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Les Chansons du moi et de son Même, de Patrice Repusseau (par Olivier Bourdelier)

Par Florence Trocmé

L'illumination singulière de Patrice Repusseau 

Repusseau
Les Chansons du moi et de son Même1, de Patrice Repusseau, sont parues en 2011 aux éditions des deux océans, maison spécialisée dans les textes de spiritualité et de sagesse – ce genre de maison que le tenant d'une conception rigoureuse et exigeante de la poésie pourra d'abord toiser avec circonspection. On y va voir quand même, car on se souvient des livres publiés par Patrice Repusseau voici deux décennies déjà : "Septième bien diminuée", "L'oignon", "Ombre portée", "Le grand singe sapiens" - une poignée d'ouvrages acérés et grinçants, qui grimaçaient et ricanaient leur douleur d'être au monde2. Et voici qu'on découvre un petit livre qui sourit, tout de paix et de clarté !    
C'est que Patrice Repusseau a marché, et qu'il demeure, sur un chemin de lumière. Ses "Chansons du moi et de son Même" sont peu de mots, et de petits mais grands mots : le moi (moi minuscule de l'individu) en regard du Même (Même majuscule de l'humanité) ; l'existence (existence minuscule de toi, moi, nous, les autres) en regard de la Vie (Vie majuscule de tous, de tout, du Tout) ; (ailleurs, dehors) en regard d'Ici (lieu de l'essentiel, de l'intérieur)… A voix légère, basse et douce, elles ont la concision, ces chansons, et comme cet air de force fragile qu'on voit aux sentences mystiques ou aux aphorismes de sagesse.  
 
Deux exemples : 
 
l'Un portant 
 
ce qui importe n'est pas moi 
ni ce que moi apporte 
 
mais le Même qui porte moi 
partout   à tout moment ! 
 
 
exil 
 
au diable le moi en exil 
il est toujours trop loin   là-bas 
 
au paradis le Même 
plus près que proche   oui   ici même ! 
 
Il est loisible de s'en agacer, et le tenant d'une conception rigoureuse et exigeante de la poésie va froncer le sourcil, suspectant que cette simplicité pourrait confiner au simplisme.  
 
Qu'il y regarde de plus près… 
Qu'il interroge la langue : elle est limpide – la main est sûre. 
Qu'il en écoute la musique : ça bat d'une pulsation pure, élégante, à la fois vive et paisible.  
Qu'il traque le lieu commun, l'évidence usée, la redite : c'est inouï. Éclatant même, quant apparaissent de ci, de là, brillant d'un éclat neuf parce que caressés soudain d'un soleil inattendu, tel concept ou tel vocable qu'on s'était habitué à ne plus voir à force de l'avoir trop vu – et ceci ne sent ni la pose ni l'effort : c'est simple comme Bon Jour !   
Qu'il s'interroge : Ces textes là ont-ils une capacité à toucher large et loin, au cœur ou à l'esprit de lecteurs qu'ils laisseront émus, mis en mouvement, questionnés au moins, changés pourquoi pas ? 
 
Qu'il s'interroge : Vaut-il d'être rejeté ou dédaigné, ce petit livre là, comme on dédaigne ou rejette un enfant, un naïf, un trop simple ? Ou bien, à considérer que le monde est sombre, et que le monde est froid, et que nous l'habitons bien mal, lourds que nous sommes de trop d'impuretés, tourmentés que nous sommes de trop de questions, saura-t-on gré à ces chansons pour ce qu'elles affirment de sérénité afin de nous réchauffer un peu et de nous éclairer peut-être ?   
 
 
[Olivier Bourdelier] 
 
 
1. Après "Être en été" et "Terre étrangère" parus en 2004 et 2005 chez le même éditeur (Les Deux Océans : 19 rue du Val-de-Grâce, 75005 Paris ; www.lesdeuxoceans.fr) 
2. "Septième bien diminuée" : éd. Saint-Germain, 1977 ; "L'oignon" : éd. Plasma, 1980 ; "Ombre portée" : éd. Arcane 17, 1983 ; "Le grand singe sapiens" : éd. Plasma, 1984 
 
sur Patrice Repusseau 


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