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Robert Kurz : Chronique d’une crise annoncée

Par Les Lettres Françaises

Vies et mort du capitalisme est un recueil d’articles et d’entretiens assez courts dont la visée pédagogique offre au lecteur la possibilité d’appréhender les apports théoriques de la critique radicale de la valeur. Robert Kurz, qui en est le principal théoricien, a contribué  à structurer, autour de la revue allemande Krisis puis Exit, un courant auquel se rattache, en France, Anselm Jappe, auteur publié également chez Lignes.

Les Lettres Françaises, revue littéraire et culturelle

Robert Kurz, Vies et mort du capitalisme

Cette critique  repose sur la réactualisation de l’œuvre de Marx et s’articule autour de la contradiction interne au capitalisme : « Le capitalisme n’est rien d’autre que l’accumulation d’argent comme fin en soi, et la substance de cet argent réside dans l’utilisation toujours croissante de force de travail humaine. Mais, en même temps, la concurrence entraîne une augmentation de la productivité qui rend cette force de travail de plus en plus superflue ». Le système est donc condamné, la « dévalorisation de la valeur » étant déjà très avancée, et sa survie actuelle n’est rendue possible que par le recours massif au crédit, à la dette et autres mécanismes financiers.

Ce qui pourrait passer pour une pure abstraction ou une fiction économique se trouve pleinement confirmé par le scénario de la crise depuis 2008. À ce titre, le premier article du recueil, écrit en 2007, est d’une lucidité prémonitoire : Kurz y annonce la crise des crédits à la consommation aux Etats-Unis et « la fin de l’absorption des excédents d’exportations dans le reste du monde »

Mais si l’écroulement du capitalisme ne fait plus de doute, « la libération est un acte historique et ne peut donc être « dérivée » théoriquement comme la baisse tendancielle du taux de profit ». Le système est susceptible de se maintenir au prix de la barbarie et de la « désintégration sociale ».

Au-delà des luttes défensives, il y a donc une impérieuse nécessité à « reformuler la critique des formes capitalistes » pour penser leur abolition. Ce qu’il faut dépasser, ce n’est pas le capitalisme néolibéral et financiarisé – dans l’espoir de revenir à un nouvel Etat-providence dont la fonction serait de redistribuer les fruits de la croissance – mais bien la recherche de la croissance et la production de la valeur à tout prix. Kurz invite à sortir d’une logique qui consiste à chercher les coupables dans « un funeste modèle anglo-saxon » ou dans les milieux de la haute finance mondiale sans remettre en cause « la reproduction socialisée du fétiche-capital » ni le travail comme mode d’organisation de la société.

C’est donc un monde pensé en fonction des besoins réels que Kurz souhaite voir advenir, sans exclure le recours à une forme renouvelée de planification. En substituant la satisfaction des besoins à la création de valeur comme fin en soi, c’est l’humain que l’auteur allemand remet au coeur d’une économie à inventer. Elle ne pourra voir le jour qu’à condition de surmonter dialectiquement la décevante alternative entre une reprise en l’état de l’industrie capitaliste « productiviste » et un « antiproductivisme » tout aussi abstrait, illusoire régression dans une pauvreté idyllique.

Cécile Gintrac

Robert Kurz, Vies et mort du capitalisme : chroniques de la crise.
 
Nouvelles éditions Lignes, Paris, 2011, 224 pages, 20 euros.


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