Que ce soit dans les journaux ou dans la musique, la réputation sulfureuse de Didier Morville tient de l’euphémisme, c’est de notoriété publique. Il a mis le feu pendant la tournée triomphale des NTM qui leur a fallu et son dernier fait d’arme (tranchante) lui a valu en Février 2009 une condamnation de plusieurs mois au gnouf. Comme s’il en assumait la responsabilité de cet acte, l’écoute d’Egomaniac débute par un extrait audio de France Info relatant le jugement à l’encontre de Joeystarr. Cet extrait a été repris également pour les besoins du clip « Jour de Sortie« , le percutant single sur lequel le rappeur du 93 relate l’univers carcéral et le goût de la liberté retrouvée.
Évitons maintenant la question de savoir si Joey évoque la possibilité d’un nouvel album des NTM, la réponse est NON. D’ailleurs l’ami Koolshen ne figure par sur ce second album. La pochette illustrée par un Joeystarr enfant tétine au bec évoque immédiatement celles des classiques Ready To Die de Biggie et Illmatic de Nas. Pas de doute on a bien affaire à un album de rap. Les titres comme « Underground Up« , le sauvage « Hip Hop« , « On n On » montrent que notre vieux briscard n’a rien perdu de son énergie physique, ni sa passion pour la culture hip-hop, pour laquelle il a déjà immensément contribué pendant plus de vingt ans. Son attitude est quelque peu restée ‘old school’ dans l’âme, cherchant à aller droit au but dans ses textes en n’oubliant pas d’y mettre la forme comme sur « Underground Up » où il enchaîne les rimes en « -ache ». Certains diront que le style d’écriture de Joeystarr et son flow appartiennent à une autre époque, quand d’autres apprécieront le fait qu’il ait conservé les bases fondamentales. Les thèmes qu’il aborde sur Egomaniac ne trahissent aucunement l’esprit originel de Nique Ta Mère, entre jeunesse des banlieues d’aujourd’hui (« Complexe« ) et deux titres anti-Sarko (« On te voit« , « Je paie pas » avec Fdy Phénomen).
Pour actualiser sa musique, il a fait appel à Kimfu, qui réalise quasi tout le disque avec des instrumentaux très dans l’air du temps. « Affamé » et « Dans mon secteur » sont assez inspirées de Bangladesh, le producteur américain qui a conçu « A Milli« pour Lil Wayne et la touche dubstep sur « On te voit« , frise le le recyclage sur (l’instru ‘remixe’ « Pro Nails (remix) » de Kid Sister). En tout cas, les beats canalisent le tempérament animal du jaguar. Joeystarr est une bête qui ne laisse pas apprivoiser, ce carnivore quarantenaire sait contenir sa rage comme il peut violemment attaquer sans prévenir (c’est rien de le dire). Ce qui n’empêche pas quelques errances sur « Champagne« , « Faut s’lever » et son concept vraiment n’importe nawak ou encore son duo avec Oxmo Puccino n’est pas convaincant. On ne sait pas trop où il va et on a du mal à le suivre dans ces conditions. En revanche, le morceau que l’on redoutait le plus, celui avec Nicoletta, est incontournable. Cette revisite de « Mamy Blues » est aussi réussie qu’osée.
On aurait pu penser qu’avec son rôle dans Polisse, Didier Morville s’est assagi, qu’il est devenu une autre personne. Pas du tout. Le fait qu’il soit un peu plus apprécié à sa juste valeur par le grand public ne le rend pas moins viscéral, j’m'en-foutiste et pyromane, avec toujours cette personnalité fascinante. Egomaniac se définit comme l’album d’un Joeystarr fidèle à lui-même.