Mme Berthe de Valençay
Avait jusque là repoussé
Les supplications de son admirateur,
Le baron Joseph de Ménateur.
Durant tout l’été passé,
Il l’avait poursuivie ardemment.
Il donnait pour elle maintenant
Des fêtes et des chasses
En son château de Verlace.
Valançay vivait séparé de sa femme
Pour cause de faiblesse physique que Madame
Ne lui pardonnait pas.
C’était un gros petit homme, court de bras,
De jambes, de cou,
De nez, de tout.
Berthe était grande, jeune et déterminée.
Elle n’avait encore rien accordé.
Joseph la harcelait de ses prières.
Berthe lui répondait avec un clin d’œil :
-Si je dois tomber, mon cher,
Ce ne sera pas avant la chute des feuilles.
Fin octobre, à Verlace,
Joseph organisa une chasse.
Au moment du départ,
Berthe le retint, non par hasard :
-Si vous tuez le cerf,
J’aurais quelque chose pour vous, mon cher.
Frémissant d’amour, Joseph
Écoutait d’une oreille
Le bavardage moqueur et bref
De son amie à nulle autre pareille
Et de l’autre, il suivait le chant des cors
Et la voix des chiens qu’on entendait encore.
-Vous m’aimez, n’est-ce pas ? dit-elle
-Pourquoi cette question, ma belle ?
-La chasse semble vous occuper plus que moi.
-Vous vouliez que j’abatte moi-même l’animal.
-J’y compte bien. Vous le tuerez devant moi.
Alors il l’embrassa,
Piqua son cheval
Et s’élança.
Elle, cingla le flanc de sa jument.
Ils allèrent ainsi longtemps.
Côte à côte, ils chevauchaient.
Le tumulte de la chasse se rapprochait.
Tout à coup, devant eux, passa le cerf
Ils le pourchassèrent.
Un moment après, l’animal gisait,
Un couteau enfoncé
Dans l’épaule jusqu’à la garde.
Berthe embrassa le baron
Et lui dit, un peu hagarde :
-Rentrons !
Ils revinrent au château
Et dinèrent tôt.
-Je suis lasse, je vais me reposer.
Et comme il voulait prendre un dernier baiser :
-Je vais dormir. Et elle s’enfuit.
-Je vous souhaite une bonne nuit !
Une heure plus tard, Joseph sortait
De sa chambre et grattait
À la porte de celle de son amie.
Il s’introduisit.
Elle le caressa et de son doigt
Lui montrant le lit :
-Je vais revenir. Attendez-moi.
Alors Joseph se dévêtit
Et s’enfonça dans les draps.
Mais Berthe ne revenait pas,
S’amusant sans doute à le faire languir.
Peu à peu ses membres s’engourdirent,
Sa pensée s’assoupit
Puis fatigué par la chasse, il s’endormit.
Il dormit jusqu’au matin.
Le chant d’un coq, perché sur un arbuste voisin,
Le réveilla.
Se trouvant en un lit qu’il ne connaissait pas,
Sentant contre lui un corps de femme, il balbutia :
-Quoi ? Qu’y a-t-il ? Je suis où ?
Alors elle lui répondit
Du ton hautain dont elle parlait à son mari :
-C’est un coq qui chante. Rendormez-vous !