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[Feuilleton] Mont Ruflet d'Ivar Ch'Vavar - 1/41

Par Florence Trocmé

Poezibao entreprend aujourd'hui la publication d'un nouveau feuilleton, il s'agit de Mont-Ruflet, d'Ivar Ch'Vavar, écrit spécifiquement pour le site et en prenant en compte le plus strictement possible la logique du feuilleton. Les vers étant justifiés, Poezibao a dû retenir une typographie sans espacement proportionnel, donc différente du Garamond habituel. Le feuillet Mont-Ruflet comporte 41 épisodes. Les épisodes sont publiés le lundi, le mercredi et le vendredi. 

Mont-Ruflet 
poème-feuilleton d’Ivar Ch’Vavar 
1er épisode 
 
Les grands bois courent sur la plaine crépusculaires et grin 
Çants. Même de si loin qu’on est, on entend ce grincement, 
Et ça hue, ça huit, ça halète, et ça siffle longuement. Ça s’ar 
Rache, grandes raclées, c’est râpeux, rugueux, ça roule. Ou 
Ferraille, rouille sur rouille, c’est là un rude combat.  Avant 
La nuit, il faut que ce soit fini. Ils se coursent, se rattrapent, 
Se longent, et plongent ou s’écartent. D’un saut se coupent 
La voie. Et boum (mais non, jamais on n’entend rien de tel 
Conflagration, grand fracas). Ils se passent sous le nez l’un 
De l’autre sans casse, apparemment...  C’est de loin qu’ils s’  (10) 
Entrelacent,  brouillant dans le soir traînard leur échelonne 
Ment. Ouaip ! Marrant, non ?  -  On trouille un peu quand 
Même, mais, tant que ça n’est pas tout près...  on peut bien  
Rigoler. Ou ricaner...  Et tout ce bazar, il faut voir, sous une 
Grande traînée au ciel bancale et cramoisie ; dont, très vite 
La teinte se perd et s’assombrit  (essayez, de vous représen 
Ter ça, ça vaut sûrement le coup). Ou, ces longs bois, ne di 
Rait-on pas (tout aussi bien) qu’ils filent ventre à terre,  là ! 
Et là ! chevaux noirs allongeant bien leurs pattes devant et 
Derrière,  comme si la fin du monde était en route et déjà...    (20) 
Au tournant du canton ?... On entend encore longtemps la 
Grondée une fois la nuit tombée ;  c’est mon pays dans son 
Rêve qui maronne, groume et maugrée. Ma campagne, oui, 
Mon village.  Et dans ce village ou plutôt, sur la marche de  
Ce village,  on approche, on approche dans la nuit, on sent 
Qu’on est tout près,  on sourit  (on va pousser une porte, et 
Entrer dans une pièce éclairée, lampe à huile peut-être,  ou 
Bougie, oui : si les quelques lampadaires sont éteints,  c’est 
Parce qu’il y a une panne d’électricité), c’est donc un écart 
Du pays (pas un hameau, même). Et, ! la maison de mes    (30) 
Gens. 
   Personne ne s’est donné le mot, mais on est tous là. 
On sort de sous les arbres.  Elle est venue, venue nue, nulle 
Part ailleurs elle n’est là. C’est bien là, est-ce encore déjà là, 
Ces arbres ;  ces grands troncs droits, et nous passons entre 
Ces arbres, de tronc en tronc nous avançons, mais diagona 
Lement,  et nous sortons d’un alignement d’arbres pour un 
Autre  alignement ou bien rester entre les lignes un instant, 
Fugitivement, oui, avançons fugitivement et changeons de 
Place lentement, reculons d’un  pas,  alors, ou nous restons 
Là, avant de sentir le mouvement – avant  de sentir, oui, le  (40) 
Mouvement qui reprend :  une poussée très douce dans les 
Reins, le bas du dos, quoi, oui ? la partie lombaire de notre  
Être ; de nous-mêmes. C’est une avancée du bassin, et, oui, 
Les pieds... ils...  ils frémissent ils se lèvent, et les genoux se 
Lèvent, ils se rappellent un temps où ils étaient nus et cour 
Onnés de croûtes. Ils se ressentent sous le jean de la caresse 
De l’air, dans les bois d’alors  (mais peut-être était-ce celui- 
Ci, déjà le même bois ? et se ressentent des écorchures anci 
Ennes, bon, qu’un corbeau crie par là c’était hier, ou aujou 
Rd‘hui ?) Nous glissons, en fait, c’est ça, oui,  nous glissons    (50) 
D’arbre en arbre de tronc en tronc, à frôler l’écorce du dos 
De la main, ou du bout des doigts (côté ongles), aussi bien

épisode 2 mercredi 30 novembre


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