L'illumination singulière de Patrice Repusseau
C'est que Patrice Repusseau a marché, et qu'il demeure, sur un chemin de lumière. Ses "Chansons du moi et de son Même" sont peu de mots, et de petits mais grands mots : le moi (moi minuscule de l'individu) en regard du Même (Même majuscule de l'humanité) ; l'existence (existence minuscule de toi, moi, nous, les autres) en regard de la Vie (Vie majuscule de tous, de tout, du Tout) ; là (ailleurs, dehors) en regard d'Ici (lieu de l'essentiel, de l'intérieur)… A voix légère, basse et douce, elles ont la concision, ces chansons, et comme cet air de force fragile qu'on voit aux sentences mystiques ou aux aphorismes de sagesse.
Deux exemples :
l'Un portant
ce qui importe n'est pas moi
ni ce que moi apporte
mais le Même qui porte moi
partout à tout moment !
exil
au diable le moi en exil
il est toujours trop loin là-bas
au paradis le Même
plus près que proche oui ici même !
Il est loisible de s'en agacer, et le tenant d'une conception rigoureuse et exigeante de la poésie va froncer le sourcil, suspectant que cette simplicité pourrait confiner au simplisme.
Qu'il y regarde de plus près…
Qu'il interroge la langue : elle est limpide – la main est sûre.
Qu'il en écoute la musique : ça bat d'une pulsation pure, élégante, à la fois vive et paisible.
Qu'il traque le lieu commun, l'évidence usée, la redite : c'est inouï. Éclatant même, quant apparaissent de ci, de là, brillant d'un éclat neuf parce que caressés soudain d'un soleil inattendu, tel concept ou tel vocable qu'on s'était habitué à ne plus voir à force de l'avoir trop vu – et ceci ne sent ni la pose ni l'effort : c'est simple comme Bon Jour !
Qu'il s'interroge : Ces textes là ont-ils une capacité à toucher large et loin, au cœur ou à l'esprit de lecteurs qu'ils laisseront émus, mis en mouvement, questionnés au moins, changés pourquoi pas ?
Qu'il s'interroge : Vaut-il d'être rejeté ou dédaigné, ce petit livre là, comme on dédaigne ou rejette un enfant, un naïf, un trop simple ? Ou bien, à considérer que le monde est sombre, et que le monde est froid, et que nous l'habitons bien mal, lourds que nous sommes de trop d'impuretés, tourmentés que nous sommes de trop de questions, saura-t-on gré à ces chansons pour ce qu'elles affirment de sérénité afin de nous réchauffer un peu et de nous éclairer peut-être ?
[Olivier Bourdelier]
1. Après "Être en été" et "Terre étrangère" parus en 2004 et 2005 chez le même éditeur (Les Deux Océans : 19 rue du Val-de-Grâce, 75005 Paris ; www.lesdeuxoceans.fr)
2. "Septième bien diminuée" : éd. Saint-Germain, 1977 ; "L'oignon" : éd. Plasma, 1980 ; "Ombre portée" : éd. Arcane 17, 1983 ; "Le grand singe sapiens" : éd. Plasma, 1984
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