Magazine Culture

Exposition : la Belgique se remémore l'année 1958

Par Marc Chartier

Le 17 avril 1958, était inaugurée à Bruxelles la première Exposition universelle et internationale de l’après-guerre. Elle marquait l’articulation entre l’architecture qualitative de la première moitié du XXe siècle et celle quantitative des Golden Sixties. Malgré la grande variété de ses pavillons, il se dégageait de l’exposition un fort sentiment d’appartenance à une époque. Les Soviétiques y exposaient une réplique de leur Spoutnik, premier satellite artificiel lancé en 1957 tandis que les Américains organisaient des dégustations de soda et d’ice cream. Le pavillon français, un des plus audacieux avec celui de la firme Philips dessiné par Le Corbusier, présentait la Citroën DS 19. L’Expo sonnait l’entrée dans l’ère du plastique, des plaques colorées en asbeste ciment, du mur-rideau... et révélait un style optimiste générateur aujourd’hui d’une nostalgie attendrissante face à l’ampleur des dégâts écologiques.

Le "style 58" est caractérisé par l’abandon des symétries monumentales des années d’avant-guerre, le recours à l’oblique et aux courbes, aux matériaux lisses et colorés comme l’eternit émaillé, l’usage des pavés de verre. Il est marqué par l’apparition des structures tendues, des coques hyperboliques. Il encourage le déséquilibre des masses, une dynamique élancée et optimiste des formes qui se veulent annonciatrices d’un monde technologique.

Avec des dessins, des photographies, des maquettes, des affiches, du mobilier, des revues d’époque et un diaporama, l’exposition s’attache à présenter des formes architecturales et décoratives significatives du style 58 en Belgique et ses variantes – à l’exemple du style "Spirou" en référence aux architectures illustrées dans la populaire bande dessinée de Franquin – en les replaçant au sein de l’actualité et de la société de l’époque et en les confrontant avec des expériences étrangères.

S’il faut qualifier le contexte de l’architecture en Belgique dans les années cinquante, c’est celui de l’optimisme qui prévaut. Le pays est entré dans sa phase d’américanisation de la vie quotidienne. La croissance est au rendez-vous, l’économie est bonne, le bâtiment va et la préparation de l’exposition fédère les énergies.

Les différentes sections de l’exposition sont :

1. La maison individuelle ou le rêve américain revisité

Bruxelles, dont le pouvoir d’attraction s’accroît avec l’Exposition universelle et l’implantation de la Communauté européenne, voit les villas et les lotissements éclore dans les communes périphériques. La villa moderne suburbaine, de plain-pied avec garage et jardin, devient une spécificité nationale. Parmi les maisons qui se détachent de la production courante, on retiendra, entre autres, celles réalisées par l’équipe Baucher-Blondel-Filippone, celles de Jacques Dupuis et Albert Bontridder, de Hoet-Segers, Pierre Guilissen, Jacques Dolphyn, Robert Courtois, Henri Montois…

2. L’appartement s’impose

La demande de logements neufs fait émerger des promoteurs immobiliers, Etrimo, Amelinckx, Broens… qui se lancent dans la construction d’immeubles à appartements pour la classe moyenne. Certains architectes s’en font une spécialité à l’exemple de Jacques Cuisinier (la Magnanerie à Forest, la Résidence du Lac à Ixelles). Charles Van Nueten conçoit pour le Foyer bruxellois un ensemble de logements sociaux rue Haute et Renaat Braem la Cité Modèle au Heysel.

3. Le prix Van de Ven

Baromètre de l’esprit du temps, le très apprécié prix Van de Ven avait été fondé en 1928 par l’industriel du même nom. Interrompu en 1941, il reprend en 1950 et prend fin en 1968. Parmi les lauréats en 1958, les architectes associés Baucher et Blondel, Jacques Wybauw l’architecte Bayens de Renaix, les architectes associés Montois et Courtois et Constantin Brodzki.

4. Le mur se fait léger

Le Lever house, premier édifice en mur-rideau construit à New York de 1950 à 1952 d’après les plans de l’architecte Gordon Bunshaft, devient rapidement une icône mondiale et une source d’inspiration pour de nombreux architectes. En Belgique, le mur-rideau s’impose avec la construction de la cité administrative de l’État.

5. Architecture industrielle et matériaux nouveaux

Les architectes De Meutter et Koning, après avoir réalisé le pavillon Coca-Cola à l’Expo 58, étudient les plans de l’usine d’embouteillage Coca-Cola à Saint-Denis-Westrem. Parmi les réalisations industrielles du moment, on note le dépôt Englebert à Bruxelles, l’usine de torréfaction du café Chat Noir à Liège, le palais d’exposition du Zuidpark de la ville de Gand, la nouvelle usine des Ateliers de Delle à Uccle, etc.

6. Les grands équipements

Des grands travaux liés à l’Expo 58, le chantier de la nouvelle aérogare de Zaventem, l’"Aérogare 58", est une des constructions majeures de l’époque et une des plus représentatives du style de l’époque (Maxime Brunfaut, Géo Bontinck et Joseph Moutschen, architectes). À Liège, les architectes du Groupe E.G.A.U. (Hyacinthe Lhoest, Jules Mozin, Charles Carlier), réalisent la gare des Guillemins aujourd’hui remplacée par celle de l’architecte espagnol Calatrava.

7. L’architecture religieuse

Si la Belgique ne connaît pas de réalisations aussi radicales que les chapelles de Le Corbusier à Ronchamp, de Matisse à Vence…, elle poursuit la construction d’églises monumentales, souvent en briques, que dessinent André Winance, Albert Debaeke, Roger Bastin (église Sainte-Alène à Bruxelles), le Groupe Egau (église de la plaine des Manœuvres à Liège), l’architecte Jean Gilson (églises Saint-Guy à Saint-Vith et Saint-Martin à Forrières dans la province du Luxembourg…).

8. Le chantier du Congo

Indépendamment de la mentalité coloniale toujours dominante dans les années cinquante, des architectures efficaces et intelligentes ont été réalisées au Congo par des architectes belges: Georges Ricquier, Charles Van Nueten, Maurice Houyoux, Emile Goffay, de Roger Dejeneffe, Marcel Lambrichs, Claude Strebelle, Roger Bastin…

9. L’Art des jardins

En cette année 1958, l’architecte paysagiste René Pechère se pose en commandeur de sa profession en réalisant plusieurs jardins remarquables au sein de l’Expo 58. Il réalise par ailleurs les jardins du Centre d’études pour l’énergie nucléaire à Mol, rénove le Jardin botanique, aménage les jardins du Monts des Arts.

10. Le mobilier comme label

Avec les années cinquante, le meuble prend une dimension artistique nouvelle et les architectes sont de plus en plus attentifs au choix des éléments qui prendront place dans leur architecture. Créateurs et éditeurs exposent dans des show-rooms : Entexa avenue de laToison d’Or, EMCE (meubles combinés) rue Ravenstein, Baucher-Feron avenue Louise... Jules Wabbes fonde le Mobilier Universel tandis que Christophe Gevers dessine la Taverne du Cap d’Argent et la Taverne du Palais des beaux-arts de Bruxelles.

11. Les arts plastiques

L’année 1958 compte deux événements majeurs : la grande exposition d’art international intitulée 50 ans d’art moderne organisée dans le grand palais au Heysel et réunissant des œuvres de 26 pays différents et la fondation du groupe avant-gardiste G-58 à Anvers, dont les expositions et manifestations ont stimulé l’art des années 1960. Parmi les artistes membres du groupe, citons Dan Van Severen, Paul Van Hoeydonck, Walter Leblanc, Pol Mara, Filip Tas, André Bogaert… D’autres artistes, dont Jo Delahaut et Jean Rets, s’orientent vers l’abstraction géométrique. La sculpture est largement représentée avec Jacques Moeschal, à qui l’on doit la flèche du génie civil, Olivier Strebelle, auteur du Cheval Bayard, André Willequet, Pol Bury, Jan Dries, Pierre Caille…

Musée d’Architecture - La Loge

rue de l’Ermitage 86 - 1050 Bruxelles

Jusqu'au 21 décembre 2008.

Du mardi au dimanche de 12h à 18h. Fermé le lundi. Nocturne le mercredi jusqu’à 21h.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Marc Chartier 397 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte