Il y a bien des artistes que j’ai écouté en solo, sans vouloir les partager. Des génies qui étaient connus que d’un petit cercle de privilégiés et offraient des perles rares de la pop, du rock ou bien du grunge. J’ai eu évidemment mes chouchous en ce qui concerne la musique dite-française mais il n’y avait que des torturés, des déprimés, des mélancoliques (sans être véritablement sombres), des grands timides qui se sont longtemps drogués et ont fait plusieurs overdoses. Des tatoués presque des pieds à la tête, et qui essayaient le plus possible d’embellir leurs cicatrices. Des astres noirs qui se sont tailladés sur scène ou dans les loges. J’ai aimé aussi ces artistes qui prenaient de la coke pour surmonter leurs angoisses, ceux-là même qu’on disait souvent d’eux « Ils sont finis …« .
Mais ça manquait un peu de figures féminines, parce qu’à part une Barbara qui était indétrônable, en France il n’y avait aucune nana qui arrivait à me faire chialer du sang en écoutant sa musique. Je suis parti donc m’aventurer un peu dans les univers de The Breeders (dans lequel jouait Kim Deal bassiste des Pixies et Tanya Donelly ex-guitariste des Throwing Muses) ou The Gits (ah Mia Zapata une grande perte pour la musique …) qui m’ont emmené à écouter Joan Jett (je peux t’assurer qu’il n’y a jamais eu d’effet de mode, vu que je n’ai connu l’existance « musicale » des Runaways qu’avec le film de Floria Sigismondi en 2010). Et puis les classiques de Billie Holiday à Patti Smith en passant par Sinéad O’Connor ou Lhasa de Sela. C’est drôle, en y pensant, je n’ai jamais écouté la musique des L7 ou bien de Courtney Love et ses Hole.
En 2004, une amie, qui connaissant mon amour fou pour Rufus Wainwright, m’offrit un album d’une chanteuse qu’on avait pu remarquer dans le clip de ce dernier « April Fools« . Coup de coeur immédiat pour la petite rousse dénommée Melissa Auf Der Maur (c’est bien plus tard que j’ai su qu’elle avait joué avec Hole entre 1994 et 1999). Et puis, je manquais toujours d’une artiste qui ne soit pas américaine ou canadienne et qui arriverait rien qu’une fois à faire monter des marées de sel à mes pupilles… Jusqu’au jour où au détour d’une rencontre, on m’a fait écouter Billy …
Teen Machine, du sombre à la lumière musicale
Quand tu demandes à France de Griessen les raisons qui l’ont conduites à créer Teen Machine, elle ne te crachera jamais des réponses ridiculement pathétiques du « Je voulais ressembler à Madonna … oups je voulais dire Courteney Love » au « Nina Hagen m’est apparue dans mon rêve et m’a dit : France, je supporte plus ce « Mother of Punk », je compte sur toi pour prendre la relève… » (ça me rappelle d’ailleurs ce chanteur français sans talent -et sans culot- qui nous avait cassé les oreilles en disant que c’était Kurt Cobain himself qui l’avait supplié de faire du grunge … à la française. Il devient quoi ? Aux oubliettes !). Non, non et non ! France de Griesse est loin de ressembler à ces artistes sans le talent, ces musiciens insipides, ces escroqueries musicales. La musique, l’art chez cette artiste, elle le respire comme la vie !
A l’époque, France de Griessen venait de terminer sa formation de comédienne, le rock la faisait vibrer, la musique l’enivrait, et comme dans un puzzle elle se demandait s’il y avait quelque chose à faire pour que le théâtre soit aussi intense que le rock. France est une sacrée comédienne, mais même si elle était convaincue que c’était sa vocation, elle ne joua pas les cartes les plus faciles ! Elle prend donc la décision de donner vie à Teen Machine, de gérer ce projet comme un groupe de rock et avec des performances à mi-chemin entre théâtre et concert. Avec ce groupe atypique, elle se réconcilie avec une certaine idée du théâtre avec un terme de prédilection : l’adolescence. France a appelé son groupe »Teen Machine » pour se souvenir toujours de son coeur de teenager… une poésie écorchée sous fond rock, des compositions qui reflètent un besoin de confier ses blessures.Les personnages qui habitent l’univers de Teen Machine ne sont pas de simples ados boutonneux qui se goinfrent des talk-show les plus stupides, oh non … Ils auraient pu valser dans un film de Larry Clark ou de Gus Van Sant ! Les personnages expriment un mal de vivre, une folie intérieure, une solitude fracassante. L’univers de France de Griessen est fascinant que fasciné, aussi crue qu’esthétisant, aussi ambiguë que dérangeant … et finalement, une de ces petites magies artistiques dont on ne sortait pas indemne.
Souvent en écoutant France de Griessen, je pense à ce film qui m’avait bouleversé et que j’ai dû mettre du temps pour encaisser la claque : Tideland (tiré du roman de Mitch Cullin) . Comme disait le réalisateur du film Terry Gilliam : C’est l’histoire d’une enfant qui se construit comme elle peut en dépit d’une grande souffrance. C’est une fable de survie dans des circonstances plutôt étranges.
Billy Dream 21
L’amour musicale pour cette artiste a commencé avec Billy, une rencontre un album une écoute et puis un sourire Tom Waitsien qui se dessina sur mon visage. France de Griessen ne recrée pas l’histoire en retraçant à travers treize belles chansons mélancoliques la vie de Billy the Kid, héros du Far-West mort prématurément à l’âge de 21 ans. Dream 21, un album concept donc dans lequel Billy est revu et androgynisé par Teen Machine et devient un écorché vif queer et trash (rien que ça!). Au delà de l’histoire, Billy a vécu en 21 années ce que la plupart des hommes vivent en une vie entière. Pleins de sentiments s’entrechoquaient, de l’amour à l’espoir, de l’amitié à la trahison, de la peur à l’incertitude, des rêves brisés à la réalité du monde, de la révolte qui se dessinait sur ses lèvres à … la liberté. Ce qu’on a retrouvé des années plus tard chez River Phoenix ou Ian Curtis qui se sont brûlés les ailes beaucoup trop tôt.
France de Griessen, une Alice moderne sans limites…
Dire de France de Griessen qu’elle est une artiste complète, c’est sombrer dans la banalité car on est en dessous de la vérité. Depuis l’âge de cinq ans, notre « Teen Machine » touche à tout et pas d’une façon superficielle : théâtre, performance, musique, pom-pom power, riot grrrl, lolita, cabaret, l’univers de cette Alice moderne est sans limites…
Et puis, dans ce monde sans limites, JF de Nomad Muzik me fit écouter Electric Ballerina. J’ai retrouvé aussitôt une ballerine électrique, punk romantique, quelque part entre David Lynch et Lewis Carroll, et je ne te le cache pas … Coup de foudre immédiat !