Après la Tate Modern, l’exposition Louise Bourgeois est à Pompidou jusqu’au 2 Juin; elle ira ensuite dans des musées américains jusqu’en Juin 2009. L’exposition parisienne au 6ème étage du Centre n’est pas très différente de celle de Londres, les oeuvres semblent être à peu de choses près les mêmes. Moins d’espace à Paris, semble-t-il, l’araignée touche presque les canalisations au plafond, et les Janus sont présentés dans une alcove, on ne peut pas tourner autour, s’arrêter sous eux et jubiler en levant la tête. Par contre, L’Arc de l’Hystérie, suspendu au plafond, acéphale et masculin (n’en déplaise à Charcot) permet toutes les déambulations, tous les fantasmes et tous les dédoublements dans l’ombre. La Destruction du Père est moins isolée, moins profonde, et, partant, moins effrayante. Mais le Passage Dangereux est présenté seul, dans une pénombre qui lui sied mieux que la salle trop claire de la Tate. Je reprends donc mon texte sur l’exposition de Londres pour le 6ème étage de Pompidou. Mais il y a un bonus, une exposition intime au Cabinet graphique au 4ème étage, toute nouvelle : j’écrirai demain. Dès le Forum, cette énorme Araignée de bronze élégant et d’acier acéré, vous accueille, l’araignée maternelle, amicale, rassurante et industrieuse.
Dès le début, avec ses toiles des années 40s (Femme Maison), tout est mis en place, en perspective : la femme, la maison, l’enfance, le rapport au père et à l’autorité, l’angoisse. Avec une infinie variété de moyens et d’expressions, c’est sur ces thèmes que, toute sa vie, elle va bâtir son oeuvre. Après ses premières sculptures de Personnages, elle va rompre avec le minimalisme en 1964, pour aller vers des représentations très corporelles, voire très sexuelles, comme la bien connue Fillette (”Ce que j’aime a la forme des gens autour de moi, de mon mari, de mes fils. Donc quand j’ai voulu représenter quelque chose que j’aime, j’ai naturellement choisi un petit pénis”). Sa première grande installation, La destruction du père (1974) fait écho à sa haine de son père. Autour d’une table, Louise, sa mère et ses frère et soeur sont soumis à la tyrannie domestique du père, violent et coureur; ils se plient en silence, puis jettent le père sur la table, le démembrent et le dévorent. La scène baigne dans une lumière rougeâtre sur des murs noirs, comme un petit théâtre. Mais il y a là plus qu’un cauchemar enfantin; la scène engendre des sentiments de claustrophobie, de malaise, de violence réprimée.
Après ses sculptures sensuelles de marbre toscan (comme Cumul), on peut voir les grandes cellules qu’elle produit après 1980. Ces cellules sont des cartographies de son esprit, de son coeur, ce sont des prisons et des refuges, cellules dans tous les sens du terme. Passage Dangereux (1997) est une cage grillagée; le regard y pénètre, on s’enfonce dans des redents, on y est dehors en s’imaginant être dedans, on varie les angles de regard, les points de vue. Des objets y sont suspendus ou jetés au sol, chaises, prothèses, miroirs, coussins. C’est un passage entre deux avenues, entre deux lieux, entre deux temps; comme un grenier poussiéreux, c’est un lieu de mémoire, de souvenirs enfantins, de frayeurs plus que de fous-rires. Une chaise électrique ne vous laisse pas l’oublier. Il y a aussi les “Chambres rouges”, celle des parents et celle des enfants. Tout un univers, une intimité dérangeante.
La dernière pièce de l’exposition, L’enfant réticent, que je ne me souviens pas avoir vue à Londres, présente devant un miroir concave six statuettes roses de la vie de son fils Alain, depuis sa grossesse jusqu’à l’âge adulte, come une frise théâtrale de la vie.
Louise Bourgeois étant représentée par l’ADAGP, je ne peux vous montrer que deux photos de cette exposition; elles seront ôtées du blog à la fin de la dernière exposition américaine (au Hirshhorn de Washington). Beaucoup des liens ci-dessus mènent vers d’autres images. Photos de l’auteur.