Urgent Crier ! (Caubère joue Benedetto), est une pièce hors de notre temps, à voir pourtant urgemment. L'ambiance des années 60 qu'elle recréée en images, en musique et en mots, époque de Woodstock, des Doors, des beatniks, de révolutions sexuelles et politiques, semble si lointaine, ancrée seulement dans quelques images de l'Ina (Institut national de l'audiovisuel). Ouvrant la pièce, la voix de Jean Vilar, acteur-fondateur du festival d'Avignon en 1947, et ses propos -« Le théâtre est une nourriture aussi indispensable à la vie que le pain et le vin... Le théâtre est donc, au premier chef, un service public. Tout comme le gaz, l'eau, l'électricité. »- nourrissent ce côté suranné. Et qui se souvient des textes de Benedetto (près de 200 pièces) pas forcément des chefs-d'œuvres, souvent mal accueillis par la presse parisienne, mais toujours vibrants et passionnés ? Ou de Gilles Sandier (1924-1984), animateur de radio (Le Masque et la Plume) critique et défenseur d'un théâtre engagé politiquement se baladant dans un Avignon chargé d'odeurs des figuiers ? Qui se soucie encore de la folie d'Antonin Artaud (si ce n'est peut-être Caubère, et cette Maison de la poésie) ?
Attention, pas de nostalgie sur le plateau : la confusion régna pendant ces années. Il y eut la guerre de Vietnam, (et Napalm de Benedetto) ou 1968 à Avignon. Cette année là, le off était entré dans le in à la suite de l'interdiction par arrêté préfectoral de La Paillasse aux seins nus (Gérard Gelas). Maurice Béjart avait alors invité la troupe bâillonnée à monter sur la scène du Palais des Papes tandis Benedetto et la jeunesse faisaient rimer le nom de Vilar avec celui d'un dictateur, « Salazar » (lui reprochant notamment d'avoir trop institutionnalisé le festival)...
Du travail de l'acteur, ce passeurSur la scène, qui parle de Caubère, Benedetto, Vilar, Artaud..., on ne sait pas toujours exactement (le comédien improvise) mais qu'importe, ensemble ces "acteurs-sud" rendent éloge à l'artisan-artiste : celui qui, l'esprit expurgé de la mauvaise foi et des chimères, va chercher, en Artaud halluciné, sa vérité dans ses viscères pour en faire des poèmes, celui qui crée un festival d'envergure international, ou ces techniciens grâce auxquels, avec quelques spots et deux ou trois fiches, une ambiance est restituée.
C'est ainsi que, sans rien ou presque (à peine une guitare électrique et une toile de projection vidéo), par son intelligence, son humour, ses jeux de mots, par l'amitié qu'il a porté à ses grands frères en art, par son travail, Caubère nous transporte en Méditerranée, au carrefour des quatre horizons où lui-même, le dos adossé à la croix, est voué à nous montrer le Nord... En 1969 à Aix en Provence, le futur grand comédien découvrait un metteur en scène engagé, militant, qui adaptait Eschyle pour quelques blousons noirs. C'était Benedetto. Caubère fut cloué... Par la suite, son ancrage au carrefour des horizons s'est renforcé, il a été formé par une autre comédienne militante et du Soleil, Mnouchkine, à qui il a rendu hommage dans le Roman d'un acteur, replongeant cette fois le public dans les années 70.
En écrivant sur l'artiste qui convoque le monde à ses pieds, Benedetto décrivait sans le savoir Caubère. Urgent à voir !
Caubère joue Benedetto, Urgent crier !, jusqu'au 31 décembre à la Maison de la poésie, 157 rue Saint-Martin, Paris 3e, 01 44 54 53 00 www.maisondelapoesieparis.com Métro Rambuteau.
Tarifs : 20/15/10 euros.
tarifs : 20/15/10 euros.