L'enregistrement effectué par Philippe Pierlot et son ensemble Ricercar Consort de la Passion selon Saint-Jean de JS Bach confirme l'acuité de sa lecture. Au delà des couleurs du temps qui poussent les ensembles baroques à revisiter le répertoire sacré du Cantor via une lecture "solistique", Philippe Pierlot tient ici un propos d'une cohérence et d'une beauté saisissantes.
J'ai plusieurs fois exprimé sur le blog mon scepticisme à propos de l'exercice consistant à restreindre la partie chorale de cantates ou de messes à une voix par partie. Philippe Pierlot a pris l'option, assez proche de Konrad Junghänel, d'uniquement doubler chaque registre constituant un choeur restreint à huit chanteurs. Avec un orchestre d'une petite quinzaine d'instruments, tout cela sonne à merveille.
On est tout de suite saisi par la cohérence, l'homogéneité du choeur ainsi que par sa justesse d'intonation, de phrasé. Ce point est clé dans la Saint-Jean, tant la partie chorale occupe une place déterminante dans la narration.
On retrouvera ensuite des interprètes solistes aguerris au répertoire sacré allemand, notamment celui de la musique luthérienne du XVIème siècle. C'est bien-sûr le cas du ténor Hans-Jörg Mammel, devenu de plus en plus incontournable, au sommet de son art, et qui camp un évangéliste qui n'a rien à envier à un Christoph Prégardien, devenu une sorte de référence en la matière. J'ai retrouvé pour ma part plaisir à écouter Carlos Mena, même si je ne le trouve pas toujours aussi juste qu'à l'habitude (c'est le cas dans l'aria Von den Stricken meiner Sünden). La soprano Maria Keohane démontre une vitalité étonnante, interprétant ses arias avec cnovictions. Stephan McLeod, se montre souvent très juste et tenant de façon très convaincante la ligne même lorsque la virtuosité instrumentale vient le déjouer. Matthias Vieweg incarne un Jésus sobre, peut-être un peu trop intériorisé.Sur certaines arias, Philippe Pierlot prend le parti d'attaques instrumentales assez vives, déployant des sonorités surprenantes. C'est par exemple le cas avec l'introduction presque électrisante du violoncelle dans le duo basse / soprano Himmel reisse, Welt erbebe. Des dissonances, des frottements harmoniques apparaissent en outre çà et là.
Tout de même, l'ensemble est d'une cohérence magistrale. Les parties chorales sont de toute beauté et nous transportent. De tout cela se dégage une belle émotion. Ce disque est exemplaire et cette version dite "solistique", conserve une ampleur telle qu'elle vient se hisser parmi les plus belles qui soient, même avec des choeurs conçus de façon plus ample.
Coup de coeur du poisson rêveur.Extrait : Aria pour basse et choeur : "Mein teurer Heiland".
JS Bach - Passion selon Saint-Jean - Hans-Jörg Mammel (Evangéliste), Matthias Vieweg (Jésus), Maria Keohane, Helena Ek (sopranos), Carlos Mena, Jan Börner (altos), Jan Kobow (ténor), Stephan MacLeod (basse) - Ricercar Ensemble - Direction Philippe Pierlot.