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Bienvenue à Feuilleton, "papier imprimé", interview de son rédacteur en chef

Publié le 26 novembre 2011 par Irigoyen
Bienvenue à Feuilleton, "papier imprimé", interview de son rédacteur en chef

 

Si l'on se réfère au Petit Robert, un « feuilleton » peut tout aussi bien désigner un « fragment » qu'une « histoire invraisemblable, très longue » (c'est du roman-feuilleton). Acceptons cette opposition qui me semble parfaitement coller à l'esprit de ce nouveau venu dans la presse française dont le premier numéro (sorti en septembre) s'ouvre sur une citation de Giacomo Leopardi : « Aujourd'hui que le pouvoir est aux mains de quelques-uns, on assiste aux événements, mais on en ignore les raisons, et le monde ressemble à ces machines actionnées par quelque mécanisme occulte ou à ces statues qu'anime un comparse dissimulé dans leurs flancs. Le monde humain est devenu semblable au monde naturel : il faut étudier les événements comme on étudie les phénomènes et en imaginer les forces motrices en tâtonnant, comme le font les physiciens. »

Feuilleton est, pour reprendre les mots de son rédacteur en chef, Gérard Berréby (à écouter l'interview), du « papier imprimé » qui observe le monde. Certains, mal intentionnés, rangeront ce titre dans la catégorie des mooks (mélange de magazine et de books) dans laquelle on trouve par exemple XXI ou encore Muze. Leur point commun : paraître tous les trois mois et offrir au lectorat le temps de la réflexion. Les premières pages de Feuilleton nous ainsi plongent dans la prose de Michael Lewis qui envisageait, dès 1989, les conséquences économiques qu'occasionnerait un séisme de forte magnitude à Tokyo. Paru dans Manhattan, Inc Magazine et traduit ici par Helène Frappat (j'aurai bientôt l'occasion de reparler de son dernier roman), l'article donne l'occcasion de repenser la catastrophe de Fukushima et ses conséquences.

La partie consacrée à l'Afghanistan est saisissante. D'abord, elle balaie l'idée selon laquelle les journalistes qui s'y rendent sont toujours « embedded », autrement dit embarqués par l'armée américaine. Anne Nivat prouve qu'il n'en est rien, elle qui sillonne régulièrement ce pays au plus près de la population. On lira aussi avec intérêt l'enquête de Michael Hastings parue en février dernier dans Rolling Stone sur les Psyops qui montre comment des militaires de l'Oncle Sam se sont vus confier une mission illégale, celle de manipuler des sénateurs du Congrès afin d'obtenir davantage de financements (traduction : Laetitia Tordjman). Mais la contribution la plus époustouflante est sans doute celle qui concerne le Krach de la Kabul Bank, un établissement au centre de la corruption généralisée (article paru en février 2011 dans le New Yorker et traduit par Johana Carrier).

Vous aurez sans doute remarqué que de nombreux articles sont traduits de prestigieux titres anglo-saxons, ce qu'explique Gérard Berréby. Ce dernier a sans doute raison : laissons le temps au temps. Les lecteurs verront bien que, à l'avenir, les productions internes se multiplieront et que d'autres journaux ou revues de la presse mondiale trouveront leur place dans Feuilleton. Espérons qu'ils seront aussi passionnants que le papier sur les bibliothécaires de Dieu signé Daniel Mendelsohn (traduction de Damien Aubiel) et qu'il y aura d'autres signatures prestigieuses comme celle de Jonathan Franzen, auteur d'une hilarante nouvelle sur un couple américain.

Feuilleton prouve à l'évidence que le journalisme est loin d'être mort, qu'il n'a rien à voir avec un simple discours communicationnel. Je suis persuadé que cette expérience – que j'espère de tout cœur voir perdurer – peut contribuer à mettre du carburant dans une presse à bout de souffle et souvent à court d'idées. Saluons le courage de ces « confrères » (aimeront-ils seulement cette comparaison ?) au premier rang desquels Adrien Bosc, son fondateur, dont l'audace est de rendre possible un narrative journalism à la française.

Et voici l'interview de Gérard Berréby, rédacteur en chef de Feuilleton.


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