[Critique] UNE VIE MEILLEURE de Cédric Kahn

Yann rencontre Nadia. Ils s’aiment. Conjuguent leurs corps et leurs rages de vivre. Ouvrent un restau. Croulent sous les crédits. En quelques plans : tout est dit. Chez Kahn, la vie n’est pas un conte de fées. Portrait d’un serial killer (Roberto Succo), dérive d’un quinqua lambda (Feux rouges), passion dévastatrice et contrariée (Les Regrets), ses films optent pour un naturalisme choc, quelque part entre thriller réaliste et drame psychologique. Son cinéma est ancré dans le réel, enraciné dans un quotidien âpre, mais sublimé par une mise en scène hautement travaillée. Dans Une Vie Meilleure, c’est un peu la même chose : il traite un sujet, puissant et contemporain- le surendettement et la galère de deux trentenaires- à travers un prisme cinématographique qui ne laisse rien au hasard : sens du cadre, photographie soignée, montage sec, interprétation à fleur de peau. Le film est épatant, parce qu’il transcende l’évocation par une justesse de chaque instant.
Une Vie meilleure, c’est la chronique d’une descente aux enfers annoncée, sorte de polar social noir, Kahn se montrant plus humain que les Dardenne, moins politique que Loach. Pourtant, tout y est : la peinture en filigrane d’une France qui piétine les démunis, l’implacabilité d’un système capitaliste et bancaire qui n’autorise pas le faux pas, le regard- brut et intelligent- sur un engrenage, rendu crédible par la finesse de l’étude des protagonistes. Yann (Guillaume Canet, qui n’a pas été aussi bon depuis des lustres), Nadia (Leïla Bekhti) et Slimane (Slimane Khettabi), trio de rêveurs sacrifié, ne sont ni bêtes, ni idéalistes : ce sont simplement des écorchés vifs qui tentent de (se) maintenir la tête hors de l’eau. Trouveront-ils le salut en terre canadienne ? Ou s’agit-il encore d’un autre mirage sur lequel viendra se briser leurs espoirs ? L’identification est immédiate, la charge émotionnelle authentique.