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Baloji : mon sorcier bien-aimé

Publié le 24 décembre 2011 par Africahit
A l’époque, Baloji a quasiment lâché la musique. Sa vie au plat pays n’a pas été un long fleuve Congo tranquille. Son père est reparti vivre en Afrique quand il avait 13 ans. Une paire d’années plus tard, Baloji quitte l’école et le foyer. La musique le porte : le r’n’b, le rap (“Quand Tonton David parlait des petits voleurs dans les supermarchés, je m’identifiais grave”), la chanson (“Léo Ferré, ça m’a bousillé la tête, c’est plus percutant que le rap“), la soul vintage des grands frères DJ. 
A Liège, il vit pendant sept ans au-dessus du disquaire Caroline et apprend que le rock blanc à guitares, de Joy Division aux Black Keys, peut aussi groover. Tout, sauf la musique congolaise, “parce que c’était la musique des parents”. En 2006, Marvin Gaye se rappelle au bon souvenir de Baloji : peu après avoir reçu la lettre de sa mère, il découvre la chanson I’m Going Home, qui dit : “Je rentre chez moi, pour voir ma mère, pour voir mon cher vieux papa...” Les esprits concordent : pour Baloji, il est temps de rentrer. Son premier album, Hotel Impala, trésor de rap-soul sorti en 2008, sera un triple hommage autobiographique (à ses parents et à Marvin Gaye), tout en exposant subtilement sa condition d’Afropéen (il a été sans-papiers pendant trois ans, confronté à l’infamie des centres de rétention). Ce disque permet à Baloji de renouer le lien avec ses parents – tissé d’incompréhensions et de désillusions. “J’ai revu mes parents, mais rien ne s’est passé comme je l’avais naïvement prévu. I’m going home... J’ai surtout compris que je ne serais jamais chez moi au Congo.” Baloji va pourtant y retourner. Hotel Impala n’était qu’une étape. Il enregistre alors Kinshasa Succursale, son deuxième album, à Kinshasa, en six jours, sur un studio mobile, avec la crème brûlée des musiciens locaux (le toaster Larousse Marciano, les ferrailleurs de Konono n°1, le chanteur Royce Mbumba et un paquet d’autres, balafonistes, guitaristes, choristes...). “C’est pas de la world-music, c’est de la musique de chez nous !”, scande Baloji dans un porte-voix cabossé du Konono n°1 à la fin de Karibu Ya Bintou, le meilleur morceau de Kinshasa Succursale. C’est de la musique qui vit, qui saigne, qui gronde, qui brûle, qui groove. Du rap cathartique, qui cite Manu Dibango et Marvin Gaye tout en dansant la rumba barbelée. Du funk afro va-nu-pieds, mais toujours bien sapé. Il y a dans ce disque l’urgence, le danger de Kinshasa. Et les péripéties d’une vie, l’énergie déterminée du fugitif. Friction des plaques continentales : entre Congo et Belgique, d’un chaos l’autre, Baloji danse sur la brèche. Parce qu’il a signé avec le label Crammed, on peut entendre son disque comme une réponse à la scène Congotronics. Mais Kinshasa Succursale est surtout un brûlot visionnaire et viscéral, de classe internationale. Depuis un an, alors que son disque restait dans les cartons pour une sombre histoire de distribution, Baloji a tourné au Congo, aux Etats-Unis, en Angleterre. Il a travaillé avec Theophilus London et Blitz The Ambassador, reçu les félicitations de Nick Cave, Questlove ou Gilles Peterson, et les louanges de la critique anglo-saxonne. Nul n’est prophète en son pays. Ça tombe bien, Baloji n’a pas de pays et il est un sorcier.
Venu du hip-hop et de Belgique, le Congolais Baloji vénère Léo Ferré, Marvin Gaye ou Joy Division. C’est en Afrique, avec des stars locales, qu’il a enregistré son nouvel album : “C’est pas de la world-music, c’est de la musique de chez nous !”. Critique et écoute. Je suis né d’une aventure", dit Baloji. Son prénom veut dire “le sorcier”. Son père l’a baptisé ainsi, au Congo, en hommage à un guérisseur qui l’avait sauvé d’une maladie grave. Autour de Baloji rôdent des esprits. Le plus grand, le plus bienveillant, s’appelle Marvin Gaye. En 1981, Baloji a 3 ans et il débarque à Ostende, en Belgique, avec son père. Poursuivi par le fisc américain, Marvin Gaye échoue à Ostende la même année. Mythe fondateur dans l’histoire de Baloji. Avance rapide : vingt-cinq ans plus tard, Baloji, qui vient de connaître son heure de gloire locale avec le groupe de rap belge Starflam, reçoit du Congo une lettre d’une femme qui prétend être sa mère. Elle lui demande des nouvelles, lui dit qu’elle l’a vu à la télé, explique qu’elle avait pressenti la carrière de son fils, parce qu’il vivait au pays de Marvin Gaye. 

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