Mont-Ruflet
poème-feuilleton d’Ivar Ch’Vavar
4e épisode
Résumé de l’épisode précédent : À califourchon sur une grosse branche au-dessus de la fille nue, le garçon veut partager l’émotion qu’il ressent, comme lors de sa découverte de la poésie à l’école de Wailly-Beaucamp.
Té, puisque, là haut juché, et la peau de mes cuisses nue
(C’est la peau qui est nue) d’ores déjà striée d’égratignu
Res par l’écorce rude de l’arbre, cette beauté je la perçoi
S, et bel et bien associée à sa rusticité et sa nervosité, défi (160)
Nie par elles, même), donc je remarque que les pieds ne
Sont pas placés tout à fait sur la même ligne, le droit un
Peu plus avancé, et quant au gauche (un peu « rentré »)
Légèrement en retrait. Et alors je vois que les mains aux
Longs doigts aussi, maigres — est-ce qu’elles pendaient
Seulement le long des cuisses, ou elles se crispaient peu
T-être contre, pressaient leur peau, sur le côté — tout-à-
Coup ses deux mains se dressent, à droite, à gauche per
Pendiculairement aux poignets, sans que les avant-bras
Aient bougé, et de là où je suis c’est, oui, c’est saisissant (170)
J’ai un choc, qui manque de me déséquilibrer : on dirait
Que deux petites ailes viennent de pointer, viennent de
Naître, d’apparaître au niveau des crêtes iliaques, et les
Doigts s’écartent, renforçant ce fantasme, et tout à coup
(Fantasme pour fantasme) cette jeune fille est sous mes
Yeux comme si elle venait d’être plumée (je tombe pour
De bon de mon perchoir).
Je marche dans les bois, je
Foule l’humus, je m’y enfonce, de vieilles tiges d’orties
S’enroulent à mes chevilles, que difficile, c’est, de prog
Resser, anormalement difficile, je me déhanche, il faut ti (180)
Rer sur mes jambes ; mes doigts agrippent, tirent l’étof
Fe du pantalon, ils entrent dans mon champ de vision,
Je vois aussi mes pieds et mes genoux, et tout est blanc
Gris, gris-blanc comme à la télévision (j’ai l’impression
D’être dans un feuilleton) et tel, à piétiner l’épais tapis
De feuilles mortes, tout gigotant, à voir passer sans trê
Ve mes pieds et mains, c’est une angoisse, se disloquer
Mes yeux n’ont droit qu’à des bouts de moi, ils piquent,
Pas qu’ils « piquent » dans ce qu’il y a à voir, non, non,
Peut-être ont piqué ‒ mais eux sont piqués, et piquants (190)
Ils me brûlent, mais pas tant, je me vois que je ne m’en
Tends : ahaner, et soufflant. Mais, je ne m’entends que
Comme en dedans. Le son s’est comme engoncé ; c’est
Un manque d’espace, avec une crasse, en plus, dans le
Conduit, où tu frottes tes manches et les y appuies, im
Possible de l’éviter. C’est comme si tu étais dans le pos
Te (en fait), ça coudoie, crachote et c’est plein de stries.
Écriteau d’orée : DÉFENSE D’ENTRER (et combien de
Fois je me suis demandé si derrière cette injonction, oui (200)
L’écriteau est cloué à un gros tronc : donc, pas faisable
De voir ce qui pourrait bien se cacher derrière... s’il ne
Fallait pas entendre ce message subliminal, drôlement
Plus inquiétant : Entrez, oui... mais vous ne ressortirez
Plus)... Je m’entends trop, et je me vois si brutalement,
Trop par à-coups, louchées et effarements. Bien ! je dé
Cide d’y aller plus doucement. « On se calme ! », pour
Commencer. Il n’y a pas le feu aux lacs (du braco ! mê
prochain épisode le mercredi 7 décembre 2011