
Pitch.
Un cocher et sa fille vivent modestement dans une ferme isolée du travail du père, activité qui dépend de la santé de son cheval. Jusqu'à ce qu'un nième jour de tempête, le cheval refuse de bouger...
Le film part d'un épisode de la fin de la vie de Nietzsche qui, syphilitique, perdait la raison : enlaçant un cheval d'attelage épuisé à Turin en 1889, il perdit connaissance, n'écrivit plus et bascula dans la folie. On a donc ici un cocher et sa fille dont la survit dépend la santé du cheval puisque les voyages avec la charrette servant de fiacre sont la seule source de revenus du foyer. La fille croule sous les tâches épuisantes, s'occupant de la maison, de l'écurie, dévouée à son père comme une servante.
Le film démarre dans une tempête avec le bruit obsédant du vent. Un vent qui ne cessera pas. Petit à petit, le cheval, soit qu'il soit malade, soit qu'il pressente la fin du monde, ne veut plus ni bouger ni manger, le père et la fille, bloqués chez eux, sont condamnés à attendre la fin. Les repas sont maigres, une pomme de terre bouillie, les vêtements rares tiennent dans une unique valise. Ce dénuement extrême n'est pas ce qui intéresse Béla Tarr mais un outil représentant la monotonie extrême de l'existence au service d'un objectif : filmer "le rythme de la vie", les rituels, les saisons, la routine auxquels les êtres vivants, donc mortels, sont asujettis. Le cheval disparu, le père et la fille poursuivent leurs rituels inchangés "dans le vide" après une tentativeéchouée (in extremis) de partir.

photo Sophie Dulac