Magazine Cinéma
Avec Lou Ye, cinéaste chinois, underground et blacklisté dans son pays, c’est toujours la même chose. Ses tournages-guérillas, caméra à l’épaule, forcent la mise à scène à étreindre la beauté de l’urgence ; mais, côté scénar’, il n’y a pas grand-chose. Soit, ici, l’histoire d’amour et de bleus (titre français) entre un ouvrier issu des cités et une bourgeoise de Pékin, mignonne et lettrée. C’est la rencontre, le choc, de deux univers. Un Paris de bruit et de violence vs une Chine paisible, pleine de bienséance. Carambolage entre culture et bêtise. Affrontement entre féminité (assumée mais bafouée) et masculinité folle, mal canalisée. Leur addiction commune commence d’ailleurs par un viol. Mathieu écrase d’emblée Hua, homme trouble et troublant qui recycle les obsessions du cinéaste : la domination d’un être sur un autre, domination essentiellement sexuelle, aux accents carnivores. Bitch, dit le titre original. Forcément, Love and Bruises est viscéral.
Hélas, tout comme dans Nuit d’ivresse printanière, le précédent long métrage de Lou Ye, le fond laisse perplexe, le film se perd rapidement dans un schéma réducteur (sexe- balade dans Paris – dispute – sexe – et ainsi de suite), et une ambiance psycho-hystérique parfois éreintante. On sent, à chaque plan, la puissance d’une œuvre faite à l’arrache, les tripes, la sueur. La manière qu’a le cinéaste de filmer un Paris dégueulasse, bien loin des bluettes alleniennes ou des clichés romantiques habituels, est par ailleurs saisissante. Sauf que tout finit par tourner à vide, faute d’un moteur dramatique conséquent. Au final, si l’on assiste à un corps à corps aux allures de bras de fer, sulfureux à souhait et sublimé par un duo d’acteurs survoltés (Tahar Rahim et Corinne Yam), on reste peu inspirés par la maigreur du script qui prend comme prétexte et justification au vide, l’atypisme de ses protagonistes.