Il est des festivals dont on devine qu’ils peuvent devenir populaires dès leur première édition alors que personne n’en avait entendu parler quelques semaines plus tôt. Un festival de films fantastiques à Paris, proposant des longs-métrages inédits, forcément sur le papier c’était séduisant, et le potentiel était évident. Étrangement, ce festival porte un nom anglo-saxon, le Paris International Fantastic Film Festival, déjà appelé PIFFF par les intimes (à ne pas confondre avec le Festival International du Film de Pusan, longtemps appelé PIFF, renommé BIFF depuis qu’on appelle la ville coréenne Busan plutôt que Pusan).
Le PIFFF s’est inscrit sur mes tablettes dès que j’ai appris son existence, sans savoir quels seraient les films projetés. Assez court, du 23 au 27 novembre, avec des projections uniques, il s’est vite avéré que je ne pourrai pas voir autant de films qu’espéré, mais en voir un suffisait déjà à me satisfaire, dans la mesure où je pouvais voir l’un de ceux qui m’intriguaient le plus et où je sais déjà que l’année prochaine je ferai mieux (si si j’en suis sûr, même si l’Apocalypse s’abat sur Paris plus tôt que prévu).
L’équipe organisatrice a mis toutes les chances de son côté en squattant le Gaumont Opéra, un cinéma populaire où la foule est souvent nombreuse, un cinéma qui a déjà l’habitude de faire le plein avec le Festival de Cinéma Chinois de Paris chaque automne. Un cinéma qui a l’énorme avantage à mes yeux de se situer à 10 minutes à pied de chez moi. Mon créneau du weekend pour goûter au PIFFF, c’était donc vendredi soir, à l’heure où le festival projetait en compétition Extraterrestre, la seconde réalisation de l’espagnol Nacho Vigalondo. J’avais décidément bien fait de venir prendre ma place deux heures avant la séance, car la salle 3 du Gaumont Opéra (pas loin de 300 places à vue de nez), située en sous-sol, affichait un taux de remplissage pas loin des 95% lorsque la lumière s’est éteinte pour laisser le film commencer. En m’installant dans la salle, je ne me suis par ailleurs pas étonné d’apercevoir ici et là des têtes régulièrement vues à L’Étrange Festival en septembre. La communauté des cinéphiles amateurs de cinéma fantastique a vite trouvé ses marques au PIFFF.
Alors que l’heure de la séance approche, je me rends compte que je suis installé juste devant le rang réservé au jury et que bientôt, Christophe Gans, Roger Avary et Jaume Balaguero s’installent dans mon dos (même si Gans se déplace pour laisser son fauteuil à la jeune femme accompagnant son pote Avary, qui lui avait écrit le scénario de Silent Hill). Après un court-métrage allemand aussi étrange qu’on pouvait l’espérer, Der Fall Max Mustermann, Balaguero s’est éclipsé de la salle, ayant peut-être déjà vu le film de son compatriote.
De ce que j’ai pu voir dans le programme du PIFFF, Extraterrestre semble être une étrangeté au milieu des autres films présentés. Car si les autres jouent la carte fantastique au premier plan, Nacho Vigalondo ne la dessine qu’à l’arrière-plan. Contre toute attente, le film est, peut-être pas tant une comédie romantique comme les présentateurs nous l’ont annoncé, mais – et c’est encore plus incongru – un vaudeville. Un vaudeville prenant pour cadre un Madrid vidé de ses habitants et au-dessus duquel flotte un immense vaisseau extraterrestre. Un homme prénommé Julio se réveille dans le lit d’une certaine Julia avec aucun souvenir de ce qui s’est passé depuis la veille au soir. D’abord gênés de la situation, les deux amants d’un soir se rendent vite compte de la présence de l’OVNI géant dans le ciel et de l’absence de passants dans les rues de la ville.
A partir de là, le film pourrait vraiment basculer dans le film d’invasion extraterrestre, mais Vigalondo ne semble pas y tenir le moins du monde. Ce qui l’intéresse, ce sont ses personnages et les méandres relationnels dans lesquels ils vont s’embarquer lorsque le voisin amoureux, jaloux et obsessionnel et le petit ami sociable et naïf vont pointer le bout de leurs nez. En ne quittant que rarement l’appartement autour duquel tout ce petit monde va se mettre à tourner, le réalisateur montre que c’est moins le suspense fantastique qui l’intéresse que le potentiel comique d’une telle situation. C’est inattendu de la part de Vigalondo, qui avait signé le réputé Timecrimes il y a quelques années, et de la part d’un Festival de Films Fantastiques. Et c’est exactement ce qui fait le charme du film, l’incongruité totale de son ton. Du coup lorsqu’il se fait plus sérieux dans son dernier tiers, il perd en allant, mais ce petit grain de loufoquerie humaine toujours prête à refaire son apparition garde tout de même le film sur de bons rails. On est loin d’un grand cinéma fantastique, mais cette cocasserie est des plus plaisantes. D’autant que les personnages sont croqués avec saveur, particulièrement les deux rôles plus secondaires du voisin psychotique et du petit ami cocu.
J’aurais aimé voir les autres films du PIFFF, pour ressentir la sensation de découvrir ce vaudeville fantastique au milieu de films plus sérieusement appliqués au cinéma de genre, mais vu l’accueil rigolard de la salle, il y a fort à parier que ceux qui avaient eu la chance de découvrir quelques autres films au festival se sont autant amusés que moi. Le juré Roger Avary doit être à l’aise en français pour découvrir un film espagnol sous-titré en français. Il ne sera de toute façon pas le seul juré, puisque tous les spectateurs sont amenés en fin de projection à noter le film en vue de ce qui semble être un Prix du Public.
Dehors, une fois sortis dans le froid parisien, sur le trottoir longeant le Gaumont Opéra, la queue est déjà longue pour enquiller la séance de 22h projetant Retreat, un thriller en huis clos interprété par Jamie Bell, Cillian Murphy et Thandie Newton. Moi je repars en prenant rendez-vous pour l’édition 2012. Le PIFFF est parti pour durer.