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In memoriam

Par Claude_amstutz

Bloc-Notes, 29 novembre / Les Saules

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Bien avant que n'abondent les récits de vie tels qu'on en découvre une dizaine par semaine de nos jours - plus ou moins inspirés - les années 70 auront été marquées par un témoignage d'une force et d'une rage inoubliables: Le pavillon des enfants fous, écrit par une gamine de quinze ans, Valérie Valère.

Elle y relate son internement pour anorexie, à l'âge de treize, dans un grand hôpital parisien. Une vision implacable du monde psychiatrique qui résonne à nos oreilles en écho aux textes fondateurs de l'antipsychiatrie de Ronald Laing - Le moi divisé et Soi et les autres - ou encore au film de Ken Loach, Family Life: En vérité, tout le monde a perdu, je suis là, triste et morose, méfiante et lâche. Je fais semblant de vivre et je me cache pour pleurer. Ils me reprendraient pour dépression nerveuse, ça les amuserait de me revoir. Ils m'ont gardée dans leurs griffes, j'ai conservé l'angoisse d'un emprisonnement, la colère refoulée d'une injustice, la rage de l'impuissance. (...) Je m'acharne à écrire et je retrouve la solitude. Cette volonté de continuer malgré la fatigue, malgré mes doutes et leur menace rejoint l'autre prison. Je suis restée là-bas, dans la chambre vingt-sept, avec mes refus, avec ce mal de vivre. Et je crois bien que je n'arriverai jamais à en sortir.

Elle s'en sortira pourtant, Valérie Valère, à sa manière, jetant un regard lucide et désespéré sur ses deux années d'internement et son avenir possible, à la fin du livre: Et moi, dans votre monde? Je fuis dans la tendresse des salles de cinéma, je rêve devant l'écran magique pendant les quatre séances de l'après-midi. Et dans le métro, l'éclat métallique des rails m'attire, me renverse comme quelque chose venu d'ailleurs, du plus profond de moi-même. Moi-même c'est tout ce qu'il me reste, tout ce que vous m'avez laissé. (...) J'essaie de retrouver un monde, je regarde tous les chemins avant de choisir le mauvais, mais rien n'est indiqué et personne ne veut me tendre la main, ou plutôt, je ne veux en prendre aucune. Une angoisse me serre le coeur. Ici, la solitude est moins belle car elle est fausse tout en ayant l'apparence d'être véritable. Plus douloureuse. Vivre, qu'est-ce que cela veut dire? Je ne sais pas. Je veux dire, je ne sais pas si cette fois-ci j'ai trouvé la vraie route. Je n'arrive pas à oublier et je me réveillerai encore souvent, en criant, pour avoir entendu le petit bruit de la clé tournée dans la serrure.

L'écriture lui aura été d'un grand secours, mais pas suffisamment pour la guérir de son mal-être ou lui apporter le réconfort. Quelques années après la parution de son premier livre, Le pavillon des enfants fous, Valérie Valère s'éteint un certain 17 décembre 1982 dans son sommeil, victime d'une crise cardiaque après une overdose médicamenteuse: une délivrance pour cette écorchée vive de 21 ans à peine, qui, malgré le succès, n'aura jamais connu le bonheur...

Reste l'oeuvre: Outre Le Pavillon des enfants fous (coll. Livre de poche/LGF, 1983) réédité en 2001, les autres textes de Valérie Valère sont malheureusement tous épuisés. Je vous les mentionne néanmoins ci-dessous, car chez les bouquinistes ou avec un peu de chance dans les bibliothèques, vous pouvez sans doute les dénicher, pour la plupart: Malika ou un jour comme tous les autres (coll. Livre de poche/LGF, 1983), Obsession blanche (coll. Livre de poche, 1992), Laisse pleurer la pluie sur tes yeux (coll. Pocket, 1988), La Station des Désespérés ou Les Couleurs de la Mort (Bartillat, 1992). Il faut y ajouter un livre qui lui fut consacré, écrit par Isabelle Clerc et Françoise Xénakis: Valérie Valère - Un seul regard m'aurait suffi (Perrin, 2001) indisponible lui aussi.  

Valérie Valère, Le pavillon des enfants fous (coll. Livre de poche/LGF, 2001)



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