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Retour sur un massacre (Pons Pilate)

Par Borokoff

A propos de L’ordre et la morale de Mathieu Kassovitz ★★☆☆☆

Iabe Lapacas - L'ordre et la morale de Mathieu Kassovitz - Borokoff / blog de critique cinéma

Iabe Lapacas

En avril 1988, à la veille du second tout des élections présidentielles en France, des indépendantistes et membres du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) prennent en otage des gendarmes à Fayaoué, sur l’île d’Ouvéa (Nouvelle Calédonie). Dans l’assaut, quatre gendarmes sont tués et trois rebelles blessés. Les rebelles se séparent en deux groupes. Le premier, parti dans le Sud, relâche les gendarmes qu’il avait capturés quelques jours plus tard. Mais le second, dirigé par Alphonse Dianou, se réfugie avec 16 otages dans une grotte près de Gossanah. Le capitaine du GIGN, Le capitaine Legorgus (Mathieu Kassovitz), est envoyé sur place pour assurer la médiation. Mais l’échéance du second tour des élections accélère la décision du Président Mitterrand de donner l’assaut dans la grotte. Au grand dam de Legorgus…

On ne peut pas reprocher à L’ordre et la morale (inspiré de l’oeuvre de Philippe Legorgus) de ne pas être un film documenté. Au contraire, le film de Kassovitz regorge d’informations et de détails sur cet évènement tragique et encore très présent dans la mémoire des habitants de Nouvelle-Calédonie.

Comment qualifier L’ordre et la morale ? Est-ce un brûlot politique ? 19 indépendantistes et deux militaires périrent dans l’assaut de la grotte de Gossanah. Mais de très forts soupçons pesèrent sur l’armée française, accusée par le FLNKS de plusieurs exécutions sommaires d’indépendantistes après l’assaut ou d’avoir laissé volontairement mourir Dianou, blessé au genou.

Mathieu Kassovitz, Alexandre Steiger - L'ordre et la morale de Mathieu Kassovitz - Borokoff / blog de critique cinéma

Mathieu Kassovitz, Alexandre Steiger

Les accords de Matignon (1988) aboutirent à une amnistie générale et à l’impossibilité de faire la lumière un jour sur les morts de Gossanah ni de reconnaitre officiellement la responsabilité des militaires français dans les actes de maltraitance infligés aux habitants des villages (enfants attachés à des poteaux, humiliés devant leurs parents, interrogatoires très musclés…)

La vérité, c’est pourtant ce qu’a cherché à rétablir Kassovitz, dans un film très étayé donc et qui suit de manière chronologique, comme un compte à rebours, les évènements, de la prise d’otage (27 avril) à l’assaut de la grotte (3 mai).

Seul hic, c’est que Kassovitz adopte plusieurs points de vue pour traiter son sujet. L’ordre et la morale mélange à la fois documentaire, drame intimiste (vécu par Legorgus et Dianou qui dans son for intérieur sait que la prise d’otages a dérapé, lui qui voulait que personne ne meure), pamphlet politique et grand spectacle. Cet amalgame rend déroutant son film. Déroutant dans un sens péjoratif, parce qu’on ne sait pas quel point de vue adopter, tiraillé entre film d’action (musique de tambour et plans spectaculaires de l’île vue d’hélicoptère au début) et drame intérieur. La mise en scène comme souvent chez Kassovitz est brillante formellement, où l’on sent dès les premiers plans l’influence de son expérience hollywoodienne.

Mais est-ce un pamphlet véritablement que L’ordre et la morale ? Legorgus sentait que sa négociation allait déboucher sur une reddition pacifique des rebelles, mais il fut pris par le temps et une décision politique venue d’en haut. Ce dont il ne se remettra jamais.

Quant aux rebelles, conseillés par les « Vieux » et les coutumiers du village, ils savent que la situation leur a complètement échappé alors qu’ils ne voulaient tuer personne.

Dans tout cela, il y a des choix que Kassovitz ne fait pas, changeant constamment de point de vue et faisant le grand écart entre traitements intimiste et spectaculaire de son sujet. Que le film soit un peu démonstratif ne gêne pas vraiment. C’est un peu une constante chez lui. Mais le choix du tambour pour rythmer chaque jour qui passe, celui de la voix-off de Legorgus lisant son journal intime (il cherche des solutions pacifiques contraires aux méthodes de l’Armée) rend le propos un brin pompeux et ennuyeux. Lui faisant perdre de sa force aussi.

Il aurait dû trancher plus radicalement : faire soit documentaire soit un film d’action inspiré de faits réels. Ou alors un pamphlet politique ou un drame intimiste. Car à force de mélanger tous les styles, Kassovitz perd un peu son spectateur en route…

www.youtube.com/watch?v=Zem7ozC_4mQ

Scénario :

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Mise en scène :

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Acteurs :

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Dialogues :

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