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Poezibao a reçu n° 192, dimanche 20 novembre 2011

Par Florence Trocmé

Cette rubrique suit l'actualité éditoriale et présente les derniers ouvrages reçus par Devant l'afflux de livres, Poezibao. Il ne s'agit pas de fiches de lecture ou de notes critiques et les présentations font souvent appel aux informations fournies par les éditeurs.
Poezibao n'est plus en mesure de présenter chaque livre reçu de façon détaillée. Tous les livres reçus seront donc cités mais une partie seulement d'entre eux fait l'objet d'une présentation plus complète, accessible en cliquant sur " lire la suite de... " - pour les autres livres, Poezibao s'efforce de trouver des informations en ligne et donne les liens correspondants.
○Gérard Titus-Carmel, Ressac, Obsidiane
○Claude Margat, Matin de silence, L'Escampette
○Louis Zukofsky, " A " 9 (première partie), Eric Pesty éditeur
○Gérard Noiret, Autoportrait au soleil couchant, Obsidiane
○Michel Leiris, Écrits sur l'art, CNRS éditions
○Helena Eriksson, Théorème de densité, Eric Pesty Editeur
○Jean-Claude Caër, En route pour Haida Gwaii, Obsidiane
○Revue Fusées n° 20
○Henri Deluy, Poètes néerlandais de la modernité, Le Temps des cerises
○Virginie Greene, Cent vues de John Harvard, éditions de l'Attente
○Michel Bourçon, Jean-Claude Pirotte, D'un retour d'éclaircie, Les Arêtes
○Henri Deluy, Manger la mer, Al Dante
À propos de ces douze livres et revues, lire une présentation détaillée en cliquant sur " lire la suite "
○Gaspard, Amîn, Les Carnets du Douayeul
○Dalila L. Pereira da Costa, Passage par l'extase, traduit du portugais, Babel-éditeur, 11 € [lire un extrait sur le site de la revue Esprit]
○Nadine Agostini, Un autre Ulysse, Contre-Pied, Autres & Pareils, 4 €
○Mandin, Capharnaüm, préface de Jean Orizet, Lanore, 15 €
○Jean-Marc Pontier, Pédaler, écrire (saison 2), Contre-Pied, Autres & Pareils, 4 €
○Bernard Grasset, Au Temps du mystère, poèmes bilingues 2 (2003-2009), Éditions de l'Atlantique, 13 € [poèmes écrits simultanément par l'auteur en hébreu-français et en grec-français]
○François Vert, Le Sens n° 5, Contre-Pied, Autres & Pareils, 4 €
○Revue Littérales, " Écrire et Être ", n° 8, 14 €, voir le sommaire de la revue.
○Revue Phœnix, cahiers littéraires internationaux, octobre 2011, n° 4, numéro spécial Prix Léon-Gabriel Gros, Lionel Jung-Allégret, Écorces, 16 €, site de la revue
○Sonia Gaulard, En Vers et contre tout, Éditions Praelego, 10 €, sur le site des éditions

Gérard Titus-Carmel, Ressac, Obsidiane, 2011, 14 €, site de l'éditeur
Ce quatrième livre de Gérard Titus-Carmel chez Obsidiane ressasse, en trois mouvements organisés en miroir, la parole meurtrie des " corps roulés " dont le ressac du temps et du souvenir use inexorablement la présence. L'ostinato des vagues devient " le chant continu d'une menace sourde ourlant l'échine des bêtes ". Et la rumeur de la mer, qui est celle de la vie même, nous laisse à la fin muets car, dit le poème, " nous n'avons plus au soir de langage "
Claude Margat, Matin de silence, Préface de Bernard Noël, L'Escampette, 2011, 13 €
Le fugace est saisi et métamorphosé en trace.
Le poème réfléchit cette opération et la rend sensible dans son espace. L'ombre, alors, bat comme une aile que les yeux ne voient pas : elle est à l'intérieur de la vue. Elle indique, non sans ironie, que l'essentiel va d'un mot à l'autre sans que cette circulation, qui est seulement lisible, se donne à voir. Ce qu'on ne voit pas, tout en percevant sa présence, est pareil à l'oubli, qui renferme la disparition tout en étant, et lui seul, propice à l'apparition.
D'où ces deux vers d'une évidence inépuisable : "le ciel est un manteau lucide/l'oubli s'y cache pour penser".
Louis Zukofsky, " A " 9 (première partie), traduit de l'anglais par Anne-Marie Albiach, Eric Pesty éditeur 2011, 9 €
" Un élan vers l'action propose une semblance
De choses données en équité de dosages,
La mesure tout usage est temps glacial en son effort
Dans lequel l'abstraction et ses choses ne gardent nulle ressemblance
Quant aux produits conçus
; [...] " (incipit)
" A " 9 (première partie) est un point culminant du grand livre de Louis Zukofsky, composé de 24 séquences intitulé " A ". Transposition virtuose de la structure métrique d'un poème de Cavalcanti, informé en profondeur par la théorie de la valeur issue du Capital de Marx - la traduction historique d'Anne-Marie Albiach parvient à équilibrer tous ces aspects du poème de Zukofsky, donnant par là un des textes fondateurs de la poésie française des années 70.
Gérard Noiret, Autoportrait au soleil couchant, Obsidiane, 211, 15 €, site de l'éditeur
" Il y a d'abord eu l'écriture qui a suivi son propre jeu, dispersant dans les marges d'un roman des poèmes en apparence inconciliables entre eux et souvent inconciliables avec ce que j'avais déjà publié. Ces textes isolés se sont accumulés, ont fini par constituer des livres très différents ; j'hésitais entre publications sous mon nom et mise en place d'hétéronymes. J'ai avancé alors vers une anthologie qui me permettait de joindre les pages de celui que j'aurais pu être, de celui que j'avais cessé d'être, de celle qui sommeillait peut-être en moi, et de celui qui portait les valeurs que je combats. La notion d'autoportrait permettait de faire rejaillir le sujet du détour par l'impersonnel : elle m'a permis de trouver les proportions et les pièces manquantes du dispositif. " (G. Noiret)
Michel Leiris, Écrits sur l'art, édition établie par Pierre Vilar, CNRS éditions, 2011, 29,90 €, site de l'éditeur
Poète, écrivain, ethnologue, rénovateur au milieu du XXe siècle de l'écriture autobiographique, Michel Leiris (1901-1990) a consacré un nombre considérable d'écrits aux peintres et aux sculpteurs de son temps : André Masson, Joan Miró, Alberto Giacometti, Pablo Picasso, Wifredo Lam, Francis Bacon, Marcel Duchamp, Fernand Léger... C'est à un dialogue direct et sans emphase que Michel Leiris s'adonne dans tous ses textes critiques. La peinture est pour lui une affaire sérieuse. Il en attend des réponses vivantes. Les images jouent dans son écriture un rôle fondateur et formateur, bien loin des circonstances occasionnelles ou des nécessités mondaines.
Ces écrits rassemblés ici pour la première fois et présentés dans l'ordre chronologique des rencontres et des publications, offrent au lecteur de suivre Michel Leiris au cœur de son vivant musée, au gré de ses amitiés et de l'histoire exceptionnelle de l'art moderne, du surréalisme aux années 1980. Au-delà, c'est tout l'engagement des artistes face aux périls et aux déroutes de notre temps que ces Écrits sur l'art révèlent.
Helena Eriksson, Théorème de densité, traduit du suédois par Jonas J. Magnusson et l'auteur, Eric Pesty Éditeur, 2011, 9 €
Au très beau texte écrit directement en français, par Helena Eriksson dans le Cahier critique de Poésie, n° 16, à l'occasion du dossier consacré à Claude Royet-Journoud succède ce livre, dans lequel une partie des enjeux du premier livre se voient rejoués.
Née en 1963, poète et traductrice, H. Eriksson a obtenu en 2009 l'éminent prix Gérard Bonniers lyrikpris qui a couronné son œuvre en Suède.
Jean-Claude Caër, En route pour Haida Gwaii, Obsidiane, 2011, 14 €, site de l'éditeur
" De Mémoires du Maine qui ouvre le livre à En route pour Haida Gwaii qui le clôt, il s'agit dans ces poèmes tout autant de voyages réels, que de voyages intérieurs, de voyages spirituels. Et les paysages traversés sont tout aussi importants que les personnes "rencontrées" (vivantes ou mortes), les sensations, les sentiments. Des métamorphoses s'accomplissent. Pourtant le poète reste inébranlable, tel qu'en lui-même, bien que traversé par cet Hymne à la vie. " (J-C Caër)
Revue Fusées n° 20, 15 €
Au sommaire de ce numéro, notamment un important ensemble sur le musicien Gérard Pesson, mais aussi Jeanne Gatard, Dino Fava, Jacques Jouet, Aurélie Loiseleur, Laurent Zimmermann, Patrice Alexandre, Cendra Richard, Thierry Clermont.
On peut lire une présentation de la revue sur le site Sitaudis
Henri Deluy, Poètes néerlandais de la modernité, traduction Henri Deluy et Saskia de Jong, éd. Le Temps des Cerises/Action poétique 2011, 15 €, site de l'éditeur
Une anthologie établie et présentée par Henri Deluy. De la fin du XIXe siècle au début du XXIe, de Herman Gorter (1864-1927), jusqu'à Saskia de Jong (1973), ce sont deux cent trente-quatre poèmes et vingt-sept poètes d'une modernité que réunit cette anthologie, arbitraire et contrastée. Une anthologie venue de loin, mais pas de très loin, sans cesse troublée par la rumeur proche d'une langue autre, toujours en mutation et pourtant familière à l'oreille. Une anthologie pour le grand air, l'espace, le saut des vents, la couleur du ciel. Une anthologie pour la comparaison et l'oubli des différences. Dans Poètes néerlandais de la modernité, Henri Deluy a rassemblé des poètes qui, depuis ce qu'on a appelé le " Mouvement de 1880 ", ont chanté le beau et envisagé la poésie comme l'expression la plus haute de l'homme. Les Tachtigers (de " tachtig ", quatre-vingt, soit " ceux des années 80 "), ces hommes et rares femmes qui se sont manifestés à partir de 1880, ont provoqué une rupture avec la poésie des pasteurs protestants alors de mise. La génération montante avait à l'esprit une toute autre poésie, plus individualiste, plus passionnée.
Observateur de la poésie néerlandaise depuis 1950 - époque où il a vécu aux Pays-Bas avec son épouse hollandaise-, pionnier et passeur, Henri Deluy propose au lecteur francophone une sélection qui témoigne d'un sens prononcé de la poésie moderne.
Virginie Greene, Cent vues de John Harvard, éditions de l'Attente, 2011, 11 €, site de l'éditeur
Prendre des photos mentales et faire du tourisme sur le lieu de son quotidien sont des pratiques minimalistes qui permettent de ressaisir l'ici et maintenant, de garder l'œil neuf et les sens en éveil. Ces cent vues sont des instantanés de mémoire qui déclinent une des icônes de l'identité américaine au rythme des saisons et des menus événements dont le monument et la narratrice se retrouvent témoins.
Michel Bourçon, Jean-Claude Pirotte, D'un retour d'éclaircie, Les Arêtes, 20 €, site de l'éditeur
Les livres naissent parfois d'une sorte de pari : " j'aimerais bien... ! " " Ok, allons-y ! "
Michel Bourçon, poète, aimerait bien faire un livre avec Jean-Claude Pirotte, poète, peintre, un livre comme " Chemin de croix "* qu'il tient entre les mains. Parce que Michel trouve le livre beau et parce que J-C Pirotte fait partie de son panthéon personnel, qu'il est l'un de ces ainés dont la présence, même lointaine, est toujours lumineuse sur le chemin. " J'aimerais bien faire un livre comme ça avec toi ", alors quel plus beau cadeau pouvait faire l'ainé à son cadet que de le prendre au mot " allons-y ", lui dont l'œuvre même se nourrit du dialogue avec ses auteurs fétiches, quel plus beau cadeau que de dire oui à un livre où ils dialogueraient ensemble.
La poésie de Michel Bourçon parle doucement, peu, elle affleure à la surface du papier où elle se pose sans poids, elle prend son temps, elle cherche à dire... peut-être, on n'est jamais sûr de rien au fond, et de soi encore moins, pourtant il y a toujours un chemin, réel ou rêvé, nostalgique ou présent. Un chemin pour les simples, les enfants, les errants, qui pourrait tout aussi bien se situer dans la campagne autour de Nevers que dans le lointain Japon, où dans n'importe quel endroit où la pluie laisse des traces sur le chemin. Les encres de Pirotte sont comme un contre-point à cette incertitude. Comme, parce qu'à y regarder de plus près, on voit qu'elles aussi ne sont ni totalement d'ici ni de là ; souvenirs, visions intérieures ou extérieures, elles accompagnent ce retour d'éclaircie sans trop causer non plus. Ce qui les réunit, c'est le vide, le gris délavé, le ciel où tout, rien, pourrait s'écrire
Henri Deluy, Manger la mer, lieux, soupes & bouillabaisses autour du monde, coll. " Ripailles ", Al Dante, 17 €
Henri Deluy, poète internationaliste, a fait plusieurs fois le tour du monde. Gastronome, bon vivant et curieux, il a toujours eu à cœur de se " coltiner " la cuisine des pays qu'il fréquentait, aussi bien dans les hauts lieux de la gastronomie locale, qu'en fréquentant les gargotes populaires - et on le soupçonne aisément, à la lecture de son livre, de préférer ces dernières. De chacun de ses voyages, il a ramené des recettes, toutes plus savoureuses les unes que les autres, et en a partagé la magie avec ses amis et, plus largement, tous ses lecteurs (en effet, responsable de la revue Action Poétique depuis 1955, en dernière page de chaque livraison de la revue il offrait à ses lecteurs une nouvelle recette recueillie lors d'un de ses voyage et, bien entendu, testée et approuvée par lui et ses proches !). C'est ainsi qu'il a, au fur et à mesure du temps, construit la carte internationale de la bouillabaisse. Car, comme il le dit lui-même : " un livre de cuisine est un livre de géographie ".
Ce livre, premier du genre, est indispensable à tous ceux qui aiment la bouillabaisse, la mer, les plaisirs de la bouche... et les voyages !


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