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Virginia et Vita – Christine Orban

Publié le 05 janvier 2012 par Noann

Virginia Woolf et Vita Sackville-West. Deux complices, amantes, femmes-écrivain (oserais-je dire écrivaines … Ce mot me rebute, car peu usité et contenant la racine « vaine » – quoique écrivain contienne aussi « vain »)

Virginia est une créatrice tourmentée, victime de graves crises de dépression, qui la conduisent parfois aux abords de la folie. Son remède c’est l’écriture, libératrice et salvatrice, une lumière au bout du tunnel. Âgée de 47 ans au moment du récit, elle n’est jamais parvenue à se défaire totalement des affres de la maladie. Les fins de mois sont difficiles, elle mettra du temps à être reconnue, en dépit de son génie littéraire, qui semble tirer profit de ses angoisses. Génie et folie se complètent avec une sorte de magie féroce. Elle tombe amoureuse de Vita, à la fois son mentor, quelqu’un qui lui ressemble en bien des points, mais qui possède ce dont Virginia rêve, le succès, l’opulence… Vita est une aristocrate qui vit dans une somptueuse demeure des suburbs de Londres. Plus jeune que Virginia, elle a connu la gloire et l’estime. Virginia l’admire et la jalouse tout à la fois.

Virginia et Vita

Virginia cultive sa passion amoureuse pour Vita à l’insu de son mari Léonard. S’enticher d’un homme, c’est une sorte de féminisme d’avant-garde, une façon de prouver qu’elles peuvent se passer des hommes. Faut-il avouer sa passion secrète à son mari ? Elle choisit de rester prudente, Léonard ne doit pas souffrir. Mais la soif d’écrire la tenaille… Elle décide d’exploiter ses amours sous les traits d’Orlando, personnage tantôt homme, puis femme, qui franchit allègrement les siècles. Elle espère aussi par ce biais créer un nouveau genre de roman intimiste épistolaire (« la plus longue lettre d’amour jamais écrite », dira le fils de Vita). S’ensuit une quête personnelle ; comment exprimer ses sentiments sans dégâts, tout en trouvant une absolution libératrice. Se libérer des affres du mensonge, de la difficulté d’aimer les deux sexes. Orlando ressemble à son auteure, devenue femme, elle exprime sa douleur d’être ambivalente et de ne pouvoir choisir…

Dans cette reconstitution qui se veut fidèle, nous suivons le parcours intime de ces deux femmes, leurs états d’âme, leurs quêtes d’absolu, de complicité, de beauté, leur soif d’amour… La plume de Christine Orban suffit déjà à rendre le récit extrêmement agréable. Une écriture belle et rigoureuse à la fois, justement dosée, avec un choix de mots qui marie à la fois délicatesse et rigueur, et rendent de façon très belle l’ambiance de l’époque et les pensées intimes des deux amantes. Les pensées des deux femmes, voilà incontestablement un des points forts du livre. L’auteur se glisse à merveille dans cette intimité complice, et rend avec justesse leurs relations ambigües, à la fois très belles et complexes. Chaque phrase parle et met en relief leurs vies, jusqu’au plus profond de leurs cœurs. L’aspect recherche littéraire est intéressant, et lui aussi fort bien restitué, la quête de l’expression écrite la plus juste, d’une forme d’aboutissement romanesque ainsi que d’un épanouissement personnel, le cheminement de l’artiste dans son périple. J’ai beaucoup aimé (mais je suis – il est vrai – le parfait candidat pour ce genre de lecture…)

« Vita était plus inoffensive dans l’absence que dans la présence.Virginia la maîtrisait mieux dans les songes ; elle la manoeuvrait à son gré, lui prêtait paroles et pensées, l’habillait et la déshabillait, souple comme une poupée démantibulée. »

Virginia et Vita de Christine Orban. Éditions Albin Michel

Date de parution : 04/01/2012  

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