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Paul Demers : "La scène, c'est là que tout prend son sens"

Par Titus @TitusFR

"Encore une fois". C'est le titre du troisième album du chanteur canadien Paul Demers, artiste emblématique de l'Ontario français depuis déjà trois décennies. Avec cet opus résolument optimiste, l’auteur compositeur ontarien, dont la carrière a plusieurs fois été interrompue du fait de la maladie de Hodgkin, effectue un retour très remarqué sur le devant de la scène. Avec ce disque de retrouvailles, Paul Demers signe sans doute son projet le plus abouti, celui où il reconnaît s’être le plus donné, parvenant enfin, la cinquantaine passée, à « s’assumer » musicalement.

___________________________________________________________________________________________________________________ Titus - Notre première rencontre, c'était dans le nord de l'Ontario, il y a près de vingt ans. Je te propose qu'on balaye ensemble tes trente années de carrière, mais avant ça, j'aimerais qu'on remonte un peu plus loin et que tu nous parles de ton enfance. On te connaît aujourd'hui comme l'un des principaux chanteurs franco-ontariens, un chanteur symbolique pour l'Ontario français. Et pourtant, ce que certaines personnes ne savent peut-être pas, tu es originaire du Québec.

Oui, de Gatineau qui, à vrai dire, se trouve de l'autre côté de la rivière d'Ottawa, qui est en Ontario. C'est une région où il y a beaucoup de ponts, toutes sortes de ponts, des vrais et des virtuels... La région d'Ottawa-Gatineau compte beaucoup de familles des deux côtés de la rivière; c'est un peu des frères, des cousins... C'est mon père, qui travaillait pour un conseil scolaire à Ottawa, qui a décidé, dans les années 1970, de déménager la petite famille à Ottawa, et j'ai terminé mes études secondaires à l'école Champlain, dans l'ouest de la ville, qui était déjà une école dite bilingue à l'époque... C'est à dire que c'était une école anglophone : il n'y avait pas d'école francophone à l'ouest de la ville d'Ottawa. Les francophones ont fini par obtenir une école, mais il a fallu à l'époque que les francophones cohabitent avec les anglophones au sein du même établissement. Et moi, je suis arrivé en plein là-dedans, venant du Québec, de l'Outaouais, en pleine effervescence nationaliste québécoise. En pleine montée du parti nationaliste québécois. Disons que la crise identitaire qu'on vit tous à l'adolescence a été marquante pour moi car je l'ai vécue dans un milieu minoritaire, côtoyant beaucoup la langue anglaise. C'était un choc au début, mais aussi un tournant parce que les arts m'ont sauvé à l'école. Je me suis beaucoup impliqué dans les spectacles. Et c'est comme ça que j'ai commencé à jouer en public.

Titus - Est-ce qu'on jouait beaucoup de musique chez les Demers ?

Mon père était le plus vieux des gars. Ses frères étant beaucoup plus jeunes que lui, ils n'étaient pas tellement plus âgés que moi en fin de compte, cinq ou dix ans parfois. Quand j'étais jeune, eux étaient dans l'adolescence à écouter les Beatles ou Elvis, et ils jouaient d'un instrument. Un de mes oncles faisait même partie d'un orchestre, donc j'étais très au fait de ce qui se passait en musique via mes oncles. En plus, ils habitaient l'appartement de mon grand-père, au-dessus de chez nous, si bien que je les côtoyais de façon quotidienne. Et j'ai pu ainsi, grâce à eux, être au fait de ce qu'il se passait dans le monde du cinéma ou de la musique. Ils m'ont fait découvrir Charlebois, les Beatles, Elvis, Félix Leclerc et tout. J'ai baigné là-dedans : mon oncle Yvon jouait de la guitare, mon oncle Michel jouait de la batterie, mon oncle Maurice jouait de la basse, et mon père chantait aussi...

Titus - Comme toute famille canadienne-française qui se respecte, en somme...

C'est ça. Dans notre génération, le chant, durant les fêtes notamment, était quelque chose de tout à fait naturel, comme en France d'ailleurs... C'est de votre faute, tout ça ! Le côté latin... On chantait ce qu'on appelle des chansons à répondre, des chansons du terroir, des chansons parfois grivoises. Tout le monde faisait sa petite nouvelle chanson dans le temps des fêtes. Donc, j'ai grandi là-dedans, sans gêne, où je voyais les oncles chanter en toute liberté, en famille, et tout le monde qui répondait en choeur. J'étais donc déjà initié à la chanson a cappella dans les fêtes de famille et, plus tard, les jeunes frères de mon père ont commencé à avoir des instruments, des guitares, et la jeunesse a pris le contrôle de la famille au niveau des choix musicaux. Les oncles vieillissaient, le grand-père vieillissait et les jeunes prenaient de plus en plus de place. J'ai donc grandi dans une ambiance musicale, branchée à la fois sur les Etats-Unis puisque nous étions en Amérique du Nord, mais aussi sur ce qui émanait d'Europe. Et puis c'était l'époque de la montée de notre propre chanson québécoise au Canada.

Titus - Quel fut ton premier instrument ?

Ma première guitare, je l'ai eue à onze ans. J'étais donc à l'école secondaire et ça faisait déjà quelques années que je grattais. Mon premier public, ce fut la famille naturellement, puis ce fut peu après les camarades d'école. Le premier spectacle officiel que j'ai fait, je m'en souviens très bien, c'était pour le jour du Souvenir, le 11 novembre. Il s'agissait d'une cérémonie-spectacle. On fait beaucoup ça dans nos écoles, même encore aujourd'hui. J'y avais chanté "Cétait mon copain", de Gilbert Bécaud, une chanson écrite pour un ami parti à la guerre. J'avais aussi chanté "Si on s'y mettait", de Jean-Pierre Ferland, une chanson pour la paix. C'était dans l'esprit de l'époque... Après avoir brisé la glace, j'ai osé faire une des miennes, une chanson qui né mérite sans doute pas qu'on en parle, mais c'était une chanson d'ado, un peu bluesy. J'étais parvenu à entraîner l'audience et ça avait eu pas mal de succès. Suite à ça, je me suis impliqué dans les activités culturelles au sein de l'école, pour me sentir près des miens, les francophones; car ceux qui étaient impliqués dans le culturel étaient naturellement des ex-Québécois ou des gens intéressés par la culture, le théâtre, la musique... De là, on est allés se produire dans un festival de théâtre provincial à Elliot-Lake, dans le nord de l'Ontario. C'était d'ailleurs le tout premier en Ontario français, organisé par Théâtre Action. A l'époque, il s'agissait d'un festival itinérant. Le théâtre étudiant, communautaire ou professionnel s'y était donné rendez-vous. Pendant une semaine, on voyait plein de spectacles et on participait à divers ateliers. A l'époque, le théâtre et la musique se chevauchaient beaucoup en Ontario français.

Titus - On pense bien sûr à CANO, la coopérative des artistes du Nouvel Ontario, qui était une communauté d'artistes aux disciplines très diverses...

André Paiement, qui a fondé CANO, était tout d'abord impliqué dans le théâtre, et son théâtre était musical. CANO était multi-disciplinaire. On y trouvait vraiment de tout : des photographes, des dramaturges, des musiciens. Et on montait des créations collectives : c'était la mode dans les années 1970. André Paiement a été amené à côtoyer Robert Paquette, qui avait déjà monté des pièces de théâtre étudiant et fait de la musique à l'université. Et j'ai rencontré tous ces gens à ce festival. Et ça a changé ma vie. J'ai rencontré un peuple, le peuple franco-ontarien, en particulier celui du nord de l'Ontario, qui m'impressionnait. Il faut rappeler le contexte de crise identitaire que je traversais à l'époque. Etais-je Québécois, Canadien-Français ou Franco-Ontarien ? J'ai vécu, lors de ce festival, comme une rencontre avec un peuple, dans le fond. Et je me suis tout de suite identifié à eux-autres parce que mon père était plutôt fédéraliste, tout en étant nationaliste. Il n'a jamais été partisan de l'autonomie ou de la séparation du Québec. Il y avait un réconfort dans le nationalisme franco-ontarien parcequ'il ne mettait pas en cause la séparation territoriale. Mais je l'ai toujours vu comme l'extension de la grande nation canadienne-française. Parce que jusqu'à l'émergence du nationalisme québécois, le peuple canadien-français n'était pas confiné à un territoire. Il y avait les gens du Manitoba, ceux de l'Ontario, ceux de l'Acadie. Ces derniers étant un peu particuliers parce qu'ils sont acadiens, c'est à dire d'une autre cuvée. On pourrait dire la première cuvée... Ils ont leur propre identité, leur accent... Mais je dirais que l'extension à l'ouest, c'était nous. C'était beaucoup les Canadiens-Français qui avaient développé le nord de l'Ontario...

Titus - Dans cette mouvance culturelle à laquelle tu as participé, qu'est-ce qui a fait qu'un jour tu décides de choisir le métier de chanteur ?

Je n'étais sûr de rien à vrai dire. Je savais que j'allais faire quelque chose d'artistique. Au départ, c'est le dessin qui m'intéressait. L'expression la plus immédiate que j'ai eue, c'était le dessin et la peinture. Je ne maîtrisais pas encore d'instrument à l'époque. Quand j'ai reçu ma première guitare à l'âge de onze ans, j'ai tout de suite voulu en faire quelque chose. Au départ, je ne trouvais pas du tout évident d'écrire une chanson donc je chantais celles des autres, comme les Beatles. Je n'avais pas encore de maîtrise musicale. Mais très vite cela ne me suffisait plus d'interpréter les autres et il m'apparaissait évident qu'il fallait écrire mes propres textes. Je me voyais déjà en studio à faire des albums, sans savoir naturellement que j'allais faire ça professionnellement. Cette vie-là m'attirait : j'avais vu des documentaires sur les Beatles en studio, et cela me plaisait. Le studio est encore aujourd'hui la forme de création que j'aime le plus. Cela me fait penser à une toile blanche sur laquelle on applique des couleurs jusqu'à ce qu'elle devienne une oeuvre. C'est un peu comme ça que j'ai conçu mon dernier album. On a commencé par des croquis, puis on y a ajouté des couleurs, avant de faire table rase et de choisir une autre direction. C'était la créativité sans limites. Le travail en studio est ce que j'aime le plus dans le côté artistique de la chanson, avec la scène, naturellement, car c'est là que tout prend son sens ! C'est un temps de communion avec ceux qui aiment ou qui s'intéressent à ce qu'on fait. C'est là qu'on tire notre nourriture, aussi, par les applaudissements et les encouragements...

Titus - Et pour t'avoir vu chanter plus d'une fois, je sais combien tu es une bête de scène...

Je m'y sens très à l'aise. Comme je te le disais, il n'y avait pas de gêne lorsqu'on chantait autrefois au sein de ma famille. Chacun prenait le plancher et chantait sa chanson. C'est sûr que la première fois que je me suis présenté sur une scène à l'école, les pieds me tremblaient sur les barreaux du tabouret tellement j'étais nerveux, mais je me suis rapidement senti assez à l'aise sur scène, à côtoyer ces gens-là, cet univers-là. Et le public me l’a bien rendu aussi. On n’en est pas conscient qu’on est une bête de scène…

Titus – Est-ce que la période au sein du groupe Purlaine a constitué le principal élément déclencheur dans le lancement de ta carrière professionnelle ? Les quelques années passées à Hearst, dans le nord ontarien, semblent avoir beaucoup compté dans ton parcours…

Ça a été un tournant, sûrement. Jusque là, j’étais un chansonnier seul à la guitare et je me suis retrouvé dans un groupe. C’était la première fois que toute la mécanique du métier était en place : partir en tournée, trouver des engagements, louer du son,  passer plusieurs jours sur la route avec un camion, de l’équipement, de l’éclairage… Aller jouer dans tes petits bleds que tu as connus dans le nord de l’Ontario, comme Ignace… Tout cela dans une ambiance de franche camaraderie. C’était une école : une école de la route et une école de la scène ! Et j’ai joué dans toutes sortes de circonstances : des bars, des festivals, des petites salles devant dix personnes mais aussi d’autres scènes plus importantes devant 3.000 personnes. C’est comme ça qu’on apprend… On tire le mieux de ce qu’on a pu vivre…

Titus – Qui faisait partie de Purlaine à l’époque ?

A vrai dire, ce devait être au départ simplement des musiciens qui venaient m’accompagner. Parce que j’avais déjà une carrière en solo. Si je me souviens bien, tout cela est parti du troisième festival Théâtre Action qui,  cette fois-là, s’était déroulé dans le petit village de Sturgeon Falls, entre North Bay et Sudbury, dans le nord ontarien. Alain Grouette, de Hearst, en était l’organisateur. Il était auteur compositeur, lui aussi, et on avait fait connaissance à cette occasion. La performance que j’avais donnée cette fois-là,  l’avait suffisamment emballé pour qu’il décide de prendre contact avec moi quelques semaines plus tard. Il m’a appelé chez moi à Ottawa pour me proposer que lui et son collègue Yves Proulx, qui joue de la basse et de la mandoline, m’accompagnent. Il m’a proposé d’aller les rejoindre à Hearst, dans une immense maison où il y avait de la place en masse pour monter un groupe, faire des répétitions et créer un spectacle. J’ai toujours été un gars de gang, comme on dit chez nous, un gars d’équipe qui aime être entouré, et j’ai opté à l’époque pour la création d’un vrai groupe. Contrairement à l’idée de départ, je ne voulais pas que ce soit « Paul Demers et ses musiciens ». C’est un peu plus tard, à Ottawa, que le nom m’est venu. J’ai pensé à Purlaine, par rapport à l’expression « Canadien-Français ou Franco-Ontarien pure laine ». Le groupe s’est donc appelé ainsi. Et un peu comme les Beatles, on a changé l’orthographe par souci d’originalité et Purlaine s’est écrit en un seul mot.

Titus – Combien de temps a vécu le groupe ?

Environ deux ou trois ans… Assez pour connaître le chemin des studios. C’est la première fois en effet que j’enregistrais en studio. On n’avait pas d’argent à l’époque pour enregistrer des albums, donc on sortait des 45 tours qu’on vendait très bien dans le cadre de nos tournées. C’était la grande époque du vinyle.

Titus – Quelques-unes des chansons de Purlaine sont aujourd’hui devenues des classiques du répertoire franco-ontarien…

Il y a eu notamment la chanson « Un jour j’irai dans le nord », qui a ouvert beaucoup de portes et qui a été jouée sur les radios d’un océan à l’autre. C’était ma déclaration d’amour aux gens du nord, que j’avais découverts lors du premier festival Théâtre Action. Je l’avais écrite entre cette époque-là et l’époque de Purlaine. J’ai tellement chanté le nord que beaucoup de gens croyaient que j’en étais originaire. Ce 45 tours a fait son chemin en tout cas et nous a amenés à nous produire d’un bout à l’autre du Canada, de la Nouvelle-Ecosse à la Saskatchewan.

Titus – Qu’est-ce qui a mis un terme à l’expérience Purlaine ?

Les membres d’origine commençaient à quitter le navire l’un après l’autre. A la fin, il ne restait plus que moi et Alain Grouette. Pour moi, ça n’était donc plus la même aventure. Alain a fini par s’en aller de son côté et a sorti un album. Et en ce qui me concerne, c’est une période de ma vie où il s’est passé des choses importantes. J’ai perdu ma mère et la maladie de Hodgkin, une forme de cancer du système lymphatique, est apparue. C’était assez pour changer mes priorités et prendre un peu de recul. Je suis quand même revenu quelques années plus tard, après avoir combattu la maladie une première fois dans les années 1980. J’ai effectué mon retour en sortant, en 1984-85, un 45 tours, « Mademoiselle », qui est devenu le deuxième grand succès de ma carrière. Cette chanson a confirmé mon statut et m’a ouvert de nouvelles portes car ça n’était plus Purlaine mais Paul Demers l’auteur compositeur. Cette chanson-là m’a beaucoup fait voyager. C’est à cette époque que j’ai ainsi été amené à me produire en France ou en Louisiane, dans le cadre de festivals internationaux.

« Quand tu blues », extrait du premier album éponyme de Paul Demers (1990), en duo avec la vedette québécoise Laurence Jalbert

Titus – J’aimerais que l’on s’arrête un instant sur cette étape en France… Comment cela a-t-il pris forme ?

Cela a pu se réaliser grâce à des amis français que je salue, Jean-Louis Pasquier et son épouse Christine, qui avaient fondé l’association France-Ontario, qui organisait des échanges touristiques entre l’Ontario et la France. Tout est parti d’un coup de foudre. Ils étaient venus en Ontario en premier et avaient fait le tour de la communauté francophone, qui est disséminée sur un espace extrêmement vaste. Lors de ce voyage, ils étaient tombés en amour avec les Franco-Ontariens et l’Ontario. Ils avaient fait le tour des centres culturels au sein des petites communautés francophones et avaient décidé de recevoir à leur tour  les Franco-Ontariens chez eux, aussi bien qu’ils avaient été reçus par nos municipalités. Et ils ont fait la même chose pour moi là-bas. On est allés en Bretagne, en Normandie et dans le sud. J’ai eu aussi l’occasion de faire l’émission « Pollen », de Jean-Louis Foulquier, parce que Jean-Louis Pasquier travaillait à la Maison de la radio. J’y ai même donné un concert. Foulquier, sur le coup, tout de suite après ma performance et en direct à la radio, m’a invité aux Francofolies de La Rochelle.

Titus - Ça n’est pas rien, tout de même…

Non, c’est sûr. Mais j’étais loin de me rendre compte à l’époque que Foulquier était le personnage qu’il était. On le connaissait un peu moins chez nous… C’était vraiment immense et je ne m’en rendais pas compte. Jean-Louis Pasquier sautait de joie dans les coulisses quand il a entendu ça… Les deux plus beaux festivals où j’ai joué, c’était La Rochelle, et le festival international de la Louisiane, à Lafayette. Ce sont deux festivals extraordinaires. L’artiste y est toujours bien reçu, peu importe son statut, qu’il soit une vedette, une nouvelle tête d’affiche ou un parfait inconnu. On s’y sent considéré en tant qu’artiste. J’avais beaucoup aimé les Francofolies, où Foulquier m’a reçu comme un frère. Il était vraiment très chaleureux. Quand il était dans un café, que ça soit à Montréal, par la suite, ou là-bas, et qu’il était entouré des plus grandes vedettes, il m’invitait à sa table. Je faisais partie de la gang. Il m’a ouvert une grande porte !

Partie de pétanque avec, entre autres, Romain Didier, lors de la tournée de Paul Demers en France.

Titus – Tu faisais allusion à l’instant à ton concert de Lafayette, en Louisiane. Je ne pouvais pas m’empêcher de penser à ta chanson « Zydaco pour Magali » qui racontait cette expérience…

C’est en effet au retour de Lafayette que j’ai écrit le « Zydaco pour Magali ». Magali, ma fille aînée, venait de naître à l’époque. Elle a eu 22 ans en août. Cette chanson est un clin d’œil aux belles femmes de Louisiane, une chanson humoristique à partir de mon impression de la Louisiane. Le zydaco est la forme de musique cajun. C’est un métissage de la musique acadienne, américaine et créole. Le blues, le country, le bluegrass. C’est un mélange de tout ça, un cocktail que vous avez connu en France par le biais de Zachary Richard. C’est lui qu’on connaît le plus, mais des Zachary Richard, il y en a des dizaines et des dizaines là-bas car la Louisiane est vraiment un pays de musiciens. Il suffit de penser à la Nouvelle-Orléans. Le jazz y est né. Et les Acadiens avaient leurs accordéons, leurs violons ; les Noirs, qui étaient créoles, parlaient français, et ces deux communautés se côtoyaient et ça a donné ce métissage de musiques qui s’appelle le zydaco. Le zydaco vient d’une déformation du mot « les haricots ». C’est Clifton Chesnier, le père du zydaco, qui avait une chanson qui s’appelait « les haricots sont pas salés ». Ce qui, pour nous, pourrait se traduire par « il n’y a pas de beurre sur notre pain ». C’est l’expression de la pauvreté. Quand il chantait cette chanson, les anglophones comprenaient mal et lui disaient : « Hey Clifton, play me that zydaco song ». Et la déformation du mot « des haricots » a donné « zydaco » et c’est devenu la musique des Cajuns.

Titus – Une belle histoire…

En revenant de Lafayette, j’étais très emballé par la chaleur des Acadiens et les belles femmes de Louisiane. On y avait été très bien reçus par tout le monde. Même s’ils ont perdu des plumes pendant une ou deux générations au niveau de la francophonie, on a pu voir à quel point ils étaient fiers de leurs racines. Ils sont parfois un peu complexés de parler français mais ils ne devraient pas car leur langue nous rappelle le français de l’Acadie, le vieux français. Je suis vraiment tombé en amour avec ces gens-là. Avant d’aller en Louisiane, j’avais déjà beaucoup d’affection pour Zachary Richard et je m’intéressais beaucoup à cette musique-là qui était tout à fait originale.

Titus – Tu as rencontré Zachary Richard ?

Au festival de Lafayette, il y avait des bénévoles qui s’occupaient de nous,  et ils m’ont offert d’aller voir la maison paternelle de Zachary. Son père était en train d’arroser les fleurs alors j’ai commencé à jaser avec lui. Dans la même semaine, j’ai vu Zachary aussi, et ses musiciens. D’ailleurs, il était prévu que ses musiciens jouent sur ma chanson « Zydaco pour Magali » parce que je voulais avoir le son le plus vrai possible. Mais c’est à cette époque que je suis retombé malade. Si bien que ce plan-là a dû être abandonné. J’ai dû me battre une seconde fois avec la maladie. Ça a retardé beaucoup de choses, dont mon premier album. Cet album est sorti juste après cette période-là, quand j’ai vu que ma chanson « Mademoiselle » avait pas mal de succès. J’avais par ailleurs accumulé un certain nombre de chansons que je jouais en spectacle…

Titus – Ce premier album est devenu un classique. On y retrouve notamment la fameuse chanson « Notre place », qui est aujourd’hui un hymne pour les Franco-Ontariens… C’est une chanson qui résume assez bien le militant que tu as toujours été…

Comme je l’expliquais tout à l’heure, j’étais parti de l’Outaouais québécois et j’avais débarqué, dans un contexte anglo-majoritaire, au sein d’un petit groupe de Gaulois résistants. Je trouvais qu’il y avait une injustice que ce petit peuple soit ainsi méconnu, voire ignoré par le reste de la francophonie. Au départ, la chanson était une commande. Je venais de subir une greffe de la moelle osseuse pour donner le coup fatal à la maladie. Je n’avais plus de cheveux sur la tête ; j’étais très amaigri après six semaines d’isolement à l’hôpital. Ça a vraiment été un enfer. « Notre place » a été écrite pendant cette période de convalescence. François Dubé, un musicien de la région, était directeur artistique d’un grand gala organisé à Toronto pour célébrer le premier anniversaire de l’entrée en vigueur de la loi 8, la loi proclamée par le gouvernement libéral qui reconnaissait, historiquement et factuellement, l’apport des francophones à la création et au dynamisme de l’Ontario. Cette loi historique leur octroyait le droit à des services en français. Pour ce premier anniversaire, il était prévu de regrouper toute l’intelligentsia franco-ontarienne, tant politique qu’artistique. François Dubé m’a donc appelé cet été-là, quelques mois avant le gala, pour me proposer d’écrire une chanson pour l’occasion. On lui avait demandé d’écrire un thème, et François a pensé à moi comme parolier. J’ai accepté ce nouveau défi ; pour moi, c’était une motivation supplémentaire durant ma convalescence. Médicalement, j’étais vraiment à terre, complètement dépourvu d’énergie. Mon corps avait subi un traumatisme sévère. J’ai donc écrit la chanson avec François, qui m’a aidé avec la musique, et je me suis beaucoup inspiré de la poésie franco-ontarienne pour écrire ce texte, de poètes comme Jean-Marc Dalpé ou Patrice Desbiens, qui parlaient beaucoup du peuple franco-ontarien et du terroir. Pour moi, la loi 8 avait permis de reconnaître la place des Franco-Ontariens dans cette province et c’est pour ça que j’ai utilisé cette expression. La première phrase de la chanson se rapportait à un texte de Jean-Marc Dalpé, qui disait : « Notre langue, on l’avait dans nos poches et nos poches avaient des trous ». Dans les milieux minoritaires, souvent les francophones perdent des plumes d’une génération à l’autre, et en promulguant cette loi 8, cela voulait dire que l’on pouvait « sortir notre langue de nos poches » et l’affirmer d’une façon officielle.  Dans la chanson, j’ai fait des clins d’œil à un certain nombre de petits villages des quatre coins de la province où il y avait des francophones, ce qui a peut-être touché une corde sensible. Depuis ce temps-là, cette chanson voyage. Tous les élèves des écoles francophones de l’Ontario connaissent cette chanson comme on connaît la Marseillaise en France.

 La chanson de Paul Demers, "Notre place", interprétée par Paul Demers, Robert Paquette, Chuck Labelle, Serge Monette et Michel Bénac du groupe Swing, pour clore le Téléthon organisé le 26 février 2011 à l'occasion du 25e anniversaire de la Fondation franco-ontarienne.

Titus – Pour les Français qui nous liront, justement, à combien évalue-t-on aujourd’hui le nombre de Franco-Ontariens par rapport à la population globale de l’Ontario ?

On parle d’un demi-million de francophones pour environ six millions d’habitants. Les francophones sont particulièrement établis dans l’est ontarien et le nord. Historiquement, cependant, les francophones sont établis jusqu’à la région de Detroit et Windsor. C’était le territoire de la Nouvelle-France. On parle ici de 400 ans d’histoire francophone en Ontario. Même chose dans la région de Penetanguishene, la Huronie, où ont eu lieu les premiers rapports entre les missionnaires français et les Hurons, les Amérindiens de l’époque. L’industrialisation et l’église, en encourageant l’établissement de paroisses catholiques à travers la province, ont aussi beaucoup contribué au développement de la francophonie. On vantait, aux ouvriers sans emploi, l’existence de belles terres en Ontario et c’est comme ça que les Canadiens-Français se sont éparpillés un peu partout au Canada. Depuis les années 1960-70, avec la pression du nationalisme québécois, les francophones du pays ont ressenti le besoin de se positionner par rapport à ça, et leurs revendications se sont précisées au fil du temps, réclamant le droit à leurs propres institutions : les écoles, les universités, les médias (radio et télé). Le mouvement des radios communautaires a ainsi germé. Des stations se sont ouvertes dans de petites communautés à travers la province. C’était l’époque du premier ministre fédéral Pierre Trudeau qui, par réaction au nationalisme québécois, proposait que les francophones prennent leur place dans leurs provinces respectives. Son idée était de convaincre ce que nous appelons les « deux solitudes », le Canada anglais et le Canada français, qu’il y avait de la place pour tous et qu’il fallait juste la prendre, sa place. Tout cela entrait naturellement en contradiction avec le nationalisme québécois qui disait que le jeu n’en valait pas la peine. Personnellement, j’ai pris position pour mes frères francophones qui se battaient partout au pays. J’estimais que cette cause valait la peine d’être chantée.

Titus – Après 30 ans, est-ce que tu dirais aujourd’hui que la situation des francophones s’est améliorée, ou pas ?

La francophonie ontarienne dans son ensemble a beaucoup changé, en particulier dans les centres urbains, où elle va survivre grâce à l’immigration africaine, haïtienne, européenne, ou québécoise. D’une part, parce qu’on fait moins d’enfants, naturellement, et aussi parce que ceux-ci quittent les petites villes pour les grandes. Cependant, le réseau d’institutions est important et témoigne des luttes qui ont été gagnées par les Franco-Ontariens. C’est un peu avec regret qu’on regarde aujourd’hui la jeunesse qui n’a pas connu les luttes, les combats, et qui considère que le français n’est finalement qu’un avantage pour trouver du travail. C’est un peu désolant de voir ça au sein d’une certaine génération. Mais il y a toujours une minorité au sein de la minorité, qui demeure très revendicatrice, qui est fière de ce qui a été accompli et qui porte le flambeau bien haut.

Titus – Un certain nombre d’années se sont écoulées avant la sortie de ton deuxième album « D’hier à toujours », sorti en 1999.

Je ne suis pas le plus prolifique des auteurs compositeurs puisque je n’ai enregistré que trois disques en 30 ans. La maladie n’a pas facilité les choses, naturellement. J’ai connu quelques embuches qui ont réduit mes ardeurs... Il y avait des priorités qui étaient plus importantes. Mais le besoin de créer a toujours été là… Le besoin de faire de la scène a toujours été là. Mais l’enregistrement d’un album est toujours une aventure un peu ardue, financièrement notamment. C’est aussi un projet qui doit mûrir et qui demande plusieurs années. Un album, c’est un engagement de trois ou quatre années au minimum. Ça demande beaucoup d’énergie pour quelqu’un, comme moi, qui n’est pas à 100 %.

"Les années simples", chanson extraite du deuxième album de paul Demers, "D'hier à toujours" (1990) :

Titus – Dans quel contexte a-t-il vu le jour ?

J’étais rendu à Montréal après une séparation et c’est donc là que l’album a été conçu. J’en suis très fier. J’y ai mis beaucoup de cœur, beaucoup de sous, beaucoup de conviction. Je l’ai fait avec d’excellents musiciens montréalais. Pierre Côté, le guitariste qui m’accompagnait à l’époque, avait co-réalisé l’album avec Daniel Hubert. Tous deux ont longtemps accompagné Jim Corcoran. Pierre habitait du côté de Sherbrooke, la pépinière du country québécois. Daniel Hubert était l’époux de Julie Snyder, que vous connaissez bien en France, car elle y a animé une émission de télé. Le début de l’album, on l’avait enregistré dans la cave de leur maison, puis un peu chez Pierre et un peu chez moi. Ensuite, on a continué au studio Piccolo, l’un des meilleurs à Montréal. Au niveau sonore, je suis très fier de cet album. Je suis fier du premier aussi, mais celui-là avait été enregistré dans les années 1980, une époque où on avait beaucoup recours aux synthés. Si j’avais à le réenregistrer, je le ferais différemment, avec une instrumentation qui vieillit mieux. En spectacle, je les ai profondément remaniées. C’est beaucoup plus rock, plus… organique.

"L’orage passera", autre single de l'album "D'hier à toujours" :

Titus – Il y a eu trois albums en tout, mais entre la sortie de chacun d’eux, Paul Demers n’a jamais réellement arrêté. Je me rappelle notamment, au milieu des années 1990, de t’avoir vu jouer aux côtés de deux autres musiciens illustres de l’Ontario,  Marcel Aymar et Robert Paquette, avec lesquels vous aviez créé le trio PAD (Paquette-Aymar-Demers).

J’avais toujours admiré Robert et Marcel pour ce qu’ils faisaient ; ils avaient quand même été des mentors pour moi… J’étais arrivé quelques années après eux. Robert était un peu notre Félix Leclerc à nous ; il a ouvert le chemin à tous. Il a été le premier à percer à Montréal et ailleurs, où il a fait connaître l’Ontario français. Et Marcel avait creusé son sillon avec le groupe CANO, au côté d’André Paiement. On se côtoyait assez souvent sur scène ; on chantait même ensemble dans certains spectacles, et j’avais le goût d’offrir ça aux diffuseurs. J’en ai parlé à Robert en premier et lui a appelé Marcel. Et l’idée était de lancer ce qu’on appelle un « ghost band », un peu à l’image de ce que faisaient Tom Petty et Bob Dylan avec les Travelling Wilburys. Se réunir autour d’un projet pour le plaisir de travailler ensemble et de voir ce que ça pouvait donner…

Titus – Je garde un très grand souvenir du concert que j’ai vu. C’était un peu magique de vous voir tous les trois sur une même scène…

C’était très vocal, avec un accompagnement essentiellement acoustique. Trois voix avec des harmonies toujours intéressantes. Un peu à l’image de Crosby, Stills, Nash & Young. On a toujours autant de plaisir à chanter ensemble ; d’ailleurs, c’est ce que nous venons encore de faire à l’occasion des 20 ans de l’APCM (Association des professionnels de la chanson et de la musique en Ontario français), où nous avons ouvert le bal !

Titus - C’était  une époque fabuleuse, qui n’a pourtant pas donné lieu à un album…

Ça a surtout été une aventure de scène. On avait commencé à faire un album… Mais même si nous sommes  trois bons amis, ça n’enlève rien au fait que nous sommes trois grosses têtes. Nous avons l’habitude de travailler chacun de notre côté et à mener nos propres carrières. Ça a ses avantages et ses inconvénients. A la même époque, je commençais aussi à avoir de plus en plus de chansons et j’avais le goût de faire un deuxième album. On s’est consacré à nos propres projets. Marcel a lui aussi préparé son propre album solo.

Titus – Parlons maintenant si tu veux bien du troisième album, « Encore une fois », qui est sorti cet automne, et qui est un accomplissement incroyable. J’ai l’impression que tu y as mis beaucoup de ta personne, non ?

C’est celui qui est le plus près de mon cœur. C’est celui qui est le plus près du musicien que je suis. Parce que les deux premiers albums, je les avais quand même confiés à d’autres. Je me faisais moins confiance au niveau musical. Je me suis toujours davantage considéré comme un créateur de chansons plutôt qu’un musicien accompli. Chez moi, l’instrument est plus un outil pour écrire une chanson qu’un instrument de virtuose. Mais, cette fois-ci, je me suis assumé. Et la technologie a tellement évolué qu’on peut aujourd’hui faire des choses fantastiques à partir d’un studio maison. Aujourd’hui, avec toute la quincaillerie électronique, on peut quand même monter des projets intéressants à partir de chez soi. J’ai conçu cet album à partir des croquis que j’avais ainsi esquissés à la maison. Et les musiciens se sont montrés fidèles à ce que j’avais imaginé. J’ai aussi joué beaucoup plus de guitare électrique sur cet album. J’avais des idées assez précises en tête, et je les entends sur l’album. C’est une grande satisfaction. C’est sûr qu’en dix ans, les chansons auront eu le temps de macérer. L’homme, aussi, a forcément mûri. J’ai maintenant dépassé la cinquantaine… Ma façon d’écrire, ma façon d’aborder les thèmes ont évolué.

Titus – On a l’impression d’un album à portée vraiment universelle, peut-être plus que par le passé, même si ton œuvre ne s’est jamais recroquevillée sur la réalité franco-ontarienne… Je crois qu’on peut l’écouter d’un bout à l’autre de la Terre et qu’il y a là des refrains susceptibles de parler à tout le monde…

Tu me fais plaisir car c’est tout à fait le sens de ma démarche. La première chanson du disque, « J’pensais pas », est d’ailleurs un clin d’œil à « Notre place ». J’y dis ceci : « J’pensais jamais que Notre place prendrait toute la place ». Mais on peut interpréter cette image de différentes manières : on peut penser à la vie de couple ou à la communauté tout entière.

 Lors du lancement du troisième album "Encore une fois", la chanson "J'ai ben le goût de recommencer" :

 Titus – Cet album s’appelle « Encore une fois ». Est-ce que tu peux nous expliquer le choix de ce titre ?

Premièrement, il y a une chanson intitulée « Encore une fois » sur ce disque et c’est l’une de mes favorites. J’aurais pu l’appeler « jamais deux sans trois ». Si je ne n’avais pas fait cet album, on aurait dit que Paul Demers était un artiste mineur qui a fait deux disques dans les années 1990. Mais je pensais que j’avais encore des choses à dire et que je pouvais encore mieux les dire parce que je m’assumais davantage comme artiste. Je voulais que les gens le sachent ; je voulais le partager avec tous. Malgré tout, malgré nous, me voici encore.

Titus – « Encore une fois » est aussi une superbe chanson d’amour.

C’est plein de tendresse, un peu à l’image de « Mademoiselle ». J’ai toujours eu un côté tendre en moi. On est dans l’intimité dans cette chanson-là. C’est la deuxième fois que j’utilise un son d’accordéon sur l’un de mes albums. La première fois, c’était sur « Zydaco pour Magali ». Là, c’est beaucoup plus proche du bal musette que de la musique cajun, mais c’est un instrument organique, romantique. C’est une chanson qui cherche la paix dans le couple. Parce qu’on vit tous des moments qui sont orageux dans nos vies, et puis on cherche un havre de paix à un moment donné.

Titus – Il y a un très beau moment de folklore, aussi, avec la chanson « Eteins la lampe », qui me fait tout de suite penser à l’Ontario français. C’est une chanson extraordinaire où l’on retrouve plusieurs autres pointures de la chanson ontaroise et qui constitue un très bel hommage à Guy Lizotte, poète originaire de Hearst qui n’est plus de ce monde.

Un poète franco-ontarien qui, lui aussi, n’a publié que deux recueils. Mais il s’est beaucoup impliqué dans la communauté. Il fut l’un des fondateurs de la radio communautaire de Hearst. Aujourd’hui, ces stations sont partout en Ontario et sont même regroupées au sein de diverses associations. Je l’avais rencontré lors d’un festival Théâtre Action. C’était un poète qui assumait totalement son côté nordique et habitait dans sa cabane au Canada, pour glisser une référence qui parle aux Français. Je l’ai connu dans son « shack », comme on dit chez nous, sa cabane au milieu des bois. J’ai passé un peu de temps à Hearst du temps de Purlaine, et une journée, il est arrivé dans la maison de la rue Alexandra, où on habitait. Il gratouillait un peu la guitare et il m’avait chanté le texte d’ « Eteins la lampe » sur deux accords et un semblant de mélodie. Dès cette époque, je l’avais insérée dans le répertoire de Purlaine. Donc, c’est une chanson qui voyage avec moi depuis 30 ans mais que je n’avais jamais mise sur un album. Elle passe généralement très bien en spectacle. Elle est à la fois politique et humoristique. C’est une chanson heureuse qui manifeste le goût, le plaisir et l’amour de la nature. C’est comme une invitation à aller lui rendre visite dans sa cabane au Canada…

Titus – Et vous l’avez bien rendue en la chantant à trois voix. On sent une ambiance vraiment très chouette, émaillée d’éclats de rire…

Je la chante depuis longtemps mais je voulais lui donner une touche particulière sur cet album. J’en avais touché mot à mon ami Damien Robitaille, qui, tout en étant Franco-Ontarien, est la coqueluche des Montréalais depuis environ deux ans maintenant. Lui est originaire de Lafontaine, dans la région de Penetanguishene, un tout petit village. Je lui avais demandé s’il voulait faire un morceau avec moi sur l’album et il avait dit oui tout de suite, sans même que je mentionne laquelle. Il était même prêt à écrire une chanson pour moi, ou avec moi. Mais j’avais derrière la tête de lui proposer « Eteins la lampe ». Vu les paroles, qui disent « Eteins la lampe et viens te coucher », je me suis dit que ça pouvait paraître un peu connoté si deux gars chantaient ça en duo. On risquait de faire partir des rumeurs (rires). Si bien que j’ai décidé d’inviter Tricia Foster à se joindre à nous, si bien qu’on a fini en triangle… On s’est bien amusés, car c’est une chanson plutôt drôle dans le fond.

Titus – Même si on traverse une époque un peu morose, il y a sur cet album quantité de chansons revigorantes, porteuses d’espoir, à l’image notamment du morceau « Ensemble », dont le refrain résonne comme un hymne. C’est une chanson à se passer le matin en boucle pour bien commencer sa journée, non ?

Encore une fois, c’est une chanson qui est optimiste à l’image d’un disque qui est un album de retrouvailles. Des retrouvailles entre moi et mon public. C’est toujours sur deux niveaux comme tu peux le voir. Ça peut prendre bien des lectures.

 Impromptu tourné en coulisses, la chanson "Ensemble" avec Robert Paquette :

 Titus – Ce qu’il y a de bien avec Internet, c’est qu’on peut aujourd’hui vivre à Brest, en Bretagne, et lire l’hebdomadaire L’Horizon de Kapuskasing, ville du nord où tu as récemment présenté ton album. J’ai trouvé cet article qui relate ton passage et les critiques sont dithyrambiques. Les gens semblent enchantés de ces retrouvailles…

Absolument. Un journaliste du nord de l’Ontario a écrit que c’était un album qu’on n’attendait plus. La plupart des gens me disent qu’ils espèrent que je ne mettrai pas douze ans pour écrire le prochain…

Titus – Et est-ce que tu viendras le présenter en France, ce nouvel album ?

A l’âge que j’ai aujourd’hui, si cet album pouvait me refaire voir tous les coins de pays que j’ai vus durant ma carrière, j’en serais vraiment ravi. J’adorerais revenir en Bretagne, à La Rochelle.

Propos recueillis par Titus le 4 décembre 2011. Tous droits réservés. Photo DR.

Pour commander les albums de Paul Demers :

Le site de l'APCM : livraison en une semaine environ depuis le Canada. (Album vendu 12 $ CAN + frais de port, soit une douzaine d'euros).

 POUR EN SAVOIR PLUS



Le site officiel de l'artiste.

Le blog du designer ayant conçu la pochette d'Encore une fois.


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