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King Jammy, disciple de King Tubby, et créateur du Dancehall

Publié le 05 décembre 2011 par Davibejamaica
 Lloyd James, plus connu sous les noms de Prince Jammy ou King Jammy, est un producteur, chanteur et musicien de dub, de dancehall et de reggae, né en 1947 à Montego Bay en Jamaïque. L'artiste débute sa carrière musicale vers la fin des années 1970, initié et projeté sur le devant de la scène par son ami King Tubby.

King Jammy, disciple de King Tubby, et créateur du Dancehall

Pendant 10 ans, le "Prince" (puisqu'il est le disciple du "King") va officier activement dans le style dub et multipliera les collaborations. Son premier titre en 1979 Kamikazi Dub édité avec Dub Contest, autre titre qui l'oppose à Crucial Bunny. Un album est enregistré avec King Tubby, Errol Thompson et Maxie dans le célèbre studio Channel One à Kingston. Les productions s'enchainent ensuite avec d'autres disques en compagnie de Lee 'Scratch' Perry, Yabby You ou Scientist.

Prince Jammy obtient également l'autorisation de remixer une partie du répertoire de Black Uhuru et de Johnny Osbourne. Pour ses réalisations, l'artiste travaille alors sur des riddims joués par la paire rythmique Sly and Robbie ou les guitaristes Earl Smith et Tony Chin. Prince Jammy développe un son très acoustique, malgré une surcharge d'effets, d'échos, de bruitages et de bribes vocales, qui viennent s'intercaler entre la ligne de basse et le skank de la rythmique et du clavier.

Puis, en 1985, Prince Jammy s'écarte légèrement du style pour développer un tout nouveau genre musical : le "Dancehall". Nous lui devons le premier riddim digital Sleng Teng, à l'origine du mouvement. L'artiste entre donc dans l'ère digitale, caractérisée par une ambiance très synthétique où la basse possède un son mat et où les mélodies comme les rythmes restent assez simples. L'aspect répétitif du son est en réalité mis au service du débit saccadé des Toasters. Retenons notamment le tube et album Under Me Sleng Teng de Wayne Smith, décliné ensuite en Computerised Dub.

Ainsi, après la mort tragique de son maitre d'œuvre King Tubby, et comme sa musique connait un succès grandissant, le Prince devient le "King Jammy" et toutes ses productions seront dorénavant signées sous ce nom. Toujours en activité depuis plus de 30 ans, King Jammy est aujourd'hui un artiste reconnu dont l'œuvre est régulièrement rééditée.

Rémi Capdevielle et Julien Bouisset du site Mondomix ont eu la chance de le rencontrer il y a quelques temps, dans sa chambre d'hôtel à Montmartre, à Paris, la veille de son concert  au Télérama Dub  Festival. 

J'aimerais tout d'abord que vous me parliez un peu de King Tubby. On dit que vous avez tout appris à ses côtés...?

Pas tout ! Mais c’est vrai que j’ai démarré ma carrière avec lui. Il m’a initié à l’électronique et puis, comme vous le savez, aux différentes techniques de production. C’est un homme que je ne pourrai jamais oublier ...

Auriez-vous été le même artiste si vous aviez eu un autre professeur ?

Bien sûr que non puisque je me suis approprié son style, en quelque sorte. Je veux dire : il était génial, alors j'ai fait en sorte d’apprendre son génie.

Et vous avez sorti le légendaire «Sleng Teng Riddim», en 1985. A cette époque c'était le premier riddim digital...

C'est surtout le premier riddim digital qui est devenu un hit ! Je pense qu'il en existe des plus anciens mais aucun qui n’est sorti et n’a été distribué avec d'aussi gros moyens. Le « Sleng Teng » fut le tout premier à mériter tout ça. On peut dire qu’il a ouvert la voie aux autres

Ce genre de sonorités ne vous manque-t-il pas aujourd'hui ?

Pour être franc, pas vraiment ! Parce qu’il doit y avoir du changement. Le « Sleng Teng » a clairement changé la donne sur notre scène jamaïcaine, mais pas de manière dramatique ou négative. En ce moment, mon fils et moi nous bossons sur une formule pour apporter quelque chose de nouveau. Pour que la donne change, une fois de plus.

J'ai entendu dire que vous aviez passé pour la première fois le « Sleng Teng » un soir de compétition enflammée... ?

C'était dans une classdance, où nous passions du son avec mon ami Scorpio. Le premier « Sleng Teng » a tourné en boucle toute la nuit dans le dancehall. Je le gardais bien précieusement et il a ébloui tout les gens présents ce soir-là. Chez nous on appelle cela un « wicked riddim »...

Existe-t-il encore des amateurs et des producteurs de dub en Jamaïque ?

Oui, parce que c'est une branche importante de notre culture musicale. Certain gars sont monté dans le train en cours de route, donc cela existe toujours ! Et dans cette catégorie, mon fils John-John (le mari de Lady Saw) ne se débrouille pas mal non plus...

Pensez-vous que le DubStep est une évolution logique du dub ?

C'est ... similaire, je dirais. Enfin, pas exactement pareil. C'est un peu plus « hardcore » que mon dub originel mais c'est quand même très bon ! Aujourd’hui, les vibes sont différentes, plus jeunes. Il faut juste comprendre que la nouvelle génération désire des choses bien différentes par rapport aux gens de mon âge.

Avez-vous écouté quelques artistes des scènes dub européennes ?

Non, enfin, surtout des mix, pas vraiment des artistes en particulier. J'imagine que ça doit être bon, mais, vous savez, ce qui est original restera toujours étonnant et méritant à mes yeux. (rires) Bien sûr, l'Angleterre reste un endroit privilégié, où les artistes respectent l'héritage de Tubby et le mien. Mais c'est plus une démarche de contribution qu’une réelle création.

La culture du sound system disparaît peu à peu en Europe. Qu'en est-il en Jamaïque ?

Chez moi, les sound-system sont encore bien présents et vibrants ! Je peux vous le dire parce qu'en ce moment, je fais une refonte d’une grande partie de mes titres. Je prépare un retour au pays en janvier avec un gros son. Et je suis attendu, paraît-il...

Que pensez-vous des paroles violentes, voire obscènes, inhérentes au dancehall d'aujourd'hui ?

Je ne suis pas vraiment amateur de la violence verbale. On peut faire passer le message d'une autre manière. De toute façon, les paroles virulentes sont censurées par les radios jamaïcaines. Dans les clubs pour adultes, ça passe, mais si vous faites écouter ça à vos enfants, ce n’est pas bon du tout. Cela n'a aucun rapport avec, par exemple, la violence qui règne en Jamaïque. En fait, tout cela vient du calypso. Cette musique importée de Trinidad et de la Dominique, c'est de là que vient cette obscénité. A l'origine, elle était camouflée de sorte à ne pas être trop explicite. C'était bon pour les dancehall mais pas pour le marché international.

Vous avez joué à Paris pour le Télérama Dub Festival. Comment vous-êtes vous présenté sur scène ?

’étais seul avec ma table de mixage, mon ordinateur, mon disque-dur et un peu de matériel de mon label Jammy's records. Comme à chaque fois, j’ai fait en sorte de tout exploser !

Quels sont vos plans pour l'avenir ?

Mon futur est dans le dub-mix. C'est quelque chose que je ne connaissais pas, il y a là un tout nouveau marché donc je dois vraiment m’appliquer. C'est une période très importante de ma carrière. J'ai déjà tout fait, donc cette étape c'est le « Boom ». Je tourne actuellement, sur scène, en combinaison père-fils. C'est un gros truc, donc ça se doit d'être bon.

Pensez-vous que c'est lui, justement, votre fils, qui portera la couronne après vous ?

Et bien, oui, je pense. De toute façon, je ne la passerai à personne d'autre ! (rires)

 Source: Mondomix 



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