Poezibao entreprend aujourd'hui la publication d'un nouveau feuilleton, il s'agit de Mont-Ruflet, d'Ivar Ch'Vavar, écrit spécifiquement pour le site et en prenant en compte le plus strictement possible la logique du feuilleton. Les vers étant justifiés, Poezibao a dû retenir une typographie sans espacement proportionnel, donc différente du Garamond habituel. Le feuillet Mont-Ruflet comporte 41 épisodes. Les épisodes sont publiés le lundi, le mercredi et le vendredi.
Mont-Ruflet
poème-feuilleton d’Ivar Ch’Vavar
1er épisode
Les grands bois courent sur la plaine crépusculaires et grin
Çants. Même de si loin qu’on est, on entend ce grincement,
Et ça hue, ça huit, ça halète, et ça siffle longuement. Ça s’ar
Rache, grandes raclées, c’est râpeux, rugueux, ça roule. Ou
Ferraille, rouille sur rouille, c’est là un rude combat. Avant
La nuit, il faut que ce soit fini. Ils se coursent, se rattrapent,
Se longent, et plongent ou s’écartent. D’un saut se coupent
La voie. Et boum (mais non, jamais on n’entend rien de tel
Conflagration, grand fracas). Ils se passent sous le nez l’un
De l’autre sans casse, apparemment... C’est de loin qu’ils s’ (10)
Entrelacent, brouillant dans le soir traînard leur échelonne
Ment. Ouaip ! Marrant, non ? - On trouille un peu quand
Même, mais, tant que ça n’est pas tout près... on peut bien
Rigoler. Ou ricaner... Et tout ce bazar, il faut voir, sous une
Grande traînée au ciel bancale et cramoisie ; dont, très vite
La teinte se perd et s’assombrit (essayez, de vous représen
Ter ça, ça vaut sûrement le coup). Ou, ces longs bois, ne di
Rait-on pas (tout aussi bien) qu’ils filent ventre à terre, là !
Et là ! chevaux noirs allongeant bien leurs pattes devant et
Derrière, comme si la fin du monde était en route et déjà... (20)
Au tournant du canton ?... On entend encore longtemps la
Grondée une fois la nuit tombée ; c’est mon pays dans son
Rêve qui maronne, groume et maugrée. Ma campagne, oui,
Mon village. Et dans ce village ou plutôt, sur la marche de
Ce village, on approche, on approche dans la nuit, on sent
Qu’on est tout près, on sourit (on va pousser une porte, et
Entrer dans une pièce éclairée, lampe à huile peut-être, ou
Bougie, oui : si les quelques lampadaires sont éteints, c’est
Parce qu’il y a une panne d’électricité), c’est donc un écart
Du pays (pas un hameau, même). Et, là! la maison de mes (30)
Gens.
Personne ne s’est donné le mot, mais on est tous là.
On sort de sous les arbres. Elle est venue, venue nue, nulle
Part ailleurs elle n’est là. C’est bien là, est-ce encore déjà là,
Ces arbres ; ces grands troncs droits, et nous passons entre
Ces arbres, de tronc en tronc nous avançons, mais diagona
Lement, et nous sortons d’un alignement d’arbres pour un
Autre alignement ou bien rester entre les lignes un instant,
Fugitivement, oui, avançons fugitivement et changeons de
Place lentement, reculons d’un pas, alors, ou nous restons
Là, avant de sentir le mouvement – avant de sentir, oui, le (40)
Mouvement qui reprend : une poussée très douce dans les
Reins, le bas du dos, quoi, oui ? la partie lombaire de notre
Être ; de nous-mêmes. C’est une avancée du bassin, et, oui,
Les pieds... ils... ils frémissent ils se lèvent, et les genoux se
Lèvent, ils se rappellent un temps où ils étaient nus et cour
Onnés de croûtes. Ils se ressentent sous le jean de la caresse
De l’air, dans les bois d’alors (mais peut-être était-ce celui-
Ci, déjà le même bois ? et se ressentent des écorchures anci
Ennes, bon, qu’un corbeau crie par là c’était hier, ou aujou
Rd‘hui ?) Nous glissons, en fait, c’est ça, oui, nous glissons (50)
D’arbre en arbre de tronc en tronc, à frôler l’écorce du dos
De la main, ou du bout des doigts (côté ongles), aussi bien
épisode 2 mercredi 30 novembre