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L’Œuf de l’ange

Par Ledinobleu

Jaquette DVD de l'édition originale japonaise du film L'Œuf de l'angeLa petite fille a des cheveux de vieille femme, secs et blancs, son regard est triste. Sous sa robe aux couleurs pâlies par le temps, contre son ventre, elle porte un gros œuf partout où elle va. Parfois, elle remplit une jarre de verre avec l’eau d’un lac noir ou d’une fontaine hallucinée. En silence, elle se nourrit de confitures qu’elle trouve sur des étagères couvertes de poussières.

L’homme n’a pas d’âge mais des cheveux de vieillard lui aussi et ses yeux sont aussi tristes que ceux de la petite fille. Il porte sur l’épaule une lourde croix étrangement sculptée. Ses mains sont bandées comme pour cacher d’anciennes blessures inavouables. Il rencontre la petite fille en chevauchant une sorte de tank rouge comme la mort, un biomécanoïde délirant évadé d’une imagination enfiévrée.

Ensemble, ils marcheront dans les rues de la ville morte sous un ciel aux nuages aussi sombres que tourmentés. Une ville désolée à l’architecture folle et familière à la fois. Une ville d’ombres et de statues. Au son d’une cloche lointaine, les statues s’animent soudain pour chasser les ombres. Les ombres géantes de poissons antédiluviens qui glissent en silence sur les murs lézardés et le sol pétrifié. Mais les harpons ne parviennent pas à empaler les ombres qui s’échappent toujours. La course effrénée des statues fait peur à la petite fille qui se cache dans le manteau de l’homme.

Il finit par lui demander ce qu’il y a dans l’œuf mais elle ne veut pas le lui dire. Alors il lui raconte l’histoire du Déluge. Il lui avoue sa honte de ne pas se rappeler qui il est, sa peur de n’être qu’un souvenir perdu. Alors la petite fille lui montre le fossile de l’homme-oiseau, lui dit qu’elle veut garder l’œuf bien au chaud jusqu’à ce qu’un autre en sorte. Elle lui demande de ne pas faire de mal à son œuf. L’homme ne répond pas. On sait bien ce qu’il adviendra…

Un scénario de Mamoru Oshii, une histoire au-delà des mots. C’est le Oshii que j’aime, celui d’Avalon, qui ne se soucie pas de citer des philosophes morts depuis une éternité pour étayer un propos somme toute assez vain. Une invitation au voyage fantastique. Sombre sans être noir, gothique mais pas glauque, magnifique dans sa grandiloquence déchue. Romantique comme les classiques d’antan. L’Œuf de l’ange nous montre la véritable force des images, celles qui ne se préoccupent pas du verbe, ou si peu.

Regardez-le :

L’Œuf de l’ange (Tenshi no Tamago), Mamoru Oshii, 1985
Pionneer, 2007
71 minutes, pas d’édition française à ce jour

Cette chronique fut à l’origine publiée sur le site Animeka


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