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Visite à Epinal, partie 1 : La Tour chinoise

Par Etrangere
Un mercredi pluvieux et venteux s'annonçait. Parka, anoraks, sandwichs, bloc-note, et voici que toute la petite troupe d'Histoire des Arts s'élance à l'assaut du château d'Épinal, avec pour guide Jacques Grasser, maire-adjoint, chargé de la Culture et professeur d'histoire à l'IUFM.  La visite débute par la visite d'un petit musée de 3 niveaux, niché dans la tour sud des remparts  - l'occasion rêvée pour un bref rappel de l'historique mouvementé du château au XXe siècle, puisqu'il s'agit avant tout de nous interroger sur les modalités et les choix de restauration des œuvres et des monuments du patrimoine local et national.
En effet, alors qu'au cours de la seconde guerre mondiale, les batailles font rage dans l'Est de la France, l'armée américaine bombarde la ville, le château, et réussit à libérer la région spinalienne. Mais l' édifice n'est plus qu'une ruine, qui sombre dans l'oubli, la végétation reprenant lentement ses droits sur le travail des hommes. Entre 1984 et 1992, l'Université de Nancy 2 et le laboratoire d'Archéologie médiévale s'attellent donc à la tâche de la recherche du bâtiment. Aujourd'hui, pour cause de désaccords politiques, les fouilles sont supendues ; il n'en reste pas moins que le château a été redécouvert, réétudié, et restauré.
Ces éclaircissements apportés, nous nous laçons donc dans une balade devant nous mener sur le site du château et de son parc. La première étape sur notre quête de savoirs, mais aussi de notre réflexion sur la mise en exergue du patrimoine culturel, est ainsi la rareté précieuse d'un bâtiment fort singulier... 

Visite à Epinal, partie 1 : La Tour chinoise

Tour chinoise restaurée (si seulement il faisait aussi beau le jour de notre visite...)


La tour chinoise du château d'Épinal détonne parmi les rues et les immeubles médiévaux. Elle est là, tapie, secrète, à l'arrière d'un immeuble. Au moment de la Révolution française, celui-ci a été confisqué à son noble propriétaire et récupéré par le Receveur des Impôts. Ce personnage important acheta  dès 1804 des parcelles autour du château, ; l'entreprise dura 20 ans, et donna naissance à un jardin anglais auquel on accédait par un escalier de pierre de 72 marches, abrité par une "chinoiserie" dans la plus pure lignée du début de XIXe siècle. Comment en effet appeler autrement cette pagode imitative de l'empire mandarin, appartenant aujourd'hui à la ville, qui en assure la charge ? Le parc ayant été déclaré "Monument historique" il bénéficie de la protection et du financement de l'État. Mais la situation était d'ores et déjà dramatique : en 1985, le petit bâtiment n'est plus qu'une ruine, l'effondrement de la toiture à l'intérieur de l'immeuble parachève l'impression de désastre. 
Visite à Epinal, partie 1 : La Tour chinoise

La ville entreprend donc une action, critiquée encore aujourd'hui. Les entrepôts environnants ayant été détruits, la tour est dégagée. Mais, en 2008, tombereau : crise économique, dont l'effet le plus surprenant est... le crédit de relance. L'État accorde en nombre des fonds pour maintenir le tourisme et les activités culturelles, y compris pour la reconstruction de l'ouvrage.  Ainsi, la charpente en chêne est refaite ; les embrasures sont en châtaigner clair ; les grilles en plomb ; le garde-corps est restauré avec du laiton ; les girouettes sont dorées à l'or fin. Un jardin japonisant doit s'ajouter prochainement au décor. Mais là où le bas blesse, c'est le prix de l'entreprise : pas moins de 500 000 euros. "Si seulement ! soupire un de mes professeurs - j'ai pour ma part entendu que cela approchait les 800 000 euros..."
Ma réaction ? Et bien... En toute franchise, je ne suis pas spécialement convaincue par la réussite de la restauration. L'impression que dégage la tour est, dans une certaine mesure, celle d'une réplique de Disneyland Resort Paris. Les décors me rappellent du carton-pâte ; le rouge m'assaille la figure comme un ninja de l'ordre du Dragon-Noir attaque le gentil héros dans un film de kung-fu; et ce qui faisait le charme de la chose, à savoir l'aspect des vieilles pierres et de vécu, s'est évanoui sous l'épaisse couche de fioritures. Soit, je grossis peut-être quelque peu le trait. Toutefois, je fais partie de ceux qui estiment que le temps, s'il détruit les choses, peut également leur conférer du cachet, et de la noblesse, sans verser dans la vénérabilité outre-passée ni la ruine. Refaire à neuf un bâtiment ancien, c'est faire un lifting à une dame certes âgée, mais encore très belle, parce que sur son visage tanné s'est imprimée la marque de son histoire et la vaillance. Je suis lucide : on ne pouvait laisser se dégrader la tour chinoise, et on ne pouvait que la remettre dans un état correct. Seulement, était-il nécessaire de vouloir lui redonner un aspect si propret, si lisse, si idéalisé et gai ? ne pouvait-on pas la refaire avec plus de subtilité ? 

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