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MONDE ARABE - Entretien avec Pierre Piccinin : le « Printemps arabe » est un mythe

Publié le 13 décembre 2011 par Pierrepiccinin

Monde Arabe - Entretien avec Pierre Piccinin : le «Printemps arabe» est un mythe (Reformatorisch Dagblad, 10 décembre 2011)

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  Pierre Piccinin et les rebelles libyens (Syrte - octobre-novembre 2011)   

propos recueillis par Mark WALLET



« Le ‘Printemps arabe’ est un mythe », affirme Pierre Piccinin, qui a visité plusieurs des pays arabes en révolution. Il n’y a pas constaté de démocratisation, mais bien l'islamisation, soutenue par un État du Golfe, le Qatar.

 

Pierre Piccinin n’est pas de ces chercheurs qui restent derrière leur bureau pour enquêter sur les événements qui secouent le Monde arabe. Depuis un an, il s’est déplacé plusieurs fois en Tunisie, en Libye, en Egypte et en Syrie, pour se rendre compte de ce qui se passait réellement sur le terrain. Il n’est pas revenu très optimiste de ses voyages : « des groupes islamistes sont en train de prendre le pouvoir », explique-t-il. « En Égypte, plusieurs des restaurants que je connaissais ne servent plus de vin, alors que, six mois auparavant, on en trouvait sans difficulté ».


Le conférencier bruxellois, historien et politologue, réfute cette expression par laquelle on voudrait résumer les différentes révolutions arabes : « le ‘Printemps arabe’ suggère que, dans tous les pays arabes, une même révolution aurait lieu ; mais ce n'est pas le cas. En Égypte, je pense qu’on peut difficilement parler de ‘révolution’ : Moubarak est parti et le gouvernement a été plusieurs fois remanié, mais, dans les faits, c’est toujours la même clique qui détient le pouvoir. En Syrie et en Libye, les choses sont tout à fait différentes encore. »

* * *

En Égypte, les Frères musulmans et les salafistes ont obtenu des résultats importants aux élections. Qu'on le veuille ou non, cela apparaît comme un changement révolutionnaire.

Les Frères musulmans ont passé un accord avec l'armée. Sous le régime de Moubarak l’armée a toujours eu un rôle éminent et les choses n’ont pas beaucoup changé. L'armée, en Égypte, reste très respectée.

J'ai rencontré les Frères musulmans au Caire. Ils ne cachent pas leur objectif, qui est l'islamisation de l'Égypte : interdiction de l'alcool, port du foulard, etc. Cela mis à part, il ne faut pas s’attendre à de grands changements, dans le domaine social notamment. Ils défendent d’ailleurs une politique économique libérale. Sur le plan international, ils respecteront les traités ratifiés par l’Égypte, et avec Israël également.

 

Selon de nombreux analystes, les Frères musulmans ne sont pas des extrémistes. Ils font partie des formations dites « modérées ».


Les Frères musulmans bénéficient de l’aura de longues années de résistance contre un régime corrompu et sont perçus comme honnêtes et intègres. Il est vrai aussi qu’une partie des Frères musulmans défend une attitude plus modérée. Mais les faits sont sans appel : les changements que j’ai pu constater en Égypte en quelques mois de temps sont importants. Par exemple, on voit de plus en plus de femmes voilées dans les rues. C’est visible et il est bien évident que la fraternité a commencé d’influencer et d’islamiser la société.

 

Ce n'est probablement pas le but que de nombreux manifestants avaient à l'esprit.


En effet, les revendications étaient essentiellement économiques et sociales. Mais, le problème, c'est que les manifestants n'avaient pas de programme de réformes. La révolte, en Égypte, s’est résumée à un grand mouvement de colère et l’attention a été focalisée sur le départ de Moubarak. Mais qu’en a-t-il été ensuite ?

Il y a eu une illusion de changement, mais le modèle politique et économique reste intact.

En fait, la révolution, en Égypte, a tout simplement échoué.


Êtes-vous optimiste en ce qui concerne la Tunisie, le berceau de ces révolutions ?


On peut dire que les élections se sont déroulées de manière correcte. Mais je crois qu’il y aura peu de changement dans le domaine économique. Je constate que l’islamisme est également en crue en Tunisie. Et, dans le sud du pays, Ennahda, le parti islamiste, entretien des rapports étroits avec les Salafistes.

Avez-vous été surpris par le résultat des élections en Tunisie?


Oui, j'ai été très surpris. Je ne m'attendais pas à une percée si forte d’Ennahda. Je savais bien sûr qu’ils feraient un bon score, mais j’envisageais 25 ou 30% ; or, ils ont obtenu presqu’une majorité absolue.

Ennahda a joué un drôle de jeu durant la campagne électorale. Avant même le début officiel de la campagne, les candidats islamistes ont distribué d’importantes quantités de denrées aux familles pauvres, dans les villages.

La question est de savoir où Ennahda a soudainement pu trouver tous les fonds nécessaires pour financer ces cadeaux. Je me suis renseigné sur ce point en Tunisie : systématiquement, le nom du Qatar était mentionné. En outre, l'Arabie saoudite pourrait aussi avoir contribué à la campagne d’Ennahda. Et peut-être même des fonds provenant des États-Unis. Washington entretien d’excellents rapports avec Ennahda.

 

Ennahda est aussi considéré comme modéré.

 

Oui, Ennahda est souvent présenté comme une variante du parti islamiste modéré, l’AKP, au pouvoir en Turquie. Mais cette comparaison n’a pas beaucoup de sens : la Turquie n’est pas un pays arabe et la tradition politique turque n’a rien de commun avec celle de la Tunisie. En outre, Ennahda n'est pas aussi modéré qu'il y paraît, comme le démontre notamment ses liens avec les Salafistes.

Bref, suite à cette montée de l’islamisme, ma grande question est de savoir où est passée la jeunesse tunisienne bien éduquée, occidentalisée, cette « génération Facebook » dont on a tant parlé.


En avez-vous une idée ?


Je ne sais pas. Peut-être participe-t-elle, elle aussi, de la mythologie de ce « Printemps arabe ». Parmi les Tunisiens qui ont voté pour Ennahda, beaucoup m'ont dit qu'ils avaient fait ce choix parce qu'ils voulaient un gouvernement honnête. Or, le caractère islamique de ce parti était synonyme d’éthique et d'honnêteté. C’est peut-être l’explication.


Voyez-vous un processus d'islamisation en Libye?


Pourquoi le Conseil national de Transition (CNT), avant même qu’aie eu lieu une quelconque élection, a-t-il immédiatement annoncé que la charia sera la base de l'ensemble de la législation de la nouvelle Libye ?

J'ai une réponse. En août, à Benghazi, j'ai été témoin de la panique qui s’est emparée du CNT. C'était le jour qui a précédé l'attaque des rebelles sur Tripoli. Une colonne de deux à trois cents islamistes, sortis de nulle part, marchait sur Tripoli. Il s’agissait de combattants lourdement armés, financés par le Qatar.

Ils avaient lancé leur assaut sans aucune consultation avec le CNT et personne ne savait exactement quel était leur objectif. Dès lors, pour ne pas être dépassé par les islamistes, le CNT a ordonné l’attaque sur Tripoli, en catastrophe, deux semaines avant la date qu’il avait initialement prévu.

À la lumière de ces faits, je soupçonne que cette décision précoce selon laquelle la charia sera la base de la législation libyenne est le résultat de négociations auxquelles le CNT a été contraint, avec les islamistes. À tout le moins, c’est un signal adressé aux groupes islamistes, dont le CNT craint la force.

Quelles sont vos attentes pour la Libye?

La Libye est un pays dont la structure sociale est fortement conditionnée par les tribus et les clans. Pourtant, le CNT ne s’est pas engagé dans un processus de construction d’un État fédéral (le modèle belge aurait dû l’inspirer !), mais il plaide en faveur d’un Etat unitaire.

En octobre et novembre je me suis rendu dans l’ouest de la Libye, qui a résisté à la rébellion. Partout où je suis passé, j'ai demandé aux miliciens que j’ai rencontrés de quel endroit ils étaient originaires. Systématiquement, il s’agissait de miliciens des clans qui s’étaient rebellés, de Benghazi notamment. Autrement dit, l’Ouest est sous occupation.

Cette politique prend le risque de déboucher sur une guerre civile.

En outre, tous les clans se sont surarmés à la faveur des troubles et refusent, à présent, de rendre leurs armes au gouvernement. La situation en Libye pourrait donc rapidement dégénérer.

 

* * *


Pierre Piccinin nous a montré des photographies prises lors de son dernier voyage en Libye, à la fin du mois d’octobre. « Regardez », a-t-il dit, pointant le doigt vers l’image d'une ville en ruines : « ceci, c’est ce qu’il reste de Syrte ».

  

 

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     Syrte - 31 octobre 2011 ©  photo Pierre PICCININ

Syrte a été sévèrement bombardée par l’OTAN : elle était le fief de l’ancien dirigeant libyen, Mouammar Kadhafi, qui a résisté à Syrte juqu’au bout.

Sur une des photos, une famille pose devant son appartement, détruit par les bombardements.

 

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       Syrte - 31 octobre 2011 ©  photo Pierre PICCININ

« Syrte est aujourd’hui une ville fantôme », nous explique Pierre Piccinin. « Il ne reste plus que quelques centaines de personnes, pas davantage. Selon les témoignages, les combats ont fait entre dix et vingt mille morts civils, qui auraient été ensevelis dans le désert, dans des fosses communes. Pour moi, il est évident que des crimes de guerre ont été commis. »

 

* * *


Pourquoi l'OTAN est-elle intervenue en Libye?

 

Kadhafi n’a pas toujours eu d’excellentes relations avec l’Occident. C’est incontestable. Même si les compagnies pétrolières occidentales ont fait de bonnes affaires en Libye.

Mais Kadhafi s’est souvent montré un dirigeant lunatique, instable. Il retenait aussi une partie des revenus pétroliers pour financer une politique sociale dans son pays. L'Occident, à la faveur de l'insurrection, a vu sa chance de se débarrasser de lui et de le remplacer par un gouvernement plus docile.


Vous avez à nouveau mentionné le Qatar, bailleur de fonds des islamistes libyens. Quel est le rôle de ce pays dans le « Printemps arabe » ?


Le Qatar joue un rôle incroyable. Il est présent en Libye, mais s’est également ingéré dans les affaires syriennes.

En Syrie, l’opposition prétend que 15.000 soldats ont déserté l'armée nationale pour rejoindre « l'Armée syrienne libre », une milice rebelle. Or, une telle désertion en masse est extrêmement peu plausible ; et il semble bien que cette « Armée syrienne libre » soit en fait en grande partie composée d’éléments étrangers, armés par le Qatar.

En Syrie aussi, la contestation est sous l’influence des islamistes, Salafistes et Frères musulmans. Depuis l’insurrection qu’ils avaient conduite dans les années 1980’, les Frères musulmans étaient interdits en Syrie. Mais les militants de l’opposition que j’ai rencontrés m’ont déclaré qu’ils étaient en relation avec eux. Ils l’ont ouvertement admis, et, là-bas, ce n’est plus un secret pour personne.


Qu'est-ce que cela implique pour les Chrétiens de Syrie ?


Je n’ai pas rencontré de Chrétien, jeune ou vieux, qui soutienne la contestation. Au début du mouvement de contestation, des Chrétiens ont participé aux manifestations. Mais ils y ont maintenant complètement renoncé.

Ils ne sont pas satisfaits du régime actuel, mais ils bénéficient de conditions de vie correctes et peuvent pratiquer leur foi. Parmi les personnes que j’ai rencontrées dans les communautés chrétiennes en Syrie, plusieurs m’ont affirmé qu’ils avaient caché des armes, au cas où les islamistes arriveraient au pouvoir. J'ai entendu les mêmes choses de la part des Druzes.

Quelle est l’ampleur du soulèvement en Syrie ?


La Syrie est une société très complexe, un patchwork communautaire et confessionnel. Au moins 40% de la population se sentent menacés par ces mouvements de contestation dominés par l’influence islamiste. Ces minorités, de manière générale, aspirent à la démocratie, mais ne veulent pas d’un État islamique.

En outre, au sein de la communauté sunnite également, en particulier dans la bourgeoisie, beaucoup de citoyens sont opposés à une république islamique. Donc, dans l'ensemble, je crois qu’on peut dire que le ratio est d'environ 50 à 50, entre partisans et adversaires du régime.

En ce qui concerne l’ampleur du soulèvement, toutefois, les médias exagèrent considérablement le nombre des manifestants.

En Juillet, je me suis rendu dans la ville de Hama, un vendredi, et j’ai assisté à une manifestation, après la grande prière de la mi-journée. La manifestation a empli la petite place Assidi. J’ai estimé le nombre des manifestants à 10.000, au grand maximum. En soirée, à l'hôtel, j’ai regardé les reportages de la chaîne de télévision Euronews à propos de la Syrie. Euronews et toute la presse européenne ont annoncé 500.000 manifestants, ce jour-là, à Hama. Le journal français Le Monde, le lendemain matin, titrait même sur 600.000 manifestants ! Hama est une ville de 370.000 habitants...

Les images des manifestations en Syrie que montrent les médias occidentaux donnent toujours l’impression qu’il y a un grand nombre de manifestants. Mais ces images sont trompeuses : il s’agit systématiquement de plans rapprochés et, si l’on compte les personnes présentes, on ne dépasse jamais les quelques centaines. Cela montre, une fois de plus, l'utilité du travail de terrain.

Tout cela semble très peu optimiste.


Il faut être bien clair : les dictateurs contestés ne sont pas des enfants de chœur. Le régime syrien a certainement beaucoup de crimes sur la conscience. Et l’action des manifestants est fondée et légitime (et il n’y a pas que des islamistes radicaux). Cependant, les résultats de ces contestations sont inquiétants. L’islamisme, notamment, et le rôle que joue le Qatar. Al-Jazeera, basée au Qatar, a été saluée pour sa couverture du « Printemps arabe ». En réalité, elle a sciemment menti à maintes reprises et constitue un instrument de la politique du Qatar, dont les intentions sont encore assez floues.

(Traduit du néerlandais)

Lien(s) utile(s) : Reformatorisch Dagblad.

Coupure de presse :

article déc 2011
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Version originale néerlandaise :

 

Onderzoeker Pierre Piccinin : Arabische lente is een mythe.

 

Mark Wallet

De Arabische lente is een mythe, zegt de Brusselse onderzoeker Pierre Piccinin. Hij bezocht de revolutielanden het afgelopen jaar verschillende keren en zag geen democratisering, maar islamisering. De grote kracht daar­achter lijkt het golfstaatje Qatar.

Piccinin is er de man niet naar om enkel vanachter zijn bureau onderzoek te doen naar de verwikkelingen in de Arabische wereld. Het afgelopen jaar was hij verschillende malen in Tunesië, Libië, Egypte en Syrië, om met eigen ogen te zien wat er gebeurde. Erg optimistisch is hij van zijn reizen niet geworden. „Islamistische groeperingen nemen in rap tempo de macht over”, zegt hij. „In Egypte kon ik in verschillende restaurants al geen wijn meer krijgen, terwijl dat een halfjaar geleden nog geen probleem was.”

De Brusselse docent geschiedenis en politieke wetenschappen heeft moeite met de accolade die gemakkelijk om alle revoluties geplaatst wordt. „De term Arabische lente suggereert dat zich in alle Arabische landen een en dezelfde revolutie voltrekt, maar zo is het niet. In Egypte kun je volgens mij nauwelijks van een revolutie spreken. Mubarak is weg en de regering oogt nieuw, maar in feite is nog altijd dezelfde kliek aan de macht. Syrië en Libië zijn weer verhalen apart.”

In Egypte staan de moslimbroeders en de salafisten bij de verkiezingen op forse winst. Leuk of niet: dat lijkt toch een revolutionaire verandering.

„De moslimbroeders hebben het op een akkoordje gegooid met het leger. Dat had ook onder het regime van Mubarak een prominente rol, dus in feite verandert er niet zo veel. Vergeet niet dat het leger in Egypte nog altijd zeer gerespecteerd is.

Ik heb met de moslimbroeders gesproken en dan geven ze openlijk aan dat hun programma de islamisering van Egypte nastreeft: een alcoholverbod, hoofddoekjes, dat soort thema’s. Voor de rest zal er veel bij het oude blijven. Van de moslim­broeders hoef je geen sociale veranderingen te verwachten. Zij staan op economisch gebied veeleer een liberaal beleid voor. Ik verwacht ook dat ze het verdrag met Israël in stand zullen houden, dat is hun punt niet.”

De moslimbroeders zijn volgens veel analisten niet op één hoop te gooien. Er is ook een gematigde onderstroom.

„De moslimbroeders golden lange tijd als verzetsgroep tegen het regime en werden ook als zodanig bekeken. Er zullen best gematigde krachten in de broederschap te vinden zijn, maar feit is dat ik in Egypte nu al veranderingen opmerk. Ik zie bijvoorbeeld meer hoofddoekjes op straat. En het is geen geheim dat de broederschap de maatschappij wil islamiseren.”

Dat is wellicht niet het plaatje dat veel betogers voor ogen stond.

„Het probleem is dat die geen duidelijk programma hadden. De revolte in Egypte was een reactie­beweging, met als belangrijkste inzet de verdwijning van Mubarak. Maar wat dan? Er zijn wat poppetjes gewisseld, maar het politieke en economische model is onveranderd gebleven. In feite is de revolutie in Egypte dus gewoon mislukt.”

Bent u optimistischer gestemd over Tunesië, de bakermat van de revoluties?

„Ik denk dat de verkiezingen ordelijk zijn verlopen. Maar ook daar zal op economisch gebied weinig veranderen, verwacht ik. Bovendien zie ik in Tunesië eveneens toenemende islamisering. De Ennahdapartij werkt in het zuiden van het land al samen met de salafisten.”

Was u verbaasd over de uitslag van de verkiezingen in Tunesië?

„Ja, ik was zeer verbaasd. Ik had niet verwacht dat de (islamitische, MW) Ennahdapartij zo sterk zou worden. Ik ging ervan uit dat ze tussen de 25 en de 30 procent zou behalen, maar het is veel meer geworden.

De Ennahdapartij heeft in de aanloop naar de verkiezingen overigens een dubieuze rol gespeeld. Al ver voor de stembusgang deelden kandidaten van de partij op grote schaal voedsel en huishoudartikelen uit in de dorpen.

De grote vraag is waar Ennahda opeens al dat geld voor die cadeaus vandaan haalde. Als ik er in Tunesië naar vroeg, duikt de naam van Qatar op. Daarnaast heeft wellicht Saudi-Arabië bijgedragen. Misschien komt er zelfs geld uit de Verenigde Staten. Washington heeft goede contacten met de Ennahda­partij.”

Ennahda geldt als gematigd.

„Ja, Ennahda wordt vaak neergezet als een variant op de gematigde islamitische AK-partij in Turkije, maar die vergelijking klopt niet. De Tunesische partij is niet zo gematigd als het lijkt. Mijn grote vraag is ondertussen waar de goed opgeleide Facebookgeneratie in Tunesië is gebleven.”

Heeft u een idee?

„Ik weet het niet. Sommige Tunesiërs vertelden mij op Ennahda te hebben gestemd omdat ze een eerlijke regering wilden. Het islamitische karakter van de partij zou garant staan voor die eerlijkheid.”

Ziet u ook een proces van islamisering in Libië?

„Waarom moest de Nationale Overgangsraad (NCT) in Libië al vóór elke vorm van verkiezingen duidelijk maken dat de sharia de basis van alle wet­geving in het toekomstige Libië zou zijn?

Ik heb wel een idee. In augustus mocht ik als waarnemer een vergadering van de overgangsraad in Benghazi bijwonen, onder voorzitterschap van (NCT-voorzitter, MW) Jalil. Het was een dag voor de aanval op Tripoli en Jalil was compleet overstuur. Een colonne van 200 tot 300 islamisten rukte vanuit het niets op naar Tripoli. Die strijders waren zwaarbewapend door Qatar.

Over die opmars was geen enkel overleg geweest met Ben­ghazi en niemand wist precies wat de militie van plan was. Toen is halsoverkop besloten de volgende dag naar Tripoli op te stomen. De overgangsraad had die operatie pas zo’n twee weken later op de rol staan.

In dat licht zie ik dus de vroege aankondiging dat de sharia de grond van de Libische wetgeving zal zijn. Dat was enkel bedoeld als signaal naar de islamistische groepen in Libië. Maar het komt feitelijk voort uit angst.”

Wat zijn uw verwachtingen voor Libië?

„In dat land is alles is tribaal, dat is het merg van de samen­leving. Toch streeft de Nationale Overgangsraad niet naar een federale staat, maar naar een eenheidsstaat.

In oktober ben ik naar het zuiden van Libië gereisd, waar vanouds de Berbers wonen. In alle plaatsen heb ik gevraagd wie daar nu de scepter zwaait. Het bleek keer op keer iemand uit Benghazi te zijn, de bakermat van de overgangsregering. Dat is vragen om een burgeroorlog.

Ik geloof zelfs dat die in feite al is begonnen. Clan- en stamoudsten weigeren hun wapens in te leveren, om indien nodig hun positie te kunnen verdedigen. Met Libië gaat het echt verschrikkelijk.”

Piccinin laat op zijn laptop foto’s zien van zijn laatste reis naar Libië, eind oktober. „Kijk”, zegt hij, wijzend op een foto van een in puin geschoten stad. „Dit is Sirte.” Sirte heeft zwaar onder (NAVO-)vuur gelegen, omdat de Libische ex-leider Gaddafi zich daar tot het laatste moment verschanste.

Op een van de foto’s poseert een achtergebleven gezin voor het geraamte van de flat waar ze nog steeds wonen. „Sirte is een spookstad geworden”, zegt Piccinin. „Er wonen nog enkele honderden mensen, meer niet. Er zijn in de stad tussen de 10.000 en de 20.000 doden gevallen, die veelal in massa­graven zijn begraven. Het is voor mij duidelijk dat hier oorlogsmisdaden zijn begaan.”

Wat wilde de NAVO volgens u eigenlijk in Libië?

„Er gebeurden natuurlijk verkeerde dingen tijdens Gaddafi’s regime. Dat staat buiten kijf. Lange tijd profiteerde het Westen echter ook van Gaddafi. Westerse oliemaatschappijen deden in Libië goede zaken.

Maar Gaddafi was ook een grillig figuur. Ik denk dat het Westen bij het begin van de opstanden zijn kans schoon zag om van hem af te komen.”

U noemde net opnieuw Qatar, nu als geldschieter van Libische islamisten. Wat is de rol van dat land in de Arabische lente?

„Qatar speelt een grote rol. Het land heeft ook in de Syrische opstanden een belangrijke vinger in de pap. In Syrië zouden onlangs 15.000 militairen zijn gedeserteerd uit het nationale leger om zich te voegen bij het Vrije Syrische Leger, een militie van opstandelingen. Zo’n massale uittocht uit het leger is echter uiterst ongeloofwaardig. Het geval is echter dat Qatar het Vrije Syrische Leger be­wapent en betaalt.

De opstand in Syrië wordt meer en meer gedomineerd door islamisten, die banden hebben met de wereldwijde moslimbroederschap. Tot nu toe zijn de moslimsbroeders in Syrië verboden. De oppositie die ik in Syrië heb gesproken, geeft openlijk toe dat ze zich verwant voelt met de moslimbroeders. Daar maken ze allerminst een geheim van.”

Wat betekent dit voor minder­heden in Syrië, zoals de christenen?

„Ik heb nog geen christen, jong of oud, in Syrië ontmoet die bij de revolutie betrokken is. Aanvankelijk leefde er onder christenen wel steun, maar ze zijn er nu helemaal klaar mee. Ze zijn niet blij met het huidige regime van Assad, maar er valt tenminste onder te leven zonder armoede. Ik heb christenen in Syrië gesproken die me zeiden dat ze de wapens klaar hebben liggen voor het geval de revolutionairen straks aan de macht komen. Van de druzen (een stroming binnen de sjiitische islam, MW) hoorde ik hetzelfde.”

Hoe breed wordt de opstand in Syrië volgens u gedragen?

„Syrië is een uiterst complexe samenleving, waar minder­heden samen zo’n 40 procent van de bevolking uitmaken. Deze minderheden willen vaak wel democratie, maar geen islamitische staat. Dan zijn er ook nog soennitische moslims, zeker onder de burgerij, die niet op een fundamentalistisch regime zitten te wachten. Al met al denk ik dat de verhouding ongeveer fiftyfifty is tussen voor- en tegenstanders van het regime-Assad.

De media overdrijven de aantallen betogers in Syrië overigens schromelijk. In juli was ik in de Syrische stad Hama zelf bij een betoging na het vrijdagmiddaggebed. Het plein in de stad stond vol, maar dat is niet zo groot. Ik schat dat er ten hoogste 10.000 betogers waren. Die avond keek ik in het hotel naar de tv-zender Euronews, die over de betoging berichtte en sprak van 500.000 betogers. De Franse krant Le Monde kwam de volgende ochtend zelfs met 600.000 betogers. Nota bene: in heel Hama wonen niet meer dan 370.000 mensen.

Op camerabeelden vanuit Syrië lijkt het bij demonstraties altijd om geweldige aantallen betogers te gaan, maar dat is een vertekend beeld. Let eens op hoe vaak er voor een close-up wordt gekozen. Hieruit blijkt maar weer eens het nut om de regio’s die je onderzoekt ook zelf te bezoeken.”

Het klinkt allemaal weinig optimistisch.

„Laat duidelijk zijn dat veel van de verdreven regimes niet deugden. Ook het Syrische regime heeft genoeg op zijn kerfstok. En de demonstranten bestaan ook heus niet alleen uit islamisten. De eerlijkheid gebiedt echter te zeggen dat ik veel verontrustende geluiden hoor. En met name Qatar speelt in de islamisering volgens mij een belangrijke rol. Vergeet ook niet dat (de Arabische tv-zender, MW) Al-Jazeera zijn basis in Qatar heeft. Al-Jazeera is veelgeprezen om zijn berichtgeving over de Arabische lente, maar is naar mijn overtuiging daarin gewoon een verlengstuk van het beleid van Qatar.”

 

 

© Cet article peut être librement reproduit, sous condition d'en mentionner la source (www.pierrepiccinin.eu).


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