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Dominique Vittoz, invitée au Plessi-Robinson (92) pour parler du roman italien

Par A Bride Abattue @abrideabattue
Dominique Vittoz, invitée au Plessi-Robinson (92) pour parler du roman italienJe n’avais pas de représentation très précise du métier de traducteur jusqu’à ce que je rencontre Dominique Vittoz. C’est tout juste, je le confesse, si je songeais à mentionner le nom du traducteur dans la rédaction de mes chroniques littéraires.
Je me souviens tout de même avoir salué le travail d’Isabelle Reinharez. Il avait fallu attendre 7 ans pour que soit traduit, de main de maitre à mon avis, Un pied au paradis, un livre écrit par Ron Rash, et publié aux éditions du Masque en 2009. J'espérais alors que l’éditeur allait poursuivre la collaboration avec elle car si les autres romans étaient de la même veine il était regrettable d'en priver les lecteurs français. J’avais par contre omis de rappeler son nom en fin d’article (ce que j’ai corrigé depuis). Je n’ai hélas pas été entendue. C’est une autre traductrice qui signe celle de Serena, chez le même éditeur. Et j’ai beaucoup moins aimé, n’ayant pas l’impression que le livre avait été écrit par le même auteur. Je n’en ai pas parlé sur le blog.
J’avais conscience de l’importance de la traduction quand je repérais une langue particulière chez un auteur et qu’il me semblait évident que la structure des phrases et leur lexique n’avaient pas coulé de source. C’est une sensation agréable qui équivaut à une redécouverte de sa propre langue. Mais dans la plupart des cas je lisais le livre comme s’il avait été écrit et pensé en français.
Après l’intervention passionnée de Dominique Vittoz il est certain que je vais être plus vigilante et plus exigeante aussi. Façon de parler parce qu’on n’a encore pas vu des lecteurs manifester sur ce sujet. Il se raconte pourtant que chaque changement de traducteur pour d'Haruki Marakami est remarqué et que le nombre des ventes peut varier considérablement.
Il n’est pas donné à tout le monde de restituer une atmosphère. C’est un talent mais c’est aussi un énorme travail. Cela se sent dans la façon que Dominique a de parler de son métier. Avec autant de passion que d’humour.
Elle affirme d’abord être devenue traductrice parce qu’on mange d’excellentes pâtes en Italie … Mais tout aurait commencé avec la découverte du caractère expansif des italiens chez une amie d’enfance. Comparativement à ce qui se passait dans sa famille, cette amie napolitaine représentait une forme de liberté d’expression.
Rien d‘étonnant donc à ce qu’elle choisisse quasi naturellement la langue italienne pour l’étudier et l’enseigner. Elle explore sans limite le cinéma et la littérature contemporaine dont elle deviendra spécialiste.
Dominique Vittoz gagne ses lettres de noblesse en traduisant Camilleri, en particulier avec la Concession du téléphone, dont une première traduction ne convenait pas à l’éditeur, Fayard, auquel Dominique rend hommage d’avoir souhaité un texte qui fasse honneur à l’auteur. C’est ce à quoi elle s’emploiera en restituant une langue mêlant italien et sicilien.
Chaque livre est unique et peut offrir beaucoup de plaisir. Traduire ne consiste pas à « passer un texte d’une langue à une autre » mais travailler dans un maximum de liberté de manière à produire une sorte de re-création du livre. Et pour cela tous les moyens sont bons.
Dominique affirme qu’elle peut traduire avec bonheur un titre qu’elle déteste, comme le Survivant, d'Antonio Scurati, en raison de sa vision des jeunes, des enseignants, et de son regard très réactionnaire sur la société. Sa traduction sera si professionnelle qu’elle lui vaut en 2009 le Prix Rhône-Alpes du livre de la traduction.
Dominique Vittoz a beaucoup de gratitude à l’égard des éditeurs, y compris quand il lui arrive d’être en conflit avec l’un d’entre eux. Elle apprécie les conditions de rémunération qui sont plus favorables en France qu’en Italie où l’on gagne moitié moins.
Cette femme a un caractère bien trempé, reconnaissant qu’il faut être têtu pour exercer ce métier. Elle parvient à imposer de longs délais avant de rendre son travail, au moins 18 mois. Outre Andrea Camilleri, elle a traduit Sandro Veronesi, Marcello Fois, Laura Pariani, Salvatore Niffoi, Valeria Parrella, Milena Agus, Pino Roveredo … et Mailis de Kerangal, mais cette fois du français vers l’italien. Son souci de la perfection la fait accepter alors de travailler en collaboration avec une autre traductrice pour trouver toujours l’expression la plus juste.
Dominque Vittoz puise dans la langue ancienne et les parlers locaux afin de trouver les mots qui restitueront le mieux le lexique de chaque auteur, qu’il s’agisse d’un italien métissé de sarde, de napolitain, de sicilien ou de lombard.
Elle va jusqu’à affirmer que les traducteurs sont bien plus fidèles au texte que l’auteur lui-même. Son amour de la langue est au service des œuvres et non de sa propre écriture. D’ailleurs selon elle, traduire permet de ne pas écrire (sous-entendu de signer le texte d’un roman). Par contre elle accepta de concevoir la postface de La Saison de la chasse (prix de traduction Amédée Pichot) pour expliquer en quoi la langue de Camilleri est un défi en terme de traduction. Et après l’avoir entendue on est plus que jamais sensibilisé à cet aspect.

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