L’une des histoires les plus belles concernant les fascinants samouraïs concerne un type de crabe japonais, le heikegani, et l’Heike Monogatari (livre de l’Heike), summum de la littérature nippone, l’importance de ses histoires inoubliables de femmes tristes et de chevaux héroïques, de guerres tragiques, de courtisans rusés motivés par de basses ambitions, des bonzes de la vie ascétique que racontent les récits avant d’être dévorés par les flammes, d’empereur de de gens de basse souche et, surtout, d’affrontements entre les Genji et les Heike, les deux clans les plus importants des samouraïs (concrètement Le livre de Genji, qui raconte les aventures, la plupart galantes, des princes homonymes et de leurs descendances, écrit dans la deuxième moitié du Xème siècle de l’ère chrétienne par Murasaki Shikibu, femme membre de la raffinée cours impériale du Japon de l’époque, est un autre grand texte de la littérature japonaise) est seulement comparable aux épopées homériques de l’Iliade et de l’Odysée, ainsi que le Heike Monogatari – qui malgré l’existence du texte datant du XIII était chanté par les bonzes aveugles accompagnés par leurs instruments musicaux traditionnels jusqu’à l’ère moderne – appartenant typiquement à la littérature orale.
Le premier paragraphe du livre nous informe, comme l’illustre les cloches du monastère de Gion, qui résonne de la péremption de toute chose, que pouvoir de l’orgueil est aussi fugace que le songe d’une nuit de printemps et que les puissants disparaissent de la face de la terre à l’image de la poussière dispersée par le vent. Ce sera aussi le sort des Heike, battus tragiquement à la bataille de Dan-no-ura, dont les quelques survivants, ayant tout perdu, se jetèrent à la mer où ils se noyèrent. Selon la légende des membres de ce petit groupe, qui comprend l’empereur Antoku, âgé seulement de 7 ans, il se métamorphosèrent en un type particulier de crabes, les heikegani, dont la carapace présente dès lors le dessin d’un samouraï préparé pour la bataille, raison pour laquelle les pêcheurs rejettent à l’eau les crabe de cet classe, rendant hommage encore aujourd’hui au clan qui fut supprimé comme conséquence du fatidique dénouement de la bataille de Dan-no-ura.
Les histoires comme celle-ci sont des exemples de l’irrésistible fascination qu’exercent toujours dur nous le monde des samouraïs, pour qui le Musée Branly de Paris dédie du 29 janvier une extraordinaire exposition sur ses armures. http://www.quaibranly.fr/en/programmation/exhibitions/currently.html qui a comme objectif principal – venant de l’impressionnante collection du Musée Ann et Gabriel-Muller de Dallas, qui pour la première fois s’expose en Europe – est de montrer la culture, le style de vie et l’art de ces guerriers japonais durant près de deux mille ans.
Paul Oilzum