In vino veritas... ? Quel vin? Quelle vérité?

Par Daniel Sériot

 IN VINO VERITAS ou qu'en est-il de nos capacités de boire?

 D'où vient le proverbe latin  in vino veritas (= dans le vin, la vérité) ?

La relecture du Banquet de Platon éclaire sur le sens précis de cet adage et partant de notre passion de boire, de manger ou de parler…

Considérons sur le principe même de ce Banquet.

En grec ancien, le livre de Platon s’appelait Συμπόσιον, (=Tó Sumpósion) que l’on a traduit par simplicité Le Banquet ; or, le symposium n’est qu’une réception, qui n’a pour objectif que de réunir des convives qui boivent… (πίνέιν, (en latin potare) = boire).

Et, effectivement le récit de Platon se situe au moment du dessert, quand la conversation des derniers convives réunis s'articule autour de la religion, de la célébration des dieux, en l’occurrence d'Eros !

Les participants sont Socrate, Aristodème son disciple et plus parce que affinités, Alcibiade, non moins épris de Socrate, Agathon et Gorgias deux autres amants, Phédre et Aristophane…

On y parle donc d’amour, l’on boit et l’on ne tarit pas d'éloges pour Eros.

Toutefois qu’on y prenne garde, parler d’amour n’est que le prétexte pour philosopher, et le symposium amène les convives à se révéler véritablement à eux-mêmes comme aux autres. Le vin aide… il est là pour délier les langues.

En effet, Alcibiade, ivre mort, impètre une intervention. Il ne veut pas faire l’éloge de Eros, il fait plutôt celui de Socrate dont il est éperdument amoureux, et son discours, vif, plein d’ardeur traduit la possession de son physique et de son âme que provoquent les paroles de Socrate sur lui. Voulant l’exclusivité des amours de Socrate, il tente de rebuter les autres prétendants en précisant que son maître est un mauvais amant…

L’éloge détourné et insidieux d’Alcibiade, ne trompe pas Socrate, qui lui dit alors que la manœuvre intellectuelle n’est pas le fruit d’une vérité profonde ; car celle-ci, le vin ne peut la dissimuler.

« Alcibiade, dit-il, tu ne donnes pas l’impression d’avoir bu. Autrement, tu n’aurais pas déguisé aussi subtilement tes intentions pour essayer de cacher l’objet de tous tes discours… »*, lui dit Socrate.


Vin et vérité de l’âme… . L’ivresse que produit Socrate, telle une divinité pour les jeunes gens qui l’admirent, est celle du vin. L'ivresse délie le coeur.

Il leur prouve qu'il est l'accoucheur de vérité, d’esprit et d’âme sous l’effet du vin, à condition de vivre vaillamment le vin…

D’autres vérités ?

La Cène.

Jésus boit, la vérité naît du vin. Il annonce sa mort prochaine, sa résurrection, le reniement de Pierre : « Il prit ensuite une coupe; et, après avoir rendu grâces, il la leur donna, en disant: Buvez-en tous; car ceci est mon sang, le sang de l'alliance, qui est répandu pour plusieurs, pour la rémission des péchés.

Je vous le dis, je ne boirai plus désormais de ce fruit de la vigne, jusqu'au jour où j'en boirai du nouveau avec vous dans le royaume de mon Père. », Matthieu, 26, 17-31

Faut-il citer d’autres délires vinophilosophiques ?

Kierkegaard, à l'occasion d'un banquet placé sous le signe de Don Juan, Voltaire à Ferney, Kant…

Pour une veule sobriété, pour une vérité dans l’ébriété…

*p.126, Ed. Flammarion, trad. Paul Vicaire