Magazine Humeur

L'exercice de l'Etat ... le goût du pouvoir

Publié le 21 décembre 2011 par Marine8888

chaise vide

" Il devrait y avoir en toute constitution un centre de résistance contre le pouvoir prédominant, et par conséquent dans une constitution démocratique un moyen de résistance contre la démocratie." Le Gouvernement représentatif, John Stuart Mill

La scène d'ouverture du film de Pierre Schoeller "L'exercice de l'Etat" (à voir) est en passe de devenir une pièce d'anthologie. Cette évocation fellinienne du pouvoir, sensuelle et fantasmatique, qui prend la forme d'une femme nue se jetant dans la gueule d'un crocodile est assez parlante.

L'irrésistible attraction qui va de l'exercice de l'Etat à celui du pouvoir, ennivre ceux qui le détiennent tant et si bien qu'ils s'accrochent à leur trône ou font tout pour y monter. Les exemples ne manquent pas pour l' illustrer en cette année 2011. Combien de morts pour rester assis sur le siège présidentiel ? Syrie, Lybie, Tunisie, Côte d'Ivoire, Yémen,... les pays arabes qui ont fait le printemps ont payé cette année le prix fort et il semble que ce soit loin d'être terminé. 

Ali Abdallah Saleh, le président du Yémen, se prépare à quitter le pouvoir après 33 années à l'exercer. Il laisse derrière lui les trop nombreux cadavres de manifestants qui désiraient qu'"il dégage" , il se dit amer et victime d'une injustice. Au Congo Kinshasa, Joseph Kabila vient de prêter serment mais son principal opposant, Etienne Tshikekedi qui conteste les élections s'apprête à le faire à son tour. Les élections en Côte d'Ivoire ont été un triste précédent, le pays ne s'en remet pas et la situation humanitaire nécessiterait une aide. En Russie, l'élection de Poutine est contestée mais qu'à cela ne tienne... Vladimir Poutine  reste aussi indéboulonnable que la statue d'un autre Vladimir... un certain Lénine, quitte à quelques tours de passe-passe éléctoraux, quelques emprisonnements et autres joyeusetés. Au Sénégal, le vieil homme, Abdoulaye Wade, unique candidat de son parti pour l'élection présidentielle en février 2012, brigue un troisième mandat. Le mouvement des jeunes "Y'en a marre" en viendra-t-il à bout ? 

L'année 2011 illustre de manière pathétique et réjouissante tout à la fois, les effets de cette puissante drogue qu'est le pouvoir. Où était donc passée la force des contre-pouvoirs citoyens qui servent de remparts aux dérives de l'Etat et régulent ses actions ? Aurions-nous été frappés d'impuissance pendant des années au point de laisser tous les pouvoirs sans une réelle surveillance ? Les marchés financiers auraient-ils eu raison de notre raison, eux qui font fi de la démocratie. Trois présidents en ont fait les frais cette année, et même si Berlusconi était du lot et qu'il était réjouissant de le voir déchoir, son éviction s'appelle néanmoins un déni de démocratie. 

Les indignés se multiplient ... Les gens de pouvoir se cramponnent à leur trône, les marchés financiers jouent à la roulette russe, et le mot gouvernance apparait de ci de là... De la dictature à la gouvernance, le chemin est encore long, dépêchons-nous d'avancer...

 Il est très vrai que les démocraties sont perpétuellement menacées par la décadence qu’entraînent l’anonymat des pouvoirs, la médiocrité des dirigeants, la passivité des foules sans âme. En des circonstances tragiques, quand la vie de la nation est en jeu ou que la constitution a besoin d’être restaurée, les peuples désirent suivre un homme en même temps qu’obéir aux lois. C’est alors que s’impose le démagogue ; celui que la République romaine appelait le dictateur, que les auteurs politiques du passé appelaient le législateur. Les régimes vivants font surgir, aux moments critiques, les personnes capables de les sauver. En période tranquille, les chefs des démocraties sont d’honorables administrateurs, quelquefois de bons organisateurs, plus souvent des conciliateurs. Qu’ils aient aussi l’ampleur de vues, la clairvoyance, la passion lucide des grands hommes d’État, c’est là une bonne chance sur laquelle on ne saurait raisonnablement compter.   Préface de « Le Savant et le Politique » Raymond Aron


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