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En quoi ne sommes nous pas en démocratie ?

Publié le 08 décembre 2011 par Vindex @BloggActualite
En quoi ne sommes nous pas en démocratie ?-Abraham Lincoln disait simplement : "La Démocratie est le Gouvernement du Peuple, par le Peuple, pour le Peuple".

Cette définition très connue livrée par le 16° Président des Etats-Unis est reprise à l'article 2 dernier alinéa de la Constitution Française de 1958.D'un point de vue étymologique, le terme démocratie renvoie au pouvoir ou à la souveraineté du peuple en matière politique, (des termes de grec ancien Dêmos, peuple, et Kratos, pouvoir), c'est à dire dans la détermination des règles de droit dont le but est d'organiser et de structurer une communauté politique organisée et identifiée.En repartant des origines linguistiques et pratiques liées à ce terme qui de nos jour est si banalement et couramment usité, en quoi peut-on dire actuellement que nous ne connaissons pas un système politique véritablement démocratique ? L'objet de cet article n'est pas principalement (peut-être accessoirement y trouverez vous une pensée subversive cela dit) celui de la critique du système dans lequel nous nous situons actuellement (aucun régime, aucune idéologie, n'étant parfaite sitôt soit-elle confrontée à l'être humain qui est en soit le fondateur soit l'exécutant), mais surtout de rétablir ce que je crois être la vérité en matière d'organisation du pouvoir politique et des influences néfastes que celui-ci peut subir. Bon nombre de nos dirigeants actuels estiment que nous sommes actuellement dans un système politique démocratique, ce que je voudrais relativiser voire démentir en fonction de mes réflexions.Bien sûr, il est probable que vous pensiez que j'idéalise quelque peu mon propos, mais soyez certains que mon but est avant tout de mener une véritable réflexion sur le concept de démocratie, pour ensuite l'appliquer aux faits, aux évènements, aux constats de notre environnement politique. Repartons de l'idéal de Lincoln : le peuple politique (c'est à dire l'ensemble des citoyens, les personnes jugées aptes à divers points de vue à la participation politique) est le premier et le seul impliqué dans l'organisation de la société dans son ensemble. Le gouvernement par le PeupleUn pouvoir politique démocratique est exercé directement par le Peuple, puisque démocratie signifie le pouvoir politique exercé par le peuple. Il n'y a pas, ce me semble, d'alternative. Le système actuel n'est pas en son fondement démocratique, puisqu'il consiste pour le peuple à élire des représentants qui eux seront chargés de l'élaboration des Lois régissant la vie en société sous tous ses aspects. Dès lors qu'il existe une césure entre la Nation et les représentants dont elle se dote, de fait elle se coupe du pouvoir politique, chargeant d'autres personnes, les élites politiques si diverses et puissantes soient-elles, de le faire en leur nom par le biais d'un mandat politique. D'aucuns parleront de démocratie participative ou bien encore représentative, sorte de systèmes bâtards dans lesquels le citoyen y trouverait son compte. Ce sont des chimères, ne serait-ce qu'au point de vue de leur présentation sémantique relevant du plus grand flou artistique. Tandis que la démocratie participative est un pléonasme (puisque la démocratie exige la participation, sous-entendue du peuple) le plus souvent utilisé à tord puisqu'il ne s'agit bien souvent que d'un outil de consultation, la démocratie représentative est quant à elle une contradiction à elle toute seule. Pour la plupart de nos élites, nos sommes en démocratie représentative, mais cela n'est pas vrai. En effet, une démocratie exige la participation du citoyen à l'essence même du système dans lequel il se trouve. Avoir recours à un représentant constitue d'ores et déjà l'abandon de ce pouvoir au profit d'un autre dont on ne sait pas s'il partage les visions, idéologies, intérêts. A considérer que la démocratie puisse tolérer ce type de représentation, il est cependant nécessaire que le citoyen dispose de moyen de contrôle sur son représentant, car qui dit contrôle dit pouvoir originel, et qui dit représentation dit pouvoir dérivé. Force est cependant de constater que les outils essentiels permettant aux citoyens d'obtenir de leurs dirigeants des comptes sont inexistants : le mandat impératif est interdit (permettant à la majorité de déterminer elle-même les idées, les solutions, que le représentant dont elle se dote doit mettre en oeuvre), et la technique du recall inexistante en France (pouvoir des représentés de relever le représentant de ses fonctions en cours de mandat). Ainsi donc, la seule distinction entre dirigeants et dirigés, représentants et représentés (etc, ...) suffisent à établir dans ce contrat social non seulement l'éloignement du peuple dans la prise de décision (réservée aux seules élites, De "élit", ancien participe passé du verbe "élire", donc sans connotation péjorative aucune) mais le plus souvent, au grès du temps une fracture entre les élus et les représentés, lesquels ont tendance à ne plus se comprendre (les premiers ayant, comme l'estimait Montesquieu, irrémédiablement tendance à conforter leur pouvoir dans la durée, et ce à leur seul profit), et les crises actuelles de dettes souveraines nous illustrent parfaitement ce phénomène : les représentants ont contractés des dettes colossales sans jamais obtenir l'aval de la Nation sur le fondement même de ce système de financement des politiques publiques. Alors que la démocratie véritable unifie le citoyen et le collectif auquel il appartient par le biais du gouvernement direct de l'ensemble des uns dans l'ensemble qu'ils constituent, la démocratie envisagée dans le prisme intellectuel ayant majoritairement cours actuellement fait la distinction permanente entre ceux qui exercent le pouvoir politique (les élus) et ceux qui les nomme (le peuple), partition se faisant à la claire défaveur de ces-derniers au point de vue de la répartition équitable du pouvoir politique. Pour mieux qualifier le système, je préfère donc parler d'un système Aristocratique (encore que la définition de "meilleurs" prête ici à débat) de représentation populaire à tendance libérale. Mais pas du tout de démocratie, quelle qu'en fut la forme réelle ou supposée. Bien évidemment ce système a ses avantages et ses inconvénients.Le gouvernement pour le Peuple
Etant donné que théoriquement le peuple exerce lui-même (et lui seul !) le pouvoir politique, il va sans dire qu'il est en tant que tel animé par la satisfaction de son intérêt et de sa volonté propre, en tant que corps social déterminé et conscient. Le soucis de l'intérêt général est donc une composante nécessaire de tout système politique réellement démocratique. Il va sans dire qu'actuellement cet intérêt général est menacé, sans même développer (tout juste en évoquant) les problèmes actuels de lobbying et autres intérêts privés pourvus de pouvoirs importants. Nos gouvernants semblent actuellement bien plus sensibles à ces pouvoirs occultes et parallèles plutôt qu'à l'intérêt de la Nation dont ils ont la charge de la gouvernance. En effet, le libéralisme politique (et économique) dont l'essor a été considérable au XVIII° siècle, et dont les canons sont encore aujourd'hui prépondérants dans nos systèmes de pensée a favorisé le développement d'une attitude des plus néfastes à l'encontre de l'idée d'intérêt commun : l'individualisme (qui réside dans un affranchissement de certaines structures basée sur la communauté au profit d'un recentrage sur l'individu, privilégié vis-à-vis des valeurs du, groupe social auquel il appartient). Cet individualisme a considérablement modifié l'ensemble de nos modes de penser et d'envisager le monde, et la politique ne fait pas exception à la règle. En effet la participation du peuple au fonctionnement du système politique se solde par un croissant désintérêt des intérêts communs et propres au groupe au profit des intérêts personnels relatifs à la situation de chaque individu. La démocratie ne peut se passer de l'intérêt du groupe puisqu'elle ne vit réellement qu'au travers de ce-dernier. Les ersatz de démocratie que l'on tente de nous faire considérer comme la Démocratie, résultant d'une idéologie libérale et individualiste, sont toujours plus orientés vers une guerre d'intérêts contradictoires qu'il faut concilier, en tenant de moins en moins compte du collectif. En atteste les incessantes guerres partisanes et stériles qui constituent quotidiennement la scène médiatico-politique. La confusion entre individu et collectif participe d'ailleurs de cette évolution. Le collectif à même de développer l'idée de démocratie ne répond pas à une terminologie précise mais doit se doter d'une identité propre fondée sur des normes sociales précises et communes et non uniquement sur des normes purement juridiques et parfois fictives. Interviennent alors la tradition, la culture, le langage, la religion, qui forment un bouillon commun formant à terme une communauté politique, que l'on a coutume en Europe d'appeler Nation ou encore Patrie (se dotant d'un Etat, personnification morale de ces concepts, contre lequel le libéralisme reste opposé par principe) , et qui fonde la base de la démocratie (bien que celle-ci soit soit de loin antérieure) mais également des libertés fondamentales qui n'ont en elles-mêmes rien de contradictoire avec le collectif si elles sont des libertés d'exercice commun lié à la politique et non des libertés purement individuelles uniquement analysées dans le cadre de la personne. Les libertés politiques nécessaires à l'exercice de la démocratie sont devenues par l'idéologie libérale des libertés juridiques et économiques privilégiant l'intérêt personnel à l'intérêt du groupe, d'où une atteinte à la démocratie qui trouve son coeur même (le peuple, la Nation) touché. Ceci laisse la porte ouvertes à toutes sortes d'autres dérives plus concrètes empêchant le déroulement démocratique de l'action publique.Autres constats de l'anti-démocratieComme déjà évoqué plus haut, la seule véritable démocratie qui existe s'exerce donc directement au sein d'un groupe identifié et homogène.Ainsi, la mondialisation - et ce à plus d'un titre - est une autre menace contre l'exercice démocratique du pouvoir politique. En effet, la mondialisation provoque un élargissement croissant des sphères de relations humaines, or une démocratie, du fait qu'elle requiert l'exercice direct de la décision de chaque citoyen (après débats cela va sans dire), ne peut s'exercer raisonnablement que dans une petite sphère commune de coexistence entre les hommes qui la pratique. Ajoutons à cela que la mondialisation participe d'un effet englobant qui a pour conséquence d'augmenter considérablement les sphères d'influence, lesquelles disposent de leviers de pouvoirs importants mais déconnectés à la fois de la volonté des peuples et de leurs intérêts propres. Cet article nous en donne une illustration tout à la fois pertinente et récente. Un autre effet de la mondialisation, probablement le plus grave, réside dans la déconstruction lente et délibérée des structures à même de garantir libertés politiques et Démocratie. L'idée Nationale n'a jamais été autant décriée, et ses prérogatives jamais été autant foulées au pied. Ces structures qui ont pour but de tenter de garantir au peuple des prérogatives minimales sur son devenir sont remises en question par la mondialisation, et l'on évoque de plus en plus les mythes de la gouvernance mondiale dont l'Union Européenne est l'une des manifestations (bien que l'idée d'origine fut intéressante). Cette mondialisation déconstruit peu à peu les différences entre les hommes, les peuples, les cultures, garantissant par cette différence entre chacun les spécificités à même de restreindre les sphères sociales à la taille la plus appropriée à l'exercice de la démocratie (qui ne peut être réelle qu'à un échelon relativement succinct) imposant à chacun d'entre nous, chaque jour un peu plus, le système unique, mondial et abrutissant de consommation de masse sous couvert d'une apparente multitude. L'élaboration d'une culture mondiale est sans doute la manière la plus appropriée (et la plus sournoise) d'imposer facilement à toutes et à tous un système global mais certainement pas garant du respect du pouvoir dont ils sont titulaires en tant que composant d'un groupe (lequel est chaque jour déconstruit), et ce parfaitement à son insu. En sommes : "englober pour mieux régner". L'on pourra toujours estimer que cette analyse est fausse, que jamais l'humain n'a connu pareille jouissance de la vie et des plaisirs dont celle-ci est composée, que son choix est pris en compte. Mais les diverses origines de ces plaisirs éphémères (à supposer que tous puissent en bénéficier, et Dieu sait que loin s'en faut) ne se soucient que de l'entretien continu de l'illusion du pouvoir, mais non la garantie du pouvoir en lui-même, et Alexis de Tocqueville dans "De la Démocratie en Amérique" l'avait d'une manière aussi visionnaire qu'inquiétante déjà explicité :
"Je vois une foule innombrable d’hommes, semblables et égaux, qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs dont ils emplissent leur âme. Chacun d’eux, retiré à l’écart et comme étranger à la destinée de tous les autres ; ses enfants et ses amis particuliers forment pour lui toute l’espèce humaine ; quant au demeurant de ses concitoyens, il est à côté d’eux, mais il ne les voit pas : il les touche et ne les sent point ; il n’existe qu’en lui-même et pour lui seul et, s’il lui reste encore une famille, on peut dire du moins qu’il n’a plus de patrie. Au-dessus de ceux-là s’élève un pouvoir immense et tutélaire qui se charge seul d’assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. Il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. Il ressemblerait à la puissance paternelle si, comme elle, il avait pour objet de préparer les hommes à l’âge viril ; mais il ne cherche au contraire qu’à les fixer irrévocablement dans l’enfance ; il aime que les citoyens se réjouissent pourvu qu’ils ne songent qu’à se réjouir ; il travaille volontiers à leur bonheur, mais il veut en être l’unique agent et le seul arbitre ; il pourvoit à leur sécurité, prévoit et assure leurs besoins, facilite leurs plaisirs, conduit leurs principales affaires, (...) ; que ne peut-il leur ôter entièrement le trouble de penser et la peine de vivre".

Quelle synthèse plus brillante à la situation actuelle que nous connaissons ? Pour conclureJe pense avoir bien résumé ma façon de voir les choses et avoir assez clairement expliqué le fond de ma pensée sur le sujet de la démocratie. Il me revient cependant de conclure sur une note encore moins optimiste : non seulement il me semble que le monde que nous connaissons ne va pas dans le sens d'une plus grande démocratie, mais de plus il apparaît que le système politique démocratique tel que je l'ai défini (à l'encontre des systèmes actuels qui n'en sont qu'une pâle et inefficace copie) reste utopique, les conditions nécessaires à son existence étant nombreuses et complexes (petites communautés homogènes d'individus fondée sur une identité propre, une autorité morale importante et une conscience de groupe basée sur une solidarité mécanique). Il est donc probablement plus raisonnable de renoncer à des prétentions de démocrate dogmatique, lesquelles voguent probablement en d'autres temps et d'autres lieux, pour se poser la question de la forme du pouvoir actuel, mais surtout des véritables sources d'icelui, pour illégitimes qu'elles soient, afin de mieux les dénoncer, et peut-être même de mieux les démolir. Rémi Decombe.

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