheureux au sein d’un cocon d’apparences et de tromperies. Soderbergh, lui, bouscule l’image : caméra à l’épaule, budget minuscule, mises en abyme et imbroglio de vies, son film choral est une sorte de Short Cuts des temps modernes, immensément désespéré, triste, percutant. Comme la plupart de ses films.
Des deux niveaux de récit (le réel et la fiction), il offre une parenthèse désenchantée sur le monde du cinéma, machine à fric pleine d’artifices. L’artistique, il se le garde pour lui. Dans cette démarche surtout, de priver le spectateur d’une belle photographie (a contrario du segment fictionnel d’ailleurs), d’offrir des portraits de stars sur le déclin, des êtres démystifiés, bien moches en pleine lumière. Il n’aspire à rien d’autre que de se démarquer de cet univers-là, quitte à cracher dans la soupe (Ocean’s eleven, c’est lui), à employer ses propres gueules bankable (Julia Roberts ou Brad Pitt) pour mieux révéler les vérités. L.A, c’est finalement beaucoup de gens à problèmes, aimés pour ce(ux) qu’il ne sont pas. Pas étonnant qu’on s’y perde et s’y flingue, isolé parmi des sourires en toc.
Le dernier film de Steven Soderbergh, Contagion, est actuellement en salles.