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Formose (Lin)

Par Mo
Formose

Lin © Ca et Là - 2011

Li-Chin Lin est née à Taïwan en 1973. Elle vit en France depuis 1999. Dans cet album, elle revient sur son enfance et son adolescence à Taïwan.

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Formose n’est pas un album dans lequel on entre facilement. La première difficulté est liée à son graphisme enfantin qui s’étale au milieu de pages dépourvues de bandes ou de cases qui aident habituellement un album à se structurer. Sur cette base, un trait rond véhicule toute la spontanéité propre à ce mode d’expression mais il est brouillon voire maladroit. Cela donne l’impression que les souvenirs nous sont livrés à la volée. Ponctuellement, les contours d’une case viennent structurer une page et mettre en valeur une réflexion et/ou opinion de l’auteure mais dans l’ensemble, la présentation des pages est tellement disparate qu’elle rend la lecture fastidieuse.

Formose (Lin)
Ces dessins servent un propos qui aborde avec beaucoup d’humour le quotidien d’un pays au passé douloureux. Li-Chin Lin nous décrit son enfance heureuse passée entre École et Famille. La ligne narrative respecte la chronologie de la vie de l’auteure. On voit la fillette grandir et on la quitte au sortir de l’adolescence. Le ton du récit colle à l’âge du personnage et si, en fin d’ouvrage – et suite à son entrée en Faculté – le discours est percutant et force à la réflexion, ce n’est pas le cas de la période qui précède. Toute la période qui couvre des 6 ans à la pré-adolescence donne lieu à des réflexions naïves, des observations presque balourdes : en voulant respecter au maximum ses souvenirs, Li-Chin Lin rend simpliste une situation qui ne l’est pas. De même, on découvre Taïwan via le regard de cette enfant et les réponses que les adultes lui font. Ici aussi, le fait d’obtenir le même degré de réponse qu’un enfant est agaçant à la longue (beaucoup de “non-réponses”, de métaphores…). Je pense pourtant que si j’avais été mieux documentée sur l’Histoire de ce pays, je n’aurais pas ressenti de telles lourdeurs dans la narration (le rappel des repères historiques en fin d’album m’aurait été plus utile en début d’album).

Passée la trame chronologique sur laquelle se construit l’album, la narration s’organise ensuite à l’aide de plusieurs chapitres. Chaque section aborde une thématique : système éducatif, influence de la culture japonaise, mode de scrutin électoral, média… Mais logiquement, certains questionnements sont récurrents chez la jeune fille. On aborde donc une même idée/réflexion à plusieurs reprises dans l’ouvrage et cela crée des redondances dans le propos. J’ai eu le sentiment que ces anecdotes étaient agencées de manière désordonnée. Cela crée de la confusion et une lassitude dans la lecture.

Pourtant, si la forme ne m’a pas convaincue, le fond est intéressant une fois qu’on a lu l’intégralité du témoignage. Formose est l’occasion pour le lecteur de découvrir Taïwan d’une manière tout à fait originale. Au fil des pages, les pensées et réflexion de la jeune fille s’affinent, se structurent. Très tôt, on remarque que les enfants sont conscients de la nécessité d’investir dans leurs études pour pouvoir atteindre un idéal de société : la Réussite sociale. De même, on ressent très fortement, comme dans de nombreuses œuvres d’artistes asiatiques, l’importance du Paraître et celle du respect des traditions. Progressivement, de nouvelles notions intègrent son discours, elle nous fera également profiter de son expérience et de son analyse de la situation dans les derniers chapitres. La petite fille espiègle, devenue adulte, comprendra tardivement les tenants et les aboutissants politiques, médiatiques, éducatifs… de son pays. Censure, propagande, système éducatif contrôlé, endoctrinement… sont ici abordés sans tabous.

Formose (Lin)
Pour son premier album, Li-Chin Lin livre un roman graphique original et atypique. Sur certains points, je rapprocherais volontiers ce travail autobiographique de celui réalisé par Guy Delisle avec les mêmes erreurs que ce dernier a faites dans Shenzhen où le lecteur tourne un peu en rond. Dans l’ensemble, j’ai apprécié cette réflexion sur son parcours, sur les notions d’identité et de culture que Li-Chin Lin développe tout au long de l’ouvrage.

Dommage qu’il soit si difficile d’entrer dans cette lecture car je pense que cela découragera bon nombre de lecteurs à se plonger dans cette autobiographie : le fort décalage entre la situation décrite et le ton de la narration en début d’album, le dessin peu soigné, l’épaisseur de l’album (256 pages)… cela crée peut-être trop de freins au plaisir de lecture. Formose n’est pas un album « grand public ».

Extraits :

« Conditionnée pour mépriser les cultures taïwanaise et japonaise, je ne pouvais pas m’empêcher d’être attirée par leur richesse et leur beauté. J’ai appris à jouer ce double jeu depuis l’école primaire » (Formose).

« Les enseignants les plus appréciés étaient ceux qui nous aidaient à avoir de bonnes notes en nous donnant des astuces. Pas ceux qui nous encourageaient à penser » (Formose).

« J’ai eu froid. J’ai eu chaud. D’un coup, je n’ai plus su pourquoi je faisais des études, pourquoi je lisais des livres, pourquoi je regardais la télévision… En croyant m’instruire, je m’étais fait endoctriner malgré les conversations dans ma famille. Je ne savais plus en quoi je devais croire. Je me suis rendu compte que, finalement, on nous avait bourré le crâne de mensonges et coupé des vrais témoins historiques » (Formose).

« Dans une société démocratique, les cerveaux servent à réfléchir. Les mains et les pieds servent à se battre pour améliorer les conditions de vie. Mais ce n’est qu’un idéal » (Formose).

La présentation de l’éditeur.

L’avis de Jérôme,

Formose

Formose (Lin)
One Shot

Éditeur : Ça et Là

Collection : Longues Distances

Dessinateur / Scénariste : Li-Chin LIN

Dépôt légal : novembre 2011

Bulles bulles bulles…

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–à–

Formose – Lin © Ca et Là – 2011


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