Qu'on se le dise, l'année 2012 sera "Marilyn" ou ne sera pas, en raison du cinquantenaire de la mort de la star planétaire. Le Théâtre des Quartiers d'Ivry dégaine le premier en proposant jusqu'à la fin du mois "Norma Jean", un spectacle inspiré de "Blonde", pavé biographique de Joyce Carol Oates, admirablement, intelligemment et simplement mis en scène par John Arnold.
Assez peu question de glamour et de paillettes ici. Au coeur d'une scénographie dépouillée mais méanmoins structurée, douze excellents acteurs nous donnent à voir la vie subie plus que choisie de celle qui passa à côté de ses rêves les plus simples, en incarnant ses proches ainsi que son entourage professionnel . Une enfance douloureuse (maltraitée par sa mère, elle fut placée en foyer avant d'être adoptée), un premier mariage (forcé) à seize ans, des débuts sous les feux des projecteurs en tant que pin up, la carrière cinématographique qu'on lui connaît, une fin tragique et trouble... Toutes les périodes de l'existence de l'actrice, ses souffrances psychologiques, sont évoquées ici en évitant habilement clichés, raccourcis ou imitations.
La multiplication des séquences, les dialogues brefs et incisifs de John Arnold donnent à cette tragédie (paradoxalement souvent drôle) un rythme effrené qui nous entraîne à cent à l'heure dans une course au bonheur hollywoodienne à l'issue fatale. Les images de ce tourbillon presque onirique sont tour à tour belles, fortes, ou violentes, quelquefois à la limite du supportable, portées par des comédiens qui sont allés chercher, avant toute ressemblance physique avec les personnages souvent connus qu'ils interprètent, une authenticité et une sincérité du sentiment.
Et Marilyn, me demanderez-vous ?! Qui a osé endosser l'impensable responsabilité de prendre les traits de la star ?! Elle s'appelle Marion Malenfant (photo), et à l'instar du travail accompli par ses camarades de scène, elle a su trouver l'essence et la vérité de Norma Jean Baker. En tout cas une certaine vérité. D'une beauté enfantine, frêle, torturée, extrêmement touchante, aussi juste en gamine de sept ans qu'en étoile trentenaire, innocente ou provocante, elle propose un jeu en retenue et profondeur, explosant lors des quelques monologues qui ponctuent la représentation, tels des sursauts de vie, des appels à l'amour, des appels au secours.
Au delà de son aspect biographique passionnant, ce spectacle est une poignante variation autour de la vie qui nous échappe et que l'on ne contrôle pas toujours.
A voir.
Comptez tout de même trois heures avec entracte...
Photo : Bellamy