Magazine Culture

Raymond ARON, mémoires

Par Mpbernet

La critique de Claude :

raymond Aron
Raymond Aron, universitaire et journaliste, le maître de la pensée libérale française durant  la seconde partie du XXème siècle, a mis en ordre ses innombrables souvenirs, pour livrer, en 1983, juste avant sa mort à 78 ans, un volume de Mémoires qui tient en 1000 pages dans la collection Bouquins de Robert Laffont. L’homme a été controversé, suscitant la rage de la gauche intellectuelle et l’ire soupçonneuse des gaullistes, mais admiré en France et plus encore aux Etats-Unis et en Europe. Quel itinéraire a-t-il suivi ?

En premier lieu, c’est ce qu’il est convenu d’appeler un « bon élève » : troisième fils d’une famille dont le père a subi des revers professionnels et financiers, il intègre la khâgne de Condorcet, puis Normale Sup, où ses camarades s’appellent Jean-Paul Sartre, Emmanuel Mounier, Paul Nizan etc... Reçu premier a l’agrégation de Philo, il va bénéficier d’une vraie formation à la dimension tragique de l’Histoire, en obtenant un poste d’assistant à l’Université de Cologne, en 1930, en plein bouillonnement politique et social, en pleine montée du Nazisme. Il y découvre aussi la sociologie, avec l’œuvre de Max Weber (mort en 1920), et trouve ainsi son orientation.

C’est un garçon modeste, presque humble, qui soumet tout, sans exception,  à l’examen rationnel : ainsi, passé à Londres mi juin sur un des bateaux de St Jean de Luz – comme François Jacob, comme le Général Simon, futurs héros de la France libre -, il va prendre ses distances avec De Gaulle, dont la fibre démocratique ne lui paraît pas suffisamment solide. Ce péché-là ne sera jamais pardonné, même si, curieusement,  son amitié avec Malraux fera de lui, pendant quelques mois, le directeur de cabinet du Ministre de l’Information dans le Gouvernement de la Libération.

Sa conviction majeure est formée par ces années terribles : il faut refuser les totalitarismes : à une époque où le Parti communiste, nimbé de ses sacrifices dans la Résistance, domine tout, Aron devient un critique scrupuleux et décapant du Communisme. Mais « l’opium des intellectuels » est partout : en janvier 1950, on lit dans « les Temps modernes », revue de Sartre, que « le travail forcé n’existe pas en URSS ». En 1954, les partisans de l’Alliance atlantique sont traités de collaborateurs. Et il n’est pas jusqu’au grand Maurice Lauré, haut fonctionnaire inventeur de la TVA, qui déclare doctement que la croissance de la productivité soviétique est insurpassable !

Les lecteurs du Figaro, les universités américaines et britanniques, les étudiants de Sciences Pô bénéficient de ses analyses sur l’Histoire qui se fait, particulièrement sur la construction européenne, sur la guerre froide, sur la société industrielle. Il écrit, en 1962 « ceux pour qui l’Europe doit être une patrie ne doivent pas oublier qu’aux yeux des Britanniques elle ne sera jamais qu’un moyen » : prophétique, et aujourd’hui, malheureusement, vérifié.

Sur les drames de l’Afrique du Nord, Aron, fidèle à sa politique de libre examen,  ne se fait guère d’amis, en choisissant de dire d’emblée qu’il faudra trouver des solutions négociées : toute sa vie, sa quête de vérité lui aura fait des ennemis, mais au total lui aura conféré une autorité morale qui dure encore.

Les Mémoires de Raymond Aron sont donc un livre de référence, a recommander pour tous ceux qui s’intéressent à ce « terrible XXème siècle ».  

 Robert Aron, mémoires édition intégrale inédite chez Robert Laffont, collection « Bouquins »,1088 p, 30 €


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Mpbernet 50874 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines