Le bain d'une dame romaine
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Une Esclave d'Egypte, au teint luisant et noir,
Lui présente, à genoux, l'acier pur du miroir ;
Pour nouer ses cheveux, une Vierge de Grèce
Dans le compas d'Isis unit leur double tresse ;
Sa tunique est livrée aux Femmes de Milet,
Et ses pieds sont lavés dans un vase de lait.
Dans l'ovale d'un marbre aux veines purpurines
L'eau rose la reçoit ; puis les Filles latines,
Sur ses bras indolents versant de doux parfums,
Voilent d'un jour trop vif les rayons importuns,
Et sous les plis épais de la pourpre onctueuse
La lumière descend molle et voluptueuse :
Quelques-unes, brisant des couronnes de fleurs,
D'une hâtive main dispersent leurs couleurs,
Et, les jetant en pluie aux eaux de la fontaine,
De débris embaumés couvrent leur souveraine,
Qui, de ses doigts distraits touchant la lyre d'or,
Pense au jeune Consul, et, rêveuse, s'endort.
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- Jean-Auguste-Dominique Ingres - La Grande Baigneuse, dite de Valpinçon -
( huile sur toile - 1808 )
Ingres ( 1780 - 1867 ) a peint ce tableau lors d'un séjour à Rome. Subtilement sensuel, ce nu exprime déjà un refus des sévères canons classiques, une rupture avec l'inspiration des grandes scènes mythologiques et antiques ( bien que le peintre laisse planer le doute puisque le décor minimaliste le rend intemporel, il pourrait bien s'agir de ce " bain d'une dame romaine " ) pour annoncer le goût pour l'orientalisme, un orientalisme fantasmé, qui s'affirmera avec La Grande Odalisque ( 1814 ). Ingres reprendra d'ailleurs ce nu entouré de compagnes dans une composition en variante clairement orientale en 1828 sur une toile intitulée La petite baigneuse, Intérieur de harem puis dans Le Bain Turc, toile tardive ( 1862 ) qui représente à nouveau cette figure féminine de dos, cette fois assise à terre jouant d'un instrument de musique.
- Toutes ces toiles citées sont exposées au Musée du Louvre -
Cette Grande Baigneuse sera l'une des oeuvres choisies pour l'exposition d'art contemporain de l'Exposition Universelle de 1855 ( première Exposition Universelle à Paris dont l' innovation fut d'ajouter cette dimension artistique alors inexistante à l'évènement )
- Ce nom Baigneuse de Valpinçon vient de celui d'un ancien propriétaire de la toile -
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