Magazine Cinéma

La nuit de Valognes

Par Irreguliere

La nuit de Valognes

Vous verrez, mon amour, au début, le bonheur est aussi fort qu'une douleur, cela déchire tellement qu'on souffre... C'est un coup mortel pour l'orgueil de se savoir autant lié à l'autre... Il faut consentir à aimer.

En ce moment, avec mes Premières, je travaille sur le mythe de Don Juan (oui, je sais, cela n'est pas très original) et évidemment sur la magnifique pièce de Molière . Or en discutant, un de mes collègues m'a rappelé cette pièce de Schmitt, que je n'avais pas encore lue, et je me suis donc précipitée...

Nous sommes au XVIIIème siècle. La duchesse de Vaubricourt a convié chez elle un assemblage assez hétéroclite de femme, afin de mener à bien un projet d'envergure : juger Don Juan, dont elles sont toutes les victimes, et l'obliger à épouser sa dernière conquête, la très jeune Angélique. Le séducteur, contre toute attente, accepte...

Quelle merveille ! J'en suis encore toute retournée ! Il y a tout dans cette pièce : c'est très fin et très drôle, le style est alerte, j'aurais pu tout noter tant les répliques font mouche à chaque fois, c'est à certains moments très grivois, et j'ai franchement ri. Au début. J'ai également été admirative devant la richesse intertextuelle : Molière, mais aussi Da Ponte (avec la référence à l'air du catalogue), Barbey d'Aurévilly, Musset... J'ai aimé voir ici un Don Juan sans âge, incarnant parfaitement le mythe, et en même temps vieillissant et lassé de ses turpitude. Mais surtout, j'ai été touchée par cette pièce souvent poétique et lyrique, mélancolique, remarquable dans l'analyse des sentiments, où Sganarelle n'est plus un pédant ridicule mais la conscience grave de son maître, et où l'auteur nous offre une scène belle à pleurer avec Angélique, sur le thème de l'amour et du bonheur.

Dans ma chronique sur la pièce de Molière, j'avais écrit que "Don Juan, c'est l'homme qui aime, totalement, mais qui n'arrive pas à trouver l'objet unique qui sera digne de cet amour, et seule la pluralité des femmes peut combler le vide laissé par celle qui lui manque et qu'il cherche désespérément sans la trouver. Dom Juan, c'est la tragédie de l'âme qui ne trouve pas son âme soeur...". Et bien ici, Schmitt va encore plus loin que moi et nous propose un Don Juan qui non seulement commet l'erreur de chercher l'agapè (l'amour des âmes) dans l'eros (l'amour des corps) et confondait les deux, mais en plus, se trompait carrément d'objet !

C'est magistral...

La Nuit de Valognes

Eric-Emmanuel SCHMITT

Actes-Sud, 1991 (Magnard, 2005)

53918172

By Leiloona


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Irreguliere 2572 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte